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Neutralisons !
Le retour de la polémique autour du port du voile fait souffler un vent de fraicheur sur nos sociétés traumatisées par la pandémie : enfin, la vie reprend son cours normal et nous permet de revenir à nos occupations favorites, au premier rang desquelles, édicter des règles relatives à la vêture féminine. Nous voilà donc repartis pour une […]
Le retour de la polémique autour du port du voile fait souffler un vent de fraicheur sur nos sociétés traumatisées par la pandémie : enfin, la vie reprend son cours normal et nous permet de revenir à nos occupations favorites, au premier rang desquelles, édicter des règles relatives à la vêture féminine. Nous voilà donc repartis pour une réconfortante empoignade autour de la question de la neutralité dans les services publics.
Ce simple fait est réjouissant, mais il nous faut admettre un gout de trop peu. En effet, les positions dans ce champ sont par trop frileuses, surtout chez les tenants d’une neutralité forte des services publics.
Une chose est acquise, certes : nous avons tous compris qu’une femme voilée et conduisant un tram ou une rame de métro de la STIB menaçait gravement la neutralité du service public. La soupçonne-t-on de mener son véhicule de manière islamiste ? De faire de sa conduite un outil de prosélytisme mahométan ? De commettre des excès de vitesse en direction de la Mecque ? On ne saurait trop le dire, et cela n’a au fond aucune importance. En effet, la neutralité des services publics ne dépend pas seulement des actes, mais aussi, voire surtout, des apparences.
En quoi consiste une apparence non neutre ? C’est assez difficile à définir, mais il semble certain que le fait d’être visiblement musulman en fait partie. Un large consensus se fait jour pour estimer que tout usager des services publics servi par quelqu’un qu’il soupçonne d’adhérer à l’islam peut légitimement craindre qu’il ne s’acquitte pas impartialement de sa tâche, sans avoir à rien démontrer d’autre qu’une évidente musulmanité.
Or, une femme portant un fichu sur la tête peut certes avoir perdu ses cheveux et vouloir le cacher, mais elle peut aussi — et surtout — être musulmane ! Dans ces conditions, et comme ce fut abondamment relevé sur les réseaux sociaux, il est évident qu’un usager porteur d’une kippa pourrait à bon droit craindre de vivre un trajet non neutre entre la porte de Namur et l’arrêt Arenberg, ou de se voir vendre un ticket non neutre par ladite femme suspectement voilée. En faut-il davantage pour justifier une restriction des libertés fondamentales de ladite personne apparemment non neutre ? Non !
Il va sans dire que cette position n’a rien de discriminant ni de raciste. Elle se base juste sur la définition de la neutralité et sur deux constats objectifs : d’une part, le foulard permet de soupçonner l’adhésion à l’islam et, d’autre part, les musulmans éveillent la méfiance d’une large part de la population.
Le problème n’est donc pas que la femme voilée soit musulmane, il est qu’elle ait l’air de l’être. L’apparence musulmane est donc problématique, mais on comprend mal pourquoi ce ne serait le cas que lorsqu’une femme le rend visible par le port d’un voile. En effet, il est incontestable que, à Bruxelles du moins, une femme basanée a l’air arabe et qu’une femme arabe a l’air musulmane. Comment imaginer un instant qu’elle puisse se consacrer à un service public sans faire naitre des doutes quant à sa neutralité chez une partie considérable des usagers ? Il faut en conclure que, puisqu’il faut écarter des services publics les femmes d’allure musulmane, des mesures doivent être prises vis-à-vis de toutes les femmes basanées.
Plus encore, et c’est là une victoire considérable de l’égalité, ce sont tous les basanés, hommes et femmes, qui doivent être visés, car il est incontestable que la relation entre colorimétrie et assignation religieuse fonctionne indifféremment pour les deux sexes.
Il ne faut voir là aucune intention de discriminer une partie de nos concitoyens, mais bien la ferme volonté de préserver la neutralité apparente des services publics, valeur cardinale de nos sociétés ouvertes et tolérantes.
Alors qu’une femme voilée peut ôter son foulard, une personne basanée ne peut pas changer de couleur de peau, me direz-vous ? Certes, mais si nous voulons être logiques avec nous-mêmes — et si nous voulons être équitables — il nous faut appliquer dans toute sa rigueur l’impératif de neutralité et tenir compte du fait que l’apparence musulmane n’est pas neutre, même lorsqu’elle s’exprime autrement que par le voile, et même lorsqu’elle concerne une personne qui n’est pas musulmane.
Reste un écueil : il va falloir déterminer qui est d’apparence musulmane ? Rien de plus simple, en fait. Puisqu’il s’agit de rendre justice à la légitime méfiance des usagers vis-à-vis de tout ce qui leur parait étranger, il suffit de constituer des panels de citoyens qui, sur photo par exemple, et éventuellement assistés de colorimètres, se chargeront de déterminer quelles personnes paraissent suffisamment non musulmanes pour être engagées à la STIB ou pour n’en pas être licenciées.
C’est un réel soulagement que de voir que les raffinements de notre civilisation nous ont permis de tourner le dos aux pratiques anciennes de discrimination pour délit de sale gueule et de mettre en place des règles claires garantissant des services publics respectueux de chacun.