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Nihilistes ?
Nihilistes ! On nous accuse d’être nihilistes ! Notre société sans valeurs sombrerait dans la permissivité faute de croire en quoi que ce soit. Il conviendrait de s’arc-bouter sur les croyances traditionnelles, sur la façon de penser de nos grands-parents, sur les valeurs éternelles d’une Europe millénaire. Ou millénariste ? Je ne sais plus trop. Le modernisme aurait […]

Nihilistes ! On nous accuse d’être nihilistes ! Notre société sans valeurs sombrerait dans la permissivité faute de croire en quoi que ce soit. Il conviendrait de s’arc-bouter sur les croyances traditionnelles, sur la façon de penser de nos grands-parents, sur les valeurs éternelles d’une Europe millénaire. Ou millénariste ? Je ne sais plus trop. Le modernisme aurait eu raison de nos racines, faisant de nous des êtres amoraux, pour ne pas dire immoraux.
Nihilistes ? Nous ? Rien n’est plus faux ! Nous restons, à l’image de nos glorieux ancêtres, profondément superstitieux, imprégnés de croyances imbéciles et capables de sacrifier notre intérêt avéré à la conservation de nos mythes fondateurs. Plus exactement, nous savons que les mythes nous font tenir debout plus sûrement que ce qui est nécessaire à notre survie.
Nous sommes donc comme eux, qui, au Moyen-Age, provoquèrent, selon certains historiens, une stagnation de la population en interdisant la fornication les jours de fêtes chrétiennes (plus de la moitié de l’année) ou construisirent des cathédrales plutôt que de nourrir la population. Comme ceux qui pratiquèrent, des siècles durant, des saignées qui précipitaient leurs malades dans la tombe.
Joie ! Noël ! Nous sommes sauvés ! Nous continuons de préférer notre salut à notre survie.
Mais oui, alors que nous avons sous les yeux un voisin occupé de mourir des remèdes que nous lui prescrivons, nous lui recommandons de doubler la dose. Mieux encore, nous nous proposons de prendre de ces drogues si bénéfiques, d’abord à titre préventif, ensuite à des fins curatives. Pâlissons-nous à vue d’œil ? Il ne faut pas faiblir, les effets secondaires sont le prix à payer de la guérison miraculeuse. Perdons-nous notre mobilité, nos capacités d’initiative, notre joie de vivre, notre énergie ? Il est trop tard, incapables de penser, il ne nous reste qu’une rengaine : « n’oublions pas notre pilule du soir, ni notre sirop du matin ».
Ah, comme nous rions des médecins de Molière qui pratiquaient l’assassinat involontaire de leurs patients ! Mais cette grande époque d’une grande barbarie et qui accoucha de grands esprits est l’égale de la nôtre.
Nul doute que de notre culte des 3% de déficit, de notre asservissement volontaire à 2,15%, puis à l’équilibre budgétaire absolu – à l’image de moines faisant vœu de manger maigre, parce que 40 jours de carême, c’est un peu nul –, de notre foi en l’austérité, de notre joie à sabrer dans les dépenses, de notre adhésion sans réserve aux idées de responsabilisation, d’activation et de liberté de se démerder seul pour s’en sortir, de notre conviction que nous attend un au-delà économiquement paradisiaque qui nous paiera de nos efforts et justifiera la mort de ceux que nous aurons abandonné tout au long du chemin ; nul doute que, de tout cela, naîtront de grandes choses.
Non, nous ne sommes pas nihilistes ! Nous prêchons et pratiquons une vertu budgétaire qui nous place bien au-dessus de nos contemporains. Annonçons la bonne nouvelle : il est proche le Royaume !
Austérité, mon Dieu !