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Pour des élites populaires
Force est de constater que, de plus en plus de citoyens en ont assez du système (vous savez, le système) et des élites. On les comprend. Ces enviables profiteurs, exerçant un pouvoir dont chacun rêve secrètement, vivant dans un confort scandaleux pour les vraies gens, ces escrocs népotistes sont éminemment détestables… au sens littéral : chacun adore les détester.
Dans le même temps, il faut admettre que les mêmes citoyens sont également assez remontés contre les pauvres, les migrants, les déclassés de toute sorte, bref, les déchets de notre société. Ces répugnants profiteurs, dépourvus de tout pouvoir au point d’en être méprisables, vivant dans une misère scandaleuse car trop douce encore au regard de leur abjection, ces traine-savates héréditaires sont éminemment détestables… au sens littéral : rien n’est plus rassurant que de les haïr.
La situation est délicate : bien qu’ils n’aient aucune proposition alternative, des milliers d’électeurs rêvent d’abattre le système dont ils espèrent secrètement tirer des fortunes – matérielles et symboliques – et dont ils craignent qu’il les réduise à l’état de loques. Des millions de votants veulent déchoir des élites qu’ils détestent à force de les envier, tout en méprisant les exclus, par crainte de se reconnaitre en eux.
La quadrature du cercle.
Heureusement, chaque fois que l’homme est face à un défi nouveau, son génie lui permet de dépasser l’obstacle. Puisqu’il faut détruire le système, mais dans l’ordre et la discipline, puisqu’on ne peut faire confiance aux damnés de la Terre pour s’en charger, il suffit de choisir, au sein même de l’élite, quelqu’un qui acceptera de se proclamer adversaire du système.
C’est ainsi que Marine Le Pen, femme fortunée et héritière de l’empire d’extrême droite de son père, Donald Trump, descendant d’un riche homme d’affaire dont il poursuit l’œuvre, Nigel Farage, produit de la City londonienne, ou encore Silvio Berlusconi, magnat de l’immobilier et de la presse, se dévouent pour endosser la dure posture d’ennemi du système.
Rassurants parce que bien nés, parfaits candidats au poste de manager d’une révolution isomorphe, habiles à mépriser les faibles, prompts à flatter les puissants, ils ouvrent la perspective d’une réconciliation des élites et du peuple. Se chargeant elle-même de son propre déboulonnage, l’élite se met au service d’un peuple qui, en retour, accepte que la mise à mort du système soit purement discursive. Ce compromis national-autocrate, prenant le relais du tristement célèbre compromis social-démocrate, est la promesse de lendemains qui chantent pour une société apaisée. Enfin !
Demain, le Pape sera acclamé pour ses discours fustigeant le cléricalisme, Cyril Hanouna pour sa critique sans concession de la télévision poubelle et Bernard Tapie pour sa satire au vitriol de l’affairisme. Chez nous, Maurice Lippens sera appelé à réformer le système bancaire, Elio Di Rupo à nettoyer le monde politique belge et Filip Dewinter à lutter contre la domination de la bourgeoisie blanche. À n’en pas douter, on publiera bientôt les considérations de BHL sur la dignité d’une pensée droite et pure, les charges de Berlusconi contre le patriarcat, le pamphlet d’Erdogan contre la presse aux ordres du pouvoir et des groupes financiers, ainsi que, récemment découvert dans ses papiers personnels, le cri d’indignation d’Augusto Pinochet face au pouvoir des militaires.
C’est ainsi que, enfin réconciliées, élites et masses populaires pourront, la main dans la main, marcher vers demain. Au pas. La fleur au fusil.
Mister Trump n’est qu’un avant-gout.