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Musulmans comment ? Musulmans tout court !
Les tragiques événements qui ont ensanglanté la France, la presse et la liberté d’expression en ce début d’année ont suscité, comme on sait, de formidables mobilisations démocratiques : individuelles et collectives, nationales et mondiales, de toutes obédiences et de toutes convictions. Mais, on l’a lu sous la plume d’éditorialistes les mieux intentionnés, des réactions n’ont pas […]
Les tragiques événements qui ont ensanglanté la France, la presse et la liberté d’expression en ce début d’année ont suscité, comme on sait, de formidables mobilisations démocratiques : individuelles et collectives, nationales et mondiales, de toutes obédiences et de toutes convictions. Mais, on l’a lu sous la plume d’éditorialistes les mieux intentionnés, des réactions n’ont pas évité la gangrène des mots-pièges, ces mots qui construisent insidieusement ce que leurs auteurs entendent dénoncer. Ainsi en va-t-il des « musulmans modérés », insupportable expression sans doute répétée innocemment, en toute bonne foi, mais dont les colporteurs ne voient pas le poison. Désigner des « musulmans modérés », c’est souligner en creux qu’à côté de ceux-là (acceptables, gentils, pas dangereux) se trouvent naturellement et évidemment les « non-modérés » (méchants, terroristes, infréquentables). La catégorisation ainsi décrétée ne distingue pas les musulmans et les islamistes (on peut même ajouter ici « radicaux » si l’on craint de ne pas être clair) conformément à la triste réalité. Elle subdivise le premier groupe, nous suggérant qu’il s’y cache forcément des islamistes en puissance. Qui ça ? Sans doute tous ceux qui parlent trop fort ; ceux qui ne disent pas ce que les non-musulmans veulent entendre ; ceux qui portent la barbe et la djellaba en plein Bruxelles ; ceux dont l’épouse, la fille, la cousine portent le foulard…
Dans la bouche ou sous la plume de ceux qui voulaient promouvoir le dialogue et nous prévenir contre les risques d’amalgames, le contre-effet est aussi patent que consternant. Leur viendrait-il à l’esprit, dans le même réflexe conditionné, de qualifier systématiquement les socialistes « d’honnêtes », les prêtres de « chastes » et les femmes de « vertueuses » ?
Évoquer les « musulmans modérés » conduit aussi les commentateurs — qui ne manquent pas de logique — à une autre attitude détestable : sommer ces musulmans de condamner haut et fort les actes des islamistes (« radicaux »). Les premiers ont beau répéter qu’ils ne sont ni les copains ni les frères et encore moins les complices des terroristes, rien n’y fait. « Certes, on peut trouver les réactions des musulmans trop timides. Mais des gestes existent », lisait-on ainsi dans La Libre Belgique du 9 janvier. Pourquoi faudrait-il que la « communauté musulmane » (à supposer qu’elle existe) se justifie, se confesse ou se mette à distance chaque fois qu’un islamiste (« radical ») tue ? Une chose est d’apprécier qu’un musulman prenne l’initiative de dire « Pas en mon nom », « Pas au nom de ma religion », autre chose est de lui reprocher de ne pas l’avoir fait. On a respecté l’autonomie et la liberté de l’autre dans la première hypothèse. On l’a enfermé et catégorisé dans la seconde.
Le public n’attend pas du Soir et de La Libre qu’ils exhibent leurs valeurs et leur effroi chaque fois que Sudpresse ou La Dernière Heure dérapent. Les premiers rassemblent pourtant des journalistes modérés.
Oups.
Photo cc tomlem