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Mobilité à Bruxelles : une piste comme solution
L’administrateur délégué de BECI aurait plaidé récemment pour un investissement public dans l’entretien des tunnels routiers bruxellois. Bruxelles est en effet confrontée à la fermeture de nombre de ceux-ci, ce qui explique le retard effroyable qu’a pris ce mardi mon chauffeur UberX pour me déposer au Parlement européen, où je devais apporter mon expertise en marge d’une réunion officieuse de représentants des groupes parlementaires (un « shadow »), portant ce faisant un dommage incommensurable aux procédures démocratiques dudit Parlement.
Assez parlé de moi. Ce qui m’a surpris, c’est qu’un représentant du patronat, incontestable figure d’autorité et objet, pour cela, de détestation, se fende sur les ondes d’une radio publique d’un tel plaidoyer pour une intervention étatique. Certes, Olivier Willocx s’y est peut-être senti contraint parce qu’entouré de fonctionnaires et craignant leur ire. Ou alors, il s’est souvenu que Milton Friedman s’autoqualifiait de « Road socialist » car partisan de l’investissement de moyens publics dans les infrastructures routières. Finalement, peu importe la raison, il démontre bien que le marxisme domine largement le champ intellectuel du Royaume1.
Pour autant, un véritable libéral peut amener d’excellentes alternatives à cette vulgate marxiste dominante qui gangrène jusqu’au patronat. Ainsi, si l’on s’intéresse un peu à la littérature économique sérieuse concernant la mobilité, on se rappellera les excellents arguments de mon estimé collègue Walter Block en faveur de la privatisation des routes, arguments récemment repris dans un ouvrage publié par le Ludwig von Mises Institute 2. Il rappelle notamment que l’avantage de la privatisation est la possibilité de poursuivre les gestionnaires d’infrastructures routières en justice lorsque cela s’avère nécessaire, par exemple parce que le service est interrompu faute d’entretien. Voilà qui pourrait permettre aux entreprises de récupérer les coûts qu’engendre ce type d’interruption, et qui répondrait de fait à une partie des préoccupations de M. Willocx.
Mais on pourrait aussi se demander si des solutions plus créatives ne pourraient pas exister pour financer ces infrastructures. M. Willocx s’est déclaré en faveur d’une « taxe kilométrique bien pensée » : l’État, encore lui, devrait intervenir pour réguler les usages ? C’est à croire que l’administrateur-délégué de BECI a récemment prêté allégeance à l’une des sectes léninistes qui sévissent dans les parlements des pays européens. Mais soyons de bons comptes : on peut décrypter la stratégie de M. Willocx sous un tout autre angle, celui de l’externalisation des coûts. Car finalement, assurer que ce soit la collectivité qui paie l’entretien des tunnels permet effectivement à l’entreprise de ne pas avoir à supporter les frais qu’engendre leur utilisation par les travailleurs des firmes bruxelloises. Ainsi, l’État subsidie directement l’activité économique. Il s’agit évidemment d’un principe très répandu dans le déploiement industriel, qui est tout à fait efficient, par exemple, pour gérer certains coûts environnementaux ou de santé engendrés par certaines activités. Il est logique que la collectivité paye pour les normes qu’elle fixe dans ces secteurs et qui entravent le développement de l’activité.
Pour prendre un exemple concret, la production énergétique serait nettement plus rentable pour les entreprises exploitant les centrales nucléaires si la liste interminable de règles de sécurité et d’obligations en termes d’entretiens des infrastructures fixées par les pouvoirs publics était levée. Mais on peut comprendre une certaine frilosité de l’opinion publique, qui a évidemment été impressionnée par la propagande antinucléaire des lobbys médiatiques et universitaires, et quelques images fortes de catastrophes dont étrangement personne ne contextualise les coûts à l’aune des bénéfices générés par l’exploitation des centrales concernées. Il ne faut pas être rabbique : dans une démocratie, il est sain que, pour répondre à l’opinion publique, les décideurs étatiques prennent parfois des mesures. Mais alors, il faut évidemment que l’État assume les coûts de cette régulation et, à titre personnel, j’aurais même tendance à plaider pour qu’il affecte des moyens supplémentaires permettant de dédommager les entreprises pour le manque à gagner qu’elle implique.
Il se fait cependant que dans le cas des routes, tunnels et autres viaducs, le principe d’externalisation des coûts ne peut s’appliquer car, dans le cas d’espèce, il empêche le déploiement d’un nouveau pan d’activité économique, ce qu’une privatisation permettrait. Dans ce cas, il est nettement plus simple de laisser faire le marché qui organisera de lui-même des gammes de services et, donc, de prix, adaptés. On pourrait, par exemple, supposer qu’une privatisation permettrait de dégager des bandes de circulation différant par leurs vitesses moyennes, correspondant à des tarifs spécifiques. La high-speed trail serait ainsi l’apanage des clients gold et la low-speed trail permettrait aux consommateurs de la masse d’avoir accès à l’infrastructure à des prix bien plus démocratiques. Cela permettrait également aux entreprises d’offrir à la fois la voiture de fonction et l’abonnement de parking adaptés à chaque échelon interne, mais aussi l’abonnement à la bande routière ad hoc. Évidemment, on soulignera que les services d’urgence devraient sans doute circuler sur la high-speed trail : le cas échéant, il me semble dès lors indispensable que l’État intervienne spécifiquement dans le financement de celle-ci – et de celle-ci uniquement – tout en garantissant un dédommagement aux utilisateurs forcés de partager la high speed trail à chaque usage par les services dont question (par exemple via un bon à valoir).
Certains esprits chagrins viendront évidemment objecter qu’il faudrait sans doute et avant tout, selon la formule consacrée, « réduire la pression automobile » sur Bruxelles et que, dès lors, la privatisation serait inenvisageable. Tant de méconnaissance économique est bien triste : il est pourtant évident que le problème de la congestion vient précisément de l’incapacité de l’État à gérer ce qui est un problème évident d’offre et de demande, dont l’équilibre ne peut être trouvé qu’au travers de la mise en concurrence. Quant aux enjeux environnementaux dont les khmers verts européens nous rabâchent les oreilles à longueur de temps, ils sont également un non-problème : il suffit de créer un marché de droits de polluer pour les automobilistes, sur le modèle de ce qui a si bien fonctionné pour les États, et géré par des agences autonomes (et donc privées). Et on pourrait aller plus loin encore, en suggérant que ces droits de polluer soit accordé d’office aux chefs d’entreprise, en dédommagement de leurs efforts quotidiens pour créer de l’activité.
Voilà ce qu’un authentique patron libéral devrait exiger, lui qui est au service de l’intérêt général.
- Peut-on d’ailleurs évoquer un « champ intellectuel » dans le cas d’un pays où les universitaires font mine d’ignorer l’existence de zones de non-droit où, comme le soulignait récemment Alain Finkielkraut, grand connaisseur du déclin européen, tout est déjà perdu ?
- Étonnamment, sous licence « creative commons », mais passons