Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.
Mouvements souterrains
L’été en radio, c’est souvent le temps de proposer de nouveaux concepts d’émissions, ou encore des séries. Prendre le temps de développer un sujet, peut-être parce que les oreilles des auditeurs sont plus attentives. De toutes les émissions que j’ai écoutées en juillet et août, une série de neuf épisodes est vraiment sortie du lot : […]
L’été en radio, c’est souvent le temps de proposer de nouveaux concepts d’émissions, ou encore des séries. Prendre le temps de développer un sujet, peut-être parce que les oreilles des auditeurs sont plus attentives. De toutes les émissions que j’ai écoutées en juillet et août, une série de neuf épisodes est vraiment sortie du lot : « Underground democracy ».
La journaliste Aurélie Charon a choisi quatre villes dans le monde où la démocratie est bafouée, les libertés gravement mises à mal. De Moscou à Alger, en passant par Téhéran et Gaza, comment fait-on – concrètement – pour vivre et être soi quand on a moins de 40 ans et que l’on ne supporte pas le carcan imposé. C’est cette vie souterraine que l’on suit pendant presque neuf heures. Très vite, je me suis attachée à toutes ces rencontres. Des personnalités souvent pas banales : Mariam, née d’une mère iranienne qui a rencontré son père à Moscou, a 21 ans et chante, contre l’avis de son père et de sa communauté ; Laura est métisse (son père est d’origine sénégalaise) et homosexuelle à Moscou… elle se bat pour son projet de film autour d’un couple de femmes ; ou encore Deema, gazaouie d’adoption, qui est la femme de Moomen, un photographe qui a toujours voulu montrer la vérité de Gaza, prendre les photos de la vie, du quotidien mais aussi des guerres. Et tant d’autres portraits encore… Et même si leurs combats ne feront sans doute rien basculer à grande échelle, leur force pour être debout et changer les choses à leur niveau est remarquable.
A l’heure où les bombes commencent à tomber sur Gaza, début juillet soit dès le troisième épisode de la série, l’émission prend un caractère de nécessité : « Il y a des jeunesses qui sont en sourdine mais pas muettes pour autant, il suffit juste de « monter le son » ». On est loin, très loin, des reportages entendus ces derniers temps.
France Inter – Underground democracy (28/06/2014 – 54:53) – Numéro 1 : Risquer sa liberté #Gaza+Moscou « On commencera par ce qui fait que l’on risque sa liberté : partir et protester. Parce que les frontières sont fermées, et la parole surveillée. »
France Inter – Underground democracy (05/07/2014 – 54:43) – Numéro 2 : Numéro 2. Avoir un double visage #Alger+Téhéran « Partout j’ai remarqué les femmes et leurs corps. Elles inventent de nouvelles façons d’exister. A Téhéran les foulards sont travaillés, avec des couleurs vives, qui cachent des coiffures extravagantes ou des teintures, d’ailleurs le foulard tombe assez nonchalamment vers l’arrière : le visage est maquillé, les ongles manucurés. A Alger c’est plus discret, mais on sent déjà que les rues redeviennent féminines. Les corps ont pourtant connu mieux. Les mères de ces filles ont eu des robes, des jupes, elles ont fumé aux terrasses des cafés. Mais les filles ont été coincées entre leurs désirs et un retour conservateur. La vie a donc deux faces. Il y a l’extérieur et l’intérieur. Des vieilles idées et des nouveaux corps. Des vieux principes et des pensées qui avancent plus vite. C’est comme si la société était en retard par rapport à ces femmes-là. » Rencontre avec « deux filles qui ont grandi dans la guerre et ont connu ensuite, un resserrement de esprits. »
France Inter – Underground democracy (12/07/2014 – 54:24) – Numéro 3 : Chanter=danger #Gaza+Téhéran « A Gaza, on est coincés deux fois. Une fois par les frontières d’Israël. Une deuxième fois par les interdits du Hamas. Il y a des voix que l’on n’entend pas, pourtant, elles chantent. Le Hamas en arrivant a interdit la musique et les concerts. On continue à chanter, chez soi et dans les studios. »
France Inter – Underground democracy (19/07/2014 – 54:03) – Numéro 4 : Menacés par la propagande #Moscou+Gaza « Ce sont des Etats qui contrôlent leurs images. Si la façon dont tu vis sort de ce cadre-là, tu risques beaucoup. Pour comprendre contre quoi on lutte, il faut entendre la pensée officielle. Se frotter à la propagande. Observer la façon dont elle imprègne les esprits. Parce que ce qui est présent partout sur les murs de sa ville, on ne peut pas en faire abstraction complètement. A l’intérieur de chacun ce sont des contradictions, entre ce que l’on nous dit et ce que l’on pense, entre la réalité et sa mise en scène. La guerre accentue la propagande. En Russie face à la Crimée. A Gaza face à l’offensive israélienne. Il est toujours plus difficile de se départir des images que l’on veut nous imposer. »
