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Persiste et signe
Ils ont parfaitement raison, nos bienfaiteurs en politique : nous n’attendons qu’un signe. « Il suffira d’un signe, un matin » disait le chanteur (je n’ose parler de poète). Il avait raison. Que dire alors d’un flot incessant de signes, se bousculant, se remplaçant, s’annihilant en une débauche symbolique insensée ? Qui pourrait nier le bien que cela fait, […]

Ils ont parfaitement raison, nos bienfaiteurs en politique : nous n’attendons qu’un signe. « Il suffira d’un signe, un matin » disait le chanteur (je n’ose parler de poète). Il avait raison. Que dire alors d’un flot incessant de signes, se bousculant, se remplaçant, s’annihilant en une débauche symbolique insensée ? Qui pourrait nier le bien que cela fait, aux victimes, aux citoyens, aux marchés, aux investisseurs, aux électeurs, aux autorités internationales, aux dictateurs, un signe ? Rien de tel qu’un signe, nous n’attendons plus rien d’autre de la vie, de la politique, de la science, de l’homme.
Ils ont doublement raison lorsqu’en plus de produire du signe comme vache qui pisse, ils posent les bases de la future police du signe. Parce qu’il faut à tout prix éviter que le signe se galvaude, ou que les ennemis de notre si parfaite démocratie puissent user de notre bonté et de notre tolérance pour émettre des signes concurrents et néfastes. On ne badine pas avec les signes et il ne faudrait pas que de malintentionnés individus distraient le citoyen honnête des émissions symboliques officielles ou dument autorisées.
Il faut donc régir le signe. Bannis, dès lors, les signes religieux. De l’école. Des administrations. De l’espace public. Du débat public. Quoi encore ? Tout signe convictionnel ! Car la religion n’est qu’une conviction parmi d’autres. Rien ne tue en effet plus sûrement que des convictions, sauf celles de notre pureté et de notre supériorité. Rien n’encombre plus nuisiblement notre espace public que les signes produits par les dangereux adeptes d’un quelconque sens de la vie. Et puisqu’on ne peut interdire l’idée ni la croyance, que l’on en interdise l’expression. L’homme est un individu, il ne doit pas être autorisé à communiquer à ses semblables le fruit de ses cogitations. Et si la communication de symboles ne peut être prohibée dans la sphère privée, qu’elle le soit en public, en groupe ou en présence d’enfants. Et que ne tremble pas notre main au moment de trancher le membre gangréné !
Nous suivons la juste voie et, j’en suis sûr, il est proche le temps où nos esprits et notre espace public seront débarrassés de tout signe nuisible, enfin parfaitement disponibles pour les bons signes, ceux de nos sauveurs médiaticopolitiques, et de leurs gracieux sponsors. Mais oui, vous savez, ceux qui décorent si joliment notre espace public et investissent si amicalement l’esprit de nos enfants de leurs invitations à la jouissance consumériste, à l’étourdissement dépensier et à l’épanouissement possessif.
Le sens de la vie, le vrai. En 20 mètres carrés sur les murs d’une ville enfin neutre. Et libre.