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Message d’intérêt très général
C’est décidé, ça me coûtera ce que ça me coûtera, mais je fonce ! J’ai bien conscience de ce que la publicité tente de nous faire consommer un maximum de choses dont nous n’avons pas réellement besoin. D’un autre côté, en cette déprimante époque, la consommation, c’est au moins un peu de bonheur en boîte, de […]
C’est décidé, ça me coûtera ce que ça me coûtera, mais je fonce ! J’ai bien conscience de ce que la publicité tente de nous faire consommer un maximum de choses dont nous n’avons pas réellement besoin. D’un autre côté, en cette déprimante époque, la consommation, c’est au moins un peu de bonheur en boîte, de plaisir en sachet, et ça, c’est mieux que rien, non ? Que faudrait-il faire ? Résister coûte que coûte et se priver du peu de félicité qui nous est accessible ? Tomber en dépression et, en fin de compte, consommer des antidépresseurs plutôt que tout ce que nous vante la publicité ? Peut-on du reste jurer que ce bonheur-là vaille moins qu’un autre ?
Chaque matin, en me rasant, ma radio me susurre, ou, plutôt, elle me hurle que je pourrais être plus beau, plus épanoui, plus riche, que mon transit intestinal pourrait être plus performant (qui veut faire un concours avec moi, j’ai besoin de points de comparaison ?), que je pourrais sentir meilleur, être plus attractif, mieux logé, mieux chauffé, scandaleusement riche, et que sais-je encore ?
Toutes ces invites sont bien tentantes et je ne crois pas que mon salaire suffirait à tant de bonheur, aussi dois-je faire des choix. C’est toujours déchirant, un choix. Est-ce le bon ? Ne serai-je pas déçu ? N’aurais-je pas aussi bien fait d’attendre une semaine de plus pour profiter de cette incroyable promotion que je ne pouvais prévoir, mais dont j’aurais pu me douter que, à l’approche des fêtes, elle déboulerait dans mon poste ? Tant de joies promises et qui me resteront inaccessibles, ça me fiche le moral en l’air !
Aussi faut-il saluer l’effort, ces dernières années, pour améliorer la situation du consommateur et lui éviter de douloureux dilemmes. Progressivement, chacune au travers de son propre produit, les publicités ont commencé à vanter une même chose. Ça a commencé avec la généralisation graduelle des accents débiles et des voix invraisemblables. On nous vantait des sauces avec l’accent de Bruxelles, des ballets modernes avec la voix d’un poulet étranglé, des voitures avec des intonations hystériques. Nous étions accoutumés à la torpeur provoquée par les slogans ineptes et racoleurs, nous nous voyions secoués par les spasmes d’une diction sous amphétamines. Pour renforcer l’effet, il a fallu monter le son. Et, ensuite, agrémenter le tout de bruitages délirants, de borborygmes sans queue ni tête, de hurlements déments, toujours pour nous maintenir sous tension.
Ce qui se donnait à entendre était une galerie de débiles mentaux en proie aux crises provoquées par la consommation de substances indéfinies et qui chantaient à tue-tête le bonheur d’acheter n’importe quoi. Et c’est là que la lumière s’est faite. Je m’en suis coupé avec mon rasoir à 6 lames. Finie la frustration, le bonheur s’ouvrait enfin à moi, tout entier. Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ! Tous ces spots se fondaient en un seul qui me vantait, non plus un produit, mais un état ! Ce qui pouvait passer pour une dérive incontrôlable était en fait un mouvement planifié vers une amélioration du sort de l’humanité.
Je me fiche de ce que ça me coûtera, mais moi aussi je veux être un parfait abruti. Ça a l’air tellement extraordinaire. Quoi que j’achète ou n’achète pas, l’important est d’y parvenir. J’ai maintenant un but dans ma vie ! Pas vous ? Quoi ? Vous n’avez pas entendu tous ces spots radios sur le bonheur de l’arriération mentale ? Ils sont formidables !