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Publifin : compatir
Le scandale Publifin, la presse n’a donc que ça à la plume ? Scandaleux profiteurs, malhonnêtes, fossoyeurs de la démocratie, politiciens, les pires invectives fusent sur les réseaux sociaux. Voilà qu’une poignée de mandataires des trois principaux partis de Wallonie sont cloués au pilori, avec l’ensemble des appareils de leurs partis, parfaitement au courant du système, et […]
Le scandale Publifin, la presse n’a donc que ça à la plume ? Scandaleux profiteurs, malhonnêtes, fossoyeurs de la démocratie, politiciens, les pires invectives fusent sur les réseaux sociaux. Voilà qu’une poignée de mandataires des trois principaux partis de Wallonie sont cloués au pilori, avec l’ensemble des appareils de leurs partis, parfaitement au courant du système, et avec les cabinets ministériels qui en dépendent… Voilà ces gens obligés de renoncer à une partie de leurs richesses, de démissionner de l’un ou l’autre de leurs mandats…
N’y a‑t-il donc personne pour prendre la défense de ces personnes si durement mises en cause ? Même les néolibéraux de pointe, pourtant prompts à trouver des excuses à Pinochet et à louer les réformes économiques d’Imelda Marcos, même les néolibéraux se taisent. Seul mon ami et conseiller économique, le courageux John Common Jr. s’est fendu sur mon blog d’une salutaire analyse qui contextualise le système Publifin.
Si mon estimé ami établit clairement la parfaite orthodoxie libérale des mécanismes en question, il omet cependant de poser la question morale qui constitue une pierre d’achoppement majeure pour le processus de retour à la normalité politique wallonne. Selon nombre d’experts autoproclamés, il serait en effet moralement répréhensible de bénéficier d’argent public sans servir en retour l’intérêt général. Les sommes attribuées aux mandataires des comités sectoriels de Publifin seraient dès lors malhonnêtement gagnées, sinon illégalement.
Quoi qu’on pense du regrettable penchant pour l’éthique de notre société, il me semble utile de procéder à une brève mise au point.
En premier lieu, la distinction entre argent privé et argent public n’a de sens que sous un angle particulier : s’il est indéfendable de prélever de l’argent privé pour en faire de l’argent public, que ce soit par l’impôt ou par les cotisations sociales, l’inverse est parfaitement normal. Il est en effet totalement justifié que la collectivité alloue des moyens aux puissants, ces personnes qui acceptent de se saisir des rênes du monde libre et de veiller sur nos intérêts collectifs.
Ensuite, il faut rappeler qu’il est parfaitement légitime de gagner de fortes sommes dans la plus parfaite oisiveté, pour autant que celle-ci soit empreinte d’élégance, voire de dandysme. Ainsi, les riches héritiers qui ont pour seul mérite d’être des rejetons de leurs parents, les rentiers qui se contentent d’encaisser les loyers ou les actionnaires qui prennent des risques par gestionnaires de fortune interposés sont parfaitement légitimes dans l’acquisition et l’accroissement de leur patrimoine. Il ne faut bien entendu pas les confondre avec de vulgaires pauvres qui se complaisent dans leur médiocrité aux frais de la sécurité sociale. Leur absence de raffinement indique à suffisance le caractère moralement répréhensible de leur assistanat.
Enfin, il faut se rappeler que les personnes à qui nous avons affaire ont voué leur vie au service de la collectivité. Servir leurs concitoyens, faire triompher l’intérêt général, anticiper le monde de demain, porter nos idéaux au plus haut point n’est pas seulement un sacerdoce, c’est pour eux une raison de vivre. Imaginez la douleur de ces êtres délicats et altruistes lorsqu’on leur annonça que les réunions du comité auquel ils appartenaient étaient fictives, que la structure qu’ils avaient intégrée était inutile, qu’elle ne poursuivait aucun but susceptible de rendre le monde meilleur… Imaginez… Je vous laisse un instant pour vous représenter ces pauvres mandataires pétris de hauts idéaux libéraux, socialistes, humanistes, le regard perdu, la larme à l’œil, les bras ballants, le désarroi au cœur. Imaginez la tristesse d’Elio, mais en pire. Vous y êtes ?
Maintenant dites-moi si une telle souffrance ne justifie pas un dédommagement ? Pouvait-on les laisser ainsi sans tenter une compensation, dérisoire certes, sans esquisser un petit geste, sans glisser un modeste billet ?
Notre monde a‑t-il donc perdu toute compassion ?