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Publifin : compatir

Blog - Anathème - Elio Di Rupo partis politiques Wallonie par Anathème

janvier 2017

Le scan­dale Publi­fin, la presse n’a donc que ça à la plume ? Scan­da­leux pro­fi­teurs, mal­hon­nêtes, fos­soyeurs de la démo­cra­tie, poli­ti­ciens, les pires invec­tives fusent sur les réseaux sociaux. Voi­là qu’une poi­gnée de man­da­taires des trois prin­ci­paux par­tis de Wal­lo­nie sont cloués au pilo­ri, avec l’ensemble des appa­reils de leurs par­tis, par­fai­te­ment au cou­rant du sys­tème, et […]

Anathème

Le scan­dale Publi­fin, la presse n’a donc que ça à la plume ? Scan­da­leux pro­fi­teurs, mal­hon­nêtes, fos­soyeurs de la démo­cra­tie, poli­ti­ciens, les pires invec­tives fusent sur les réseaux sociaux. Voi­là qu’une poi­gnée de man­da­taires des trois prin­ci­paux par­tis de Wal­lo­nie sont cloués au pilo­ri, avec l’ensemble des appa­reils de leurs par­tis, par­fai­te­ment au cou­rant du sys­tème, et avec les cabi­nets minis­té­riels qui en dépendent… Voi­là ces gens obli­gés de renon­cer à une par­tie de leurs richesses, de démis­sion­ner de l’un ou l’autre de leurs mandats…

N’y a‑t-il donc per­sonne pour prendre la défense de ces per­sonnes si dure­ment mises en cause ? Même les néo­li­bé­raux de pointe, pour­tant prompts à trou­ver des excuses à Pino­chet et à louer les réformes éco­no­miques d’Imelda Mar­cos, même les néo­li­bé­raux se taisent. Seul mon ami et conseiller éco­no­mique, le cou­ra­geux John Com­mon Jr. s’est fen­du sur mon blog d’une salu­taire ana­lyse qui contex­tua­lise le sys­tème Publifin.

Si mon esti­mé ami éta­blit clai­re­ment la par­faite ortho­doxie libé­rale des méca­nismes en ques­tion, il omet cepen­dant de poser la ques­tion morale qui consti­tue une pierre d’achoppement majeure pour le pro­ces­sus de retour à la nor­ma­li­té poli­tique wal­lonne. Selon nombre d’experts auto­pro­cla­més, il serait en effet mora­le­ment répré­hen­sible de béné­fi­cier d’argent public sans ser­vir en retour l’intérêt géné­ral. Les sommes attri­buées aux man­da­taires des comi­tés sec­to­riels de Publi­fin seraient dès lors mal­hon­nê­te­ment gagnées, sinon illégalement.

Quoi qu’on pense du regret­table pen­chant pour l’éthique de notre socié­té, il me semble utile de pro­cé­der à une brève mise au point.

En pre­mier lieu, la dis­tinc­tion entre argent pri­vé et argent public n’a de sens que sous un angle par­ti­cu­lier : s’il est indé­fen­dable de pré­le­ver de l’argent pri­vé pour en faire de l’argent public, que ce soit par l’impôt ou par les coti­sa­tions sociales, l’inverse est par­fai­te­ment nor­mal. Il est en effet tota­le­ment jus­ti­fié que la col­lec­ti­vi­té alloue des moyens aux puis­sants, ces per­sonnes qui acceptent de se sai­sir des rênes du monde libre et de veiller sur nos inté­rêts collectifs.

Ensuite, il faut rap­pe­ler qu’il est par­fai­te­ment légi­time de gagner de fortes sommes dans la plus par­faite oisi­ve­té, pour autant que celle-ci soit empreinte d’élégance, voire de dan­dysme. Ain­si, les riches héri­tiers qui ont pour seul mérite d’être des reje­tons de leurs parents, les ren­tiers qui se contentent d’encaisser les loyers ou les action­naires qui prennent des risques par ges­tion­naires de for­tune inter­po­sés sont par­fai­te­ment légi­times dans l’acquisition et l’accroissement de leur patri­moine. Il ne faut bien enten­du pas les confondre avec de vul­gaires pauvres qui se com­plaisent dans leur médio­cri­té aux frais de la sécu­ri­té sociale. Leur absence de raf­fi­ne­ment indique à suf­fi­sance le carac­tère mora­le­ment répré­hen­sible de leur assistanat.

Enfin, il faut se rap­pe­ler que les per­sonnes à qui nous avons affaire ont voué leur vie au ser­vice de la col­lec­ti­vi­té. Ser­vir leurs conci­toyens, faire triom­pher l’intérêt géné­ral, anti­ci­per le monde de demain, por­ter nos idéaux au plus haut point n’est pas seule­ment un sacer­doce, c’est pour eux une rai­son de vivre. Ima­gi­nez la dou­leur de ces êtres déli­cats et altruistes lorsqu’on leur annon­ça que les réunions du comi­té auquel ils appar­te­naient étaient fic­tives, que la struc­ture qu’ils avaient inté­grée était inutile, qu’elle ne pour­sui­vait aucun but sus­cep­tible de rendre le monde meilleur… Ima­gi­nez… Je vous laisse un ins­tant pour vous repré­sen­ter ces pauvres man­da­taires pétris de hauts idéaux libé­raux, socia­listes, huma­nistes, le regard per­du, la larme à l’œil, les bras bal­lants, le désar­roi au cœur. Ima­gi­nez la tris­tesse d’Elio, mais en pire. Vous y êtes ?

Main­te­nant dites-moi si une telle souf­france ne jus­ti­fie pas un dédom­ma­ge­ment ? Pou­vait-on les lais­ser ain­si sans ten­ter une com­pen­sa­tion, déri­soire certes, sans esquis­ser un petit geste, sans glis­ser un modeste billet ?

Notre monde a‑t-il donc per­du toute compassion ?

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.