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Pandémie et changements climatiques, la bataille des urgences

Blog - Délits d’initiés - climat économie Santé publique par

mars 2020

Emboi­tant le pas aux États membres qui ont tous déployé une bat­te­rie de mesures pour affron­ter la pan­dé­mie du Covid-19 et ses consé­quences pour la vie éco­no­mique, la Com­mis­sion euro­péenne a pré­sen­té une série de pro­po­si­tions (cer­taines devant être vali­dées par le Conseil, voire le Par­le­ment euro­péen). Elles vont de la levée des obs­tacles aux douanes […]

Délits d’initiés

Emboi­tant le pas aux États membres qui ont tous déployé une bat­te­rie de mesures pour affron­ter la pan­dé­mie du Covid-19 et ses consé­quences pour la vie éco­no­mique, la Com­mis­sion euro­péenne a pré­sen­té une série de pro­po­si­tions (cer­taines devant être vali­dées par le Conseil, voire le Par­le­ment euro­péen). Elles vont de la levée des obs­tacles aux douanes pour le pas­sage de biens de pre­mière néces­si­té et équi­pe­ments médi­caux à la créa­tion d’un plan d’investissement anti-coro­na­vi­rus, en pas­sant par la sus­pen­sion du Pacte de Sta­bi­li­té et la mobi­li­sa­tion du méca­nisme euro­péen de sta­bi­li­té pour aider finan­ciè­re­ment les pays mis en dif­fi­cul­té par la pandémie.

Dans toutes les ini­tia­tives sur la table et en dis­cus­sion, on est frap­pé de consta­ter l’absence de lien avec le Pacte vert euro­péen. Celui-ci avait été annon­cé par la pré­si­dente de la Com­mis­sion comme le sque­lette de la stra­té­gie de tran­si­tion éco­lo­giste garan­tis­sant le res­pect de l’Accord de Paris et la neu­tra­li­té cli­ma­tique pour 2050 au plus tard.

Une urgence en chasse une autre. Mais est-il rai­son­nable de les décon­nec­ter l’une de l’autre ? À contra­rio, les lier ne serait-il pas une manœuvre légè­re­ment cynique pour ins­tru­men­ta­li­ser la pan­dé­mie au ser­vice d’un pro­jet socié­tal légitime ?

En mai 2008, quelques mois avant l’effondrement de la banque Leh­man Bro­thers qui fut le déclic de la crise finan­cière et éco­no­mique, Mar­ga­reth Chan, la cheffe de l’Organisation mon­diale de la san­té tirait la son­nette d’alarme et aler­tait sur les risques en termes de san­té publique des futures crises ali­men­taires, de pan­dé­mies et des chan­ge­ments cli­ma­tiques. Elle appe­lait les États à s’y préparer.

« Les inves­tis­se­ments dans la tech­no­lo­gie et les inter­ven­tions “n’achèteront pas” auto­ma­ti­que­ment à eux seuls de meilleurs résul­tats sani­taires. Nous devons éga­le­ment inves­tir dans les moyens humains et ins­ti­tu­tion­nels, dans l’information sani­taire et dans les sys­tèmes de pres­ta­tion des ser­vices. […] De plus en plus, nous affron­tons des pro­blèmes qui ne peuvent être vrai­ment réso­lus que par une col­la­bo­ra­tion mon­diale bien orien­tée et bien coor­don­née. […] De plus en plus, un évé­ne­ment dans une par­tie du monde peut vite faire sen­tir ses effets dans le sys­tème inter­na­tio­nal et nous tou­cher tous. De plus en plus, la trans­pa­rence élec­tro­nique qui carac­té­rise le monde d’aujourd’hui ampli­fie les pré­oc­cu­pa­tions sociales après une catas­trophe, et la désor­ga­ni­sa­tion sociale et éco­no­mique après une flam­bée épidémique. »

Peu de temps après, la crise sur­ve­nait plom­bant les finances publiques les­quelles furent par le suite vic­time de cures d’austérité. Les aver­tis­se­ments de Madame Chan n’étaient plus qu’un vague sou­ve­nir. Les bud­gets que les gou­ver­ne­ments consa­craient à la San­té ne pas­sèrent pas au tra­vers des mailles de l’austérité. Dans la majo­ri­té des États membres (y com­pris la Bel­gique), on obser­va un ralen­tis­se­ment de la hausse des dépenses de san­té par habi­tant. En Grèce, la réduc­tion fut par­ti­cu­liè­re­ment sévère et l’Italie, le pays le plus tou­ché par le coro­na­vi­rus, fut l’autre pays d’Europe où il ne fut guère ques­tion de ralen­tis­se­ment, mais de baisse d’année en année au cours de la décen­nie écoulée.

