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Non à l’ostentation !

Blog - Anathème - école France Islam par Anathème

juillet 2014

Il est devenu banal de réprimer les signes religieux ostentatoires tels que le voile, la kippa, le port d’une croix. Si le premier, par nature, cache ostensiblement les cheveux, la deuxième est sans doute ostentatoire lorsque sa forme empêche de la confondre avec un bob promouvant un de ces brasseurs si bons pour nous et […]

Anathème

Il est devenu banal de réprimer les signes religieux ostentatoires tels que le voile, la kippa, le port d’une croix. Si le premier, par nature, cache ostensiblement les cheveux, la deuxième est sans doute ostentatoire lorsque sa forme empêche de la confondre avec un bob promouvant un de ces brasseurs si bons pour nous et notre football national. La dernière pose des problèmes de taille, la question étant de savoir à partir de quelle échelle par rapport à l’originale il y a ostentation. Quoi qu’il en soit, de plus en plus, pour préserver la neutralité de certains lieux ou non-lieux, chacun est tenu de se neutraliser et donc de s’abstenir de toute ostentation convictionnelle.

En cette matière, les progrès sont quotidiens. C’est ainsi que, en France, l’on interdit à des femmes voilées de soutenir l’école de leur enfant en accompagnant les classes en sortie scolaire[1]. Notons que, dans certains cas, il a été toléré que le hijab soit caché par une casquette, ce qui amène à s’interroger sur la profondeur de la neutralité exigée : peut-on n’être neutre qu’en surface ou les autorités ont-elles le droit d’investiguer en profondeur ? A partir de quel niveau de dissimulation la dissimulation n’est-elle plus ostensible ? Dans un autre domaine, des femmes ostensiblement dissimulées se virent interdites d’accès à la plage de Wissous, neutralité du sable oblige[2].

Rien d’étonnant à cela : quoi de plus dangereux que les convictions, si ce ne sont les convictions clairement exprimées ? Tant et si bien que, depuis quelque temps, nous sommes passés des convictions religieuses à toute conviction quelconque. Ainsi de Rumst et Boom, petites communes belges qui, l’année dernière, à la veille de Tomorrowland, décidèrent de prohiber les signes de convictions politiques dans l’enceinte et aux alentours du festival[3]. Quelle surprise, sans doute, pour ces post-adolescentes, d’apprendre que le si beau barbu qu’elles arborent sur leur t‑shirt n’est pas l’égérie d’une boisson gazeuse, mais un révolutionnaire mort pour ses convictions en Amérique latine…

En attendant que ne soit pourchassée la conviction que le vert se marie harmonieusement avec le turquoise ou les carreaux avec les lignes, un pas de plus a été franchi dans cette salutaire quête : la prohibition de l’ostentation elle-même. En effet, Christian Estrosi, secret (?) admirateur des identitaires français et patriote convaincu, a interdit, dans sa belle municipalité de Nice, l’usage ostentatoire de drapeaux étranger pour fêter une victoire au Mondial[4]. Certes, le drapeau est ostentatoire par nature, ce qui est bien légitime lorsqu’on est chez soi et qu’on ostente sous l’œil bienveillant de sa République laïque, elle-même grande ostentatrice d’ors et de bannières.

Mais lorsque des habitants, trahissant le pacte national, se prennent à supporter en terre française des équipes étrangères – voire nord-africaines – l’on verse clairement dans l’ostentation à l’ordre public. Il devient alors nécessaire de frapper les coupables d’une juste sanction. Quelle nation, même démocratique, pourrait-elle tolérer des ostentats visant, sur son territoire, des populations civiles, des enfants, des femmes ? Comment prétendre, à Nice, ostenter un drapeau algérien (par exemple) sans risque de heurter un riche retraité à peine consolé de la perte de l’Algérie française ?

Heureusement, une saine condamnation frappe de plus en plus de cas d’ostentation et notre juste courroux s’abat sur ceux qui prétendent ostenter comme bon leur chante. Ne seront bientôt plus tolérés chez nous que les ostentations légitimes, comme celle de l’insolente richesse de quelques-uns, laquelle est le signe d’une réussite d’autant plus méritée qu’elle est souvent acquise en s’asseyant sur toute conviction. Ainsi adviendra un monde meilleur où seul le cynisme aura droit d’ostentation.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.