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Lutter pour les droits des femmes : un combat radical !
En ce 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, La Revue nouvelle prend le parti de la militance. Par opposition avec un discours qui occupe chaque jour une place croissante dans la sphère médiatique laissant entendre que l’égalité atteinte, il faudrait maintenant que les féministes revoient leurs revendications dans un sens bien […]
En ce 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, La Revue nouvelle prend le parti de la militance. Par opposition avec un discours qui occupe chaque jour une place croissante dans la sphère médiatique laissant entendre que l’égalité atteinte, il faudrait maintenant que les féministes revoient leurs revendications dans un sens bien plus consensuel, nous libérons quelques articles d’autrices résolument engagées, dont les propos sont empreints d’une bonne dose de radicalité !
Comme le soulignait Laurence Rosier dans une chronique parue l’an passé dans nos colonnes, sous l’accusation faite notamment aux féministes d’imposer un « politiquement correct » qui irait « trop loin » se dissimule, de manière consciente ou non, la survivance de rapports de domination. Plus encore, l’idée que l’égalité serait atteinte est bien évidemment un leurre. Exemple criant : les panels d’experts des colloques académiques comme des émissions d’information restent très majoritairement masculins, alors que des outils existent permettant de trouver des expertes sur de très nombreux sujets — ce que rappelait Caroline Van Wynsberghe dans notre n°3/2017.
Il est donc nécessaire de rappeler l’importance du combat pour l’égalité, lequel ne se construit pas en opposition aux hommes, mais au patriarcat, c’est-à-dire au système de la domination masculine, comme le soulignait Odette Thibaut dans un article devenu célèbre, publié dans un tout aussi célèbre dossier de 1974, « Naissance de la femme ». Si, fréquemment, des commentateurs renvoient les féministes à la haine des hommes, la confusion est bien de leur côté : en fait, ils ne font que souscrire à une longue tradition de réduction des femmes à « la femme unidimensionnelle », à la « femme-sexe » (matrice ou objet de plaisir) qui « naturalise » les rapports de domination.
Bien sûr, les femmes qui dérogent à cette opération sont immédiatement taxées de furies, d’hystériques, de sorcières. Cette dernière figure est sans doute l’une des plus significatives, vu la charge historique qu’elle contient. Nadine Plateau, en novembre 2011, suggérait qu’il y a une continuité entre les chasses aux sorcières et les règlements qui interdisent le port du voile. Dans les deux cas, « on tente de dissoudre les tensions sociales en s’acharnant contre une catégorie de femmes minoritaires, vulnérables socialement et économiquement ».
Mais ce processus n’est pas le seul élément de continuité historique. Claudine Liénard soulignait ainsi dans notre numéro 5 de 2017, « Monstres », que l’assignation « sorcière » renvoie avant tout les femmes à la « monstruosité » construite par différenciation à la norme imposée du masculin, que ce soit en ce qui concerne les corps ou les savoirs. Systématiquement apposée et imposée aux féministes, elle est en effet une manière de suggérer l’irrationalité de leur combat, face à une figure de l’homme qui incarne la Science et la Raison. Or les travaux des féministes regorgent de trésors de savoirs particuliers, dont la sauvegarde et la valorisation constituent des enjeux