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Mieux vaut tard ?

Blog - Anathème par Anathème

octobre 2022

Ca y est ! C’est déci­dé ! Le Rubi­cond a été fran­chi ! À par­tir de sep­tembre 2027, il sera obli­ga­toire d’apprendre le néer­lan­dais en tant que deuxième langue dans l’enseignement sub­ven­tion­né par la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles, et ce dès la 3ème année primaire.

Anathème

Ca y est ! C’est déci­dé ! Le Rubi­cond a été fran­chi ! À par­tir de sep­tembre 2027, il sera obli­ga­toire d’apprendre le néer­lan­dais en tant que deuxième langue dans l’enseignement sub­ven­tion­né par la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles, et ce dès la 3ème année primaire.
Seule­ment 22 ans après l’élan glo­rieux du « tous bilingues en l’an 2000 » de Lau­rette Onke­linx, la Fédé­ra­tion revient à la charge pour par­faire le tra­vail. A n’en pas dou­ter, les deux décen­nies ont été mises à pro­fit pour mettre à plat les lacunes des méthodes d’enseignement des langues, pour diag­nos­ti­quer d’éventuels (bien que très impro­bables) manques de moti­va­tion des jeunes, pour peau­fi­ner la for­ma­tion des ensei­gnants et pour mettre à dis­po­si­tion de ceux-ci des moyens à la hau­teur des grandes ambi­tions de la Fédération.
Et si, par extra­or­di­naire, ça n’avait pas été le cas, sûre­ment fut-ce dû au fait que tout le monde convint que, vu le par­fait bilin­guisme des élèves qui avaient sui­vi 6 ans d’enseignement du néer­lan­dais dans l’enseignement secon­daire, la seule chose qu’il res­tait à faire était d’étendre ce modèle si effi­cace à l’ensemble des enfants, pour que per­sonne, jamais, ne soit plus aban­don­né sur le bord de la route qui mène au bilinguisme.
Bref, toutes les condi­tions sont réunies pour voler vers un ave­nir meilleur. On peut dès lors anti­ci­per les suc­cès que ren­con­tre­ront nos élites désor­mais bilingues, face à des Fla­mands qui n’auront plus le pri­vi­lège de l’aisance lin­guis­tique. C’est ain­si que nos chères têtes blondes qui ren­tre­ront en 3ème année pri­maire en sep­tembre 2027, ter­mi­ne­ront ce cycle en juin 2031, leurs études secon­daires (si tout va bien) en 2037 et leurs études supé­rieures (avec un peu de chance) en 2042. Même en tablant sur un impro­bable accroc pour la remise du mémoire de fin de mas­ter, on peut comp­ter que demain, c’est-à-dire en sep­tembre 2042, des mil­liers de jeunes fran­co­phones bilingues inon­de­ront le mar­ché du travail.
Par­mi eux, ceux qui se lan­ce­ront dans une car­rière poli­tique pour­ront espé­rer abou­tir dans des cabi­nets minis­té­riels vers 2045, en gra­vir les éche­lons pour atteindre des postes à hautes res­pon­sa­bi­li­tés vers 2060. Paral­lè­le­ment, ils pour­ront faire leurs armes, sur les listes locales, puis fédé­rales, atteindre une des assem­blées fédé­rales aux alen­tours de 2055 et bri­guer des res­pon­sa­bi­li­tés minis­té­rielles aux alen­tours de 2065, s’ils font par­tie de la famille d’anciens ministres, vers 2080 si ce n’est pas le cas.
Bref, un peu plus de 150 ans après le tra­cé de la fron­tière lin­guis­tique, et à peine un siècle après le démar­rage des négo­cia­tions qui enta­mèrent la fédé­ra­li­sa­tion pro­gres­sive de la Bel­gique, arri­ve­ront aux postes les plus éle­vés, des res­pon­sables fran­co­phones bilingues, sus­cep­tibles de s’adresser à la nation entière et de démen­tir ain­si le dis­cours calom­nieux de l’extrême-droite fla­mande, qui pré­tend que les fran­co­phones méprisent le néer­lan­dais, ne font aucun effort pour l’apprendre et n’ont aucune idée de ce qu’est la socié­té civile fla­mande. S’ouvrira alors la voie du fédé­ra­lisme de coopé­ra­tion, de l’entente des peuples et d’une rela­tion apai­sée et éga­li­taire au sein d’une Bel­gique fédé­rale enfin stabilisée.
Si tout va bien.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.