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Dépenses de santé

En 2017, David Wal­lace-Wells (DWW) publia un article qui allait deve­nir le plus consul­té sur le site du New York Maga­zine. S’appuyant sur une riche biblio­gra­phie d’articles scien­ti­fiques qu’il croise avec des dépêches de médias locaux et natio­naux, DWW rend compte des réper­cus­sions des chan­ge­ments cli­ma­tiques dans un grand nombre de registres et en esquisse les ampli­tudes si, comme cer­tains le redoutent, la tem­pé­ra­ture moyenne aug­men­tait de 4°C faute d’action rapide et vigou­reuse de la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale. Il enri­chit ulté­rieu­re­ment son article pour en faire un ouvrage à part entière : La Terre inha­bi­table : vivre avec 4°C de plus. L’un des cha­pitres traite des « pestes » du réchauf­fe­ment ». Il explique : « Il existe aujourd’hui, prises au piège de la ban­quise arc­tique, des mala­dies qui n’ont pas cir­cu­lé dans l’air depuis des mil­lions d’années — et, pour cer­taines, qui pré­cèdent la pré­sence humaine sur Terre. Nos sys­tèmes immu­ni­taires se trou­ve­ront bien dépour­vus pour orga­ni­ser la riposte lorsque ces épi­dé­mies pré­his­to­riques émer­ge­ront de la glace. […] En Alas­ka, les cher­cheurs ont décou­vert des traces de la grippe de 1918 qui a infec­té pas moins de 500 mil­lions de per­sonnes, dont 50 mil­lions sont décé­dées. […] Les scien­ti­fiques soup­çonnent la glace sibé­rienne de rece­ler la variole et la peste bubo­nique, entre autres mala­dies légendaires. »

Que se pas­se­ra-t-il si du fait de la fonte des glaces parce que nous n’aurons été capable de réduire la concen­tra­tion en CO2 de l’atmosphère, ces mala­dies se retrou­vaient dans l’atmosphère et qu’elles par­ve­naient jusqu’à nous?… Outre ces menaces du pas­sé, les experts s’inquiètent de la modi­fi­ca­tion des éco­sys­tèmes sous l’effet du réchauf­fe­ment qui va étendre les zones d’expansion des mala­dies tro­pi­cales comme le palu­disme et le rayon­ne­ment des vec­teurs de mala­dies comme les mous­tiques et les tiques. Ain­si, on com­prend bien et mieux encore en jetant un regard à ce tableau de l’OMS, le lien entre chan­ge­ments cli­ma­tiques et menace sanitaire.

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Par contre, on com­prend moins bien qu’alors qu’il est ques­tion de déployer 750 mil­liards d’euros au titre de l’action de la Banque cen­trale euro­péenne, 37 mil­liards d’euros dans le cadre d’un plan d’investissements anti-coro­na­vi­rus, on n’envisage pas de cibler les mesures favo­ri­sant l’accélération de la tran­si­tion éco­lo­gique et sociale. Les chan­ge­ments cli­ma­tiques ain­si que les pan­dé­mies par­tagent le point com­mun de déclen­cher des effets sys­té­miques. Les pre­miers risquent bien d’attiser les secondes, ce qui accroi­tra d’autant plus la dif­fi­cul­té de nos socié­tés à y faire face. Certes, à court terme, les pan­dé­mies peuvent avoir pour effet de limi­ter les émis­sions de par­ti­cules fines et de gaz à effet de serre, en rédui­sant l’activité indus­trielle ou les déplacements.

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Mais, comme on l’a expé­ri­men­té avec la crise éco­no­mique de 2008, la baisse des émis­sions de gaz à effet de serre n’avait été que mar­gi­nale (-1% alors que le PIB mon­dial avait plon­gé de 1,7%) et tem­po­raire. Elles avaient repris de plus belle dès l’an­née sui­vante en rebon­dis­sant à un rythme deux fois supé­rieur à la hausse moyenne des 2% consta­tées les quinze années précédentes.

Entre le pre­mier décès en lien avec le Covid-19 enre­gis­tré en Europe le 15 février et le bazoo­ka de mesures éco­no­miques dégai­né par la Com­mis­sion et la BCE, il n’aura fal­lu que quelques semaines. La rapi­di­té d’action était bien enten­du justifiée. 

Nous pre­nons dès à pré­sent les paris quant au délai qui s’écoulera entre le vote par le Par­le­ment euro­péen qui décré­ta le 28 novembre 2019 l’urgence cli­ma­tique et le jour où la loi cli­mat euro­péenne, à prio­ri pièce cen­trale du Pacte vert euro­péen (pour autant qu’elle ne soit pas défor­cée sous la pres­sion des lob­bies éco­no­miques et conser­va­teurs), entre­ra en vigueur !