Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.
Mea culpa
L’Internet a ses méandres qu’il est parfois amusant d’explorer, mais il arrive que l’on s’y égare jusqu’à se retrouver dans un bras mort, les pieds dans la vase, les sangsues aux mollets et la peur au ventre. Il y a quelque jour, je cliquai sur un lien innocemment tendu par un compagnon d’un réseau social (comme si […]
L’Internet a ses méandres qu’il est parfois amusant d’explorer, mais il arrive que l’on s’y égare jusqu’à se retrouver dans un bras mort, les pieds dans la vase, les sangsues aux mollets et la peur au ventre.
Il y a quelque jour, je cliquai sur un lien innocemment tendu par un compagnon d’un réseau social (comme si les réseaux sociaux, depuis l’invention de Facebook, n’étaient plus qu’électroniques). Et là, je subis un choc. Oh, pas de sang, pas de tripes, pas d’appels au meurtre, non, rien de tout cela. Juste un choc esthétique et, soudain, pour une raison inconnue, un déclic en moi.
Jusqu’alors, je m’étais toujours défini comme libéral en termes de morale publique. Les modes de vie de mes concitoyens du monde ne me regardent qu’exceptionnellement. Hors les atteintes manifestes à mes droits, je les laisse juges de leurs bonheurs, de leurs croyances, de leurs affinités politiques et de leurs choix esthétiques. Autant dire tout de suite que l’acharnement de certains à s’inquiéter de ce que les femmes peuvent se mettre sur la tête m’a toujours fait l’effet d’une discussion sur le sexe des anges : un souci de riche, une préoccupation d’hypocondriaques ou un prurit fascistoïde. Ou les trois à la fois.
« Eh bien, proclamais-je à la cantonade, qu’une femme pense qu’elle doit traiter ses cheveux de telle manière parce que son Dieu le lui demande, parce qu’ils sont gras ou parce que son mari est jaloux, voilà une décision qui lui appartient. » Naïvement – je le perçois aujourd’hui – il me semblait que, soit on établissait la présomption que certaines coiffes sont d’incontestables signes d’oppression tant il est impossible que leur port résulte d’un choix libre et éclairé, soit on sondait les motivations de chacune pour, au terme d’une enquête, laisser à un juge des consciences le soin d’établir la légitimité des options individuelles. Dans le premier cas, on faisait fi de la présomption de libre-arbitre au fondement de nos sociétés libérales ; dans le deuxième, on établissait un contrôle collectif des consciences. Charybde ou Scylla.
Il me faut l’avouer, je n’avais pas été confronté aux dérives les plus extrêmes de la coiffure féminine. C’est aujourd’hui chose faite, depuis que j’ai cliqué sur le lien fatidique.
Comment est-ce possible ? Comment peut-on réduire la femme à tel point qu’on l’oblige à porter ce type d’attributs, ou, pire, qu’on lui inculque que c’est bon pour elle ? Il est difficile de penser, au vu des contraintes pratiques que cela implique, du handicap social que cela génère, qu’il puisse être naturel ou souhaitable pour une femme d’arborer une telle dégaine. Et je passe sur le préjudice esthétique. Et sur la stigmatisation sociale. J’ai donc changé de façon de voir les choses et il m’apparaît aujourd’hui clairement qu’il faut reconnaître que la société patriarcale pèse encore assez sur les épaules des femmes pour les amener à des comportements proches d’une automutilation sociale.
Oui, depuis que j’ai visionné ce petit diaporama sur les coiffures des premières dames étatsuniennes, je ne vois plus les choses de la même manière. Me sont alors revenues des images des brushings de Dynasty et Dallas, des choucroutes hollywoodiennes, des montages extravagants des présentatrices télé américaines, des folies architectoniques des militantes républicaines,… Osons l’affirmer : la femme américaine ploie toujours sous l’infâme joug du brushing, arborant une crête amidonnée, passant la majeure partie de sa vie active à ériger et entretenir ce monument à la vanité de son mâle, souffrant de douleurs à la nuque dues à la prise au vent et de décollements du cuir chevelu sous l’effet d’un usage trop vigoureux de la brosse ronde. Sous l’emprise d’hommes qui lui imposent une « pudeur » et une « dignité » d’un autre âge, elle se morfond, s’étiole, privée de la jouissance de ses droits fondamentaux.
Il n’est pas possible de fermer les yeux plus longtemps. Il faut agir : interpeller le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, créer une journée mondiale contre le brushing, adopter des sanctions économiques, instaurer un embargo sur la laque, refuser l’exportation de fers à friser et de sèche-cheveux,…
Comme un seul homme, il faut nous lever, tous unis pour les droits de la femme.