France Inter – Underground democracy (26/07/2014 – 54:55) – Numéro 5 : L’arbitraire #Téhéran+Moscou « En Iran on n’est pas arrêté parce qu’on a fait quelque chose de mal, mais parce qu’on est un peu trop excité. La plupart de ceux à qui je voulais parler, jeunes journalistes, photographes, actrices, avaient des années de prison en sursis, et donc peur de parler. La tactique du régime est facile : on trouve une raison pour t’arrêter, on te fait peur avec un interrogatoire sérieux, et après quelques jours de prison, tu ressors avec deux, trois, quatre ou cinq ans en sursis. Donc au moindre faux pas, on te rappelle. (…) Il y a donc des rencontres que je n’ai pas faites. Il y a donc des paroles que vous n’entendrez pas. Mais vous savez maintenant que des jeunes filles m’ont dit, le temps d’un café et hors micro : j’ai peur. »
France Inter – Underground democracy (02/08/2014 – 56:08) – Numéro 6 : Politique et têtes brulées #Alger+Moscou « Dans les villes que nous parcourons cet été, Gaza, Alger, Téhéran, Moscou, on ne croit plus en la politique. Elle a trop déçu. Ce sont des pays blessés, qui n’ont pas envie d’une révolution brutale ou d’un changement sanglant. C’est en jouant de ce sentiment que des systèmes parviennent à rester des années, que des présidents, toujours les mêmes, arrivent à se maintenir. Malgré les protestations. A Moscou on ne veut pas d’une révolution orange à l’ukrainienne, on est d’accord pour une opposition de cuisine, à l’intérieur chez soi. A Alger, on ne veut pas re vivre une décennie noire. A Téhéran, la révolution puis la guerre fait préférer aujourd’hui la sécurité. Pourtant partout la jeunesse est sortie dans la rue. Contre Ahmadinejad en 2009. Contre Poutine en 2012. Contre Bouteflika en 2014. Chaque fois rien n’y a fait. Il reste quand même quelques têtes brûlées. Ceux qui jamais ne se feront une raison comme on dit. »
France Inter – Underground democracy (09/08/2014 – 55:08) – Numéro 7 : Plus fort que la censure #Gaza+Téhéran+Moscou « La première question de ceux que je rencontre à Gaza, Moscou, Alger ou Téhéran, c’est : quelle image vous avez de nous ? C’est toujours la première phrase. L’image. Que pensez vous de nous, que dit on de nous là bas ? On sent bien que celles que nous avons en tête ne sont pas celles qu’ils aimeraient donner. (…) Certains ont décidé de faire des images. Pour changer petit à petit la perception, rappeler qu’une autre façon de vivre est possible mais ce n’est pas sans risques… En Iran comme à Gaza il y a deux versions de la vie. A Téhéran avec une vraie vie souterraine, à Gaza sur Internet et les réseaux sociaux, on parle à ceux qui nous sont interdits pendant la journée. L’image nouvelle donc, l’air de rien, sans alerter la censure, se fabrique. »
France Inter – Underground democracy (16/08/2014 – 55:45) – Numéro 8 : L’étranger n’est pas l’ennemi #Moscou+Gaza « Quand les frontières sont fermées, on est de fait et très vite, entre soi. Et souvent les régimes et les Etats sont là pour vous rappeler que c’est dans cette direction qu’il faut aller. Rester chez vous, restez tranquille. Sauver la patrie, le pays, des invasions multiples, et des dangers. Sans forcément s’en rendre compte on s’habitue à ne voir que les mêmes. A Gaza il n’y a que des gazaouis. A Moscou la communauté musulmane a du mal à se faire une place. Les migrants sont regardés de côté. La rencontre avec l’autre, le face à face, est souvent violent. C’est une confrontation. La conscience du monde extérieur, de ce qu’il a de vaste, se réduit. Quand on est à Gaza on ne pense pas vraiment qu’une vie sans guerre sans occupation cela existe. A Moscou à l’intérieur de la Russie on n’imagine pas forcément que le pays soit poreux à de nouvelles influences. Et pourtant, l’autre, l’étranger est là. »
France Inter – Underground democracy (23/08/2014 – 55:15) – Numéro 9 : Rester vivant #Gaza « Parce que j’ai réalisé que dans les quatre villes parcourues, Alger Téhéran Moscou, et surtout à Gaza avec la guerre cet été, la question dépassait le fait de trouver sa liberté, de devenir soi-même dans des lieux contrôlés. Il y a un préalable important et c’est : rester vivant. C’est étrange de réaliser soudain que cela ne va pas de soi. »