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Mouvements souterrains

Blog - Interférences - Algérie Iran mouvement social Palestine radio Russie par van Zeebroeck Alix

septembre 2014

L’été en radio, c’est sou­vent le temps de pro­po­ser de nou­veaux concepts d’émissions, ou encore des séries. Prendre le temps de déve­lop­per un sujet, peut-être parce que les oreilles des audi­teurs sont plus atten­tives. De toutes les émis­sions que j’ai écou­tées en juillet et août, une série de neuf épi­sodes est vrai­ment sor­tie du lot : […]

Interférences

L’été en radio, c’est sou­vent le temps de pro­po­ser de nou­veaux concepts d’émissions, ou encore des séries. Prendre le temps de déve­lop­per un sujet, peut-être parce que les oreilles des audi­teurs sont plus atten­tives. De toutes les émis­sions que j’ai écou­tées en juillet et août, une série de neuf épi­sodes est vrai­ment sor­tie du lot : « Under­ground democracy ».

La jour­na­liste Auré­lie Cha­ron a choi­si quatre villes dans le monde où la démo­cra­tie est bafouée, les liber­tés gra­ve­ment mises à mal. De Mos­cou à Alger, en pas­sant par Téhé­ran et Gaza, com­ment fait-on – concrè­te­ment – pour vivre et être soi quand on a moins de 40 ans et que l’on ne sup­porte pas le car­can impo­sé. C’est cette vie sou­ter­raine que l’on suit pen­dant presque neuf heures. Très vite, je me suis atta­chée à toutes ces ren­contres. Des per­son­na­li­tés sou­vent pas banales : Mariam, née d’une mère ira­nienne qui a ren­con­tré son père à Mos­cou, a 21 ans et chante, contre l’avis de son père et de sa com­mu­nau­té ; Lau­ra est métisse (son père est d’origine séné­ga­laise) et homo­sexuelle à Mos­cou… elle se bat pour son pro­jet de film autour d’un couple de femmes ; ou encore Dee­ma, gazaouie d’adoption, qui est la femme de Moo­men, un pho­to­graphe qui a tou­jours vou­lu mon­trer la véri­té de Gaza, prendre les pho­tos de la vie, du quo­ti­dien mais aus­si des guerres. Et tant d’autres por­traits encore… Et même si leurs com­bats ne feront sans doute rien bas­cu­ler à grande échelle, leur force pour être debout et chan­ger les choses à leur niveau est remarquable.

A l’heure où les bombes com­mencent à tom­ber sur Gaza, début juillet soit dès le troi­sième épi­sode de la série, l’émission prend un carac­tère de néces­si­té : « Il y a des jeu­nesses qui sont en sour­dine mais pas muettes pour autant, il suf­fit juste de « mon­ter le son » ». On est loin, très loin, des repor­tages enten­dus ces der­niers temps.

rnradiologo-2.gifFrance Inter – Under­ground demo­cra­cy (28/06/2014 – 54:53) – Numé­ro 1 : Ris­quer sa liber­té #Gaza+Moscou « On com­men­ce­ra par ce qui fait que l’on risque sa liber­té : par­tir et pro­tes­ter. Parce que les fron­tières sont fer­mées, et la parole surveillée. »

rnradiologo-2.gifFrance Inter – Under­ground demo­cra­cy (05/07/2014 – 54:43) – Numé­ro 2 : Numé­ro 2. Avoir un double visage #Alger+Téhéran « Par­tout j’ai remar­qué les femmes et leurs corps. Elles inventent de nou­velles façons d’exister. A Téhé­ran les fou­lards sont tra­vaillés, avec des cou­leurs vives, qui cachent des coif­fures extra­va­gantes ou des tein­tures, d’ailleurs le fou­lard tombe assez non­cha­lam­ment vers l’arrière : le visage est maquillé, les ongles manu­cu­rés. A Alger c’est plus dis­cret, mais on sent déjà que les rues rede­viennent fémi­nines. Les corps ont pour­tant connu mieux. Les mères de ces filles ont eu des robes, des jupes, elles ont fumé aux ter­rasses des cafés. Mais les filles ont été coin­cées entre leurs dési­rs et un retour conser­va­teur. La vie a donc deux faces. Il y a l’extérieur et l’intérieur. Des vieilles idées et des nou­veaux corps. Des vieux prin­cipes et des pen­sées qui avancent plus vite. C’est comme si la socié­té était en retard par rap­port à ces femmes-là. » Ren­contre avec « deux filles qui ont gran­di dans la guerre et ont connu ensuite, un res­ser­re­ment de esprits. »

rnradiologo-2.gifFrance Inter – Under­ground demo­cra­cy (12/07/2014 – 54:24) – Numé­ro 3 : Chanter=danger #Gaza+Téhéran « A Gaza, on est coin­cés deux fois. Une fois par les fron­tières d’Israël. Une deuxième fois par les inter­dits du Hamas. Il y a des voix que l’on n’entend pas, pour­tant, elles chantent. Le Hamas en arri­vant a inter­dit la musique et les concerts. On conti­nue à chan­ter, chez soi et dans les studios. »

rnradiologo-2.gifFrance Inter – Under­ground demo­cra­cy (19/07/2014 – 54:03) – Numé­ro 4 : Mena­cés par la pro­pa­gande #Moscou+Gaza « Ce sont des Etats qui contrôlent leurs images. Si la façon dont tu vis sort de ce cadre-là, tu risques beau­coup. Pour com­prendre contre quoi on lutte, il faut entendre la pen­sée offi­cielle. Se frot­ter à la pro­pa­gande. Obser­ver la façon dont elle imprègne les esprits. Parce que ce qui est pré­sent par­tout sur les murs de sa ville, on ne peut pas en faire abs­trac­tion com­plè­te­ment. A l’intérieur de cha­cun ce sont des contra­dic­tions, entre ce que l’on nous dit et ce que l’on pense, entre la réa­li­té et sa mise en scène. La guerre accen­tue la pro­pa­gande. En Rus­sie face à la Cri­mée. A Gaza face à l’offensive israé­lienne. Il est tou­jours plus dif­fi­cile de se dépar­tir des images que l’on veut nous imposer. »

rnradiologo-2.gifFrance Inter – Under­ground demo­cra­cy (26/07/2014 – 54:55) – Numé­ro 5 : L’arbitraire #Téhéran+Moscou « En Iran on n’est pas arrê­té parce qu’on a fait quelque chose de mal, mais parce qu’on est un peu trop exci­té. La plu­part de ceux à qui je vou­lais par­ler, jeunes jour­na­listes, pho­to­graphes, actrices, avaient des années de pri­son en sur­sis, et donc peur de par­ler. La tac­tique du régime est facile : on trouve une rai­son pour t’arrêter, on te fait peur avec un inter­ro­ga­toire sérieux, et après quelques jours de pri­son, tu res­sors avec deux, trois, quatre ou cinq ans en sur­sis. Donc au moindre faux pas, on te rap­pelle. (…) Il y a donc des ren­contres que je n’ai pas faites. Il y a donc des paroles que vous n’entendrez pas. Mais vous savez main­te­nant que des jeunes filles m’ont dit, le temps d’un café et hors micro : j’ai peur. »

rnradiologo-2.gifFrance Inter – Under­ground demo­cra­cy (02/08/2014 – 56:08) – Numé­ro 6 : Poli­tique et têtes bru­lées #Alger+Moscou « Dans les villes que nous par­cou­rons cet été, Gaza, Alger, Téhé­ran, Mos­cou, on ne croit plus en la poli­tique. Elle a trop déçu. Ce sont des pays bles­sés, qui n’ont pas envie d’une révo­lu­tion bru­tale ou d’un chan­ge­ment san­glant. C’est en jouant de ce sen­ti­ment que des sys­tèmes par­viennent à res­ter des années, que des pré­si­dents, tou­jours les mêmes, arrivent à se main­te­nir. Mal­gré les pro­tes­ta­tions. A Mos­cou on ne veut pas d’une révo­lu­tion orange à l’ukrainienne, on est d’accord pour une oppo­si­tion de cui­sine, à l’intérieur chez soi. A Alger, on ne veut pas re vivre une décen­nie noire. A Téhé­ran, la révo­lu­tion puis la guerre fait pré­fé­rer aujourd’hui la sécu­ri­té. Pour­tant par­tout la jeu­nesse est sor­tie dans la rue. Contre Ahma­di­ne­jad en 2009. Contre Pou­tine en 2012. Contre Bou­te­fli­ka en 2014. Chaque fois rien n’y a fait. Il reste quand même quelques têtes brû­lées. Ceux qui jamais ne se feront une rai­son comme on dit. »

rnradiologo-2.gifFrance Inter – Under­ground demo­cra­cy (09/08/2014 – 55:08) – Numé­ro 7 : Plus fort que la cen­sure #Gaza+Téhéran+Moscou « La pre­mière ques­tion de ceux que je ren­contre à Gaza, Mos­cou, Alger ou Téhé­ran, c’est : quelle image vous avez de nous ? C’est tou­jours la pre­mière phrase. L’image. Que pen­sez vous de nous, que dit on de nous là bas ? On sent bien que celles que nous avons en tête ne sont pas celles qu’ils aime­raient don­ner. (…) Cer­tains ont déci­dé de faire des images. Pour chan­ger petit à petit la per­cep­tion, rap­pe­ler qu’une autre façon de vivre est pos­sible mais ce n’est pas sans risques… En Iran comme à Gaza il y a deux ver­sions de la vie. A Téhé­ran avec une vraie vie sou­ter­raine, à Gaza sur Inter­net et les réseaux sociaux, on parle à ceux qui nous sont inter­dits pen­dant la jour­née. L’image nou­velle donc, l’air de rien, sans aler­ter la cen­sure, se fabrique. »

rnradiologo-2.gifFrance Inter – Under­ground demo­cra­cy (16/08/2014 – 55:45) – Numé­ro 8 : L’étranger n’est pas l’ennemi #Moscou+Gaza « Quand les fron­tières sont fer­mées, on est de fait et très vite, entre soi. Et sou­vent les régimes et les Etats sont là pour vous rap­pe­ler que c’est dans cette direc­tion qu’il faut aller. Res­ter chez vous, res­tez tran­quille. Sau­ver la patrie, le pays, des inva­sions mul­tiples, et des dan­gers. Sans for­cé­ment s’en rendre compte on s’habitue à ne voir que les mêmes. A Gaza il n’y a que des gazaouis. A Mos­cou la com­mu­nau­té musul­mane a du mal à se faire une place. Les migrants sont regar­dés de côté. La ren­contre avec l’autre, le face à face, est sou­vent violent. C’est une confron­ta­tion. La conscience du monde exté­rieur, de ce qu’il a de vaste, se réduit. Quand on est à Gaza on ne pense pas vrai­ment qu’une vie sans guerre sans occu­pa­tion cela existe. A Mos­cou à l’intérieur de la Rus­sie on n’imagine pas for­cé­ment que le pays soit poreux à de nou­velles influences. Et pour­tant, l’autre, l’étranger est là. »

rnradiologo-2.gifFrance Inter – Under­ground demo­cra­cy (23/08/2014 – 55:15) – Numé­ro 9 : Res­ter vivant #Gaza « Parce que j’ai réa­li­sé que dans les quatre villes par­cou­rues, Alger Téhé­ran Mos­cou, et sur­tout à Gaza avec la guerre cet été, la ques­tion dépas­sait le fait de trou­ver sa liber­té, de deve­nir soi-même dans des lieux contrô­lés. Il y a un préa­lable impor­tant et c’est : res­ter vivant. C’est étrange de réa­li­ser sou­dain que cela ne va pas de soi. »

van Zeebroeck Alix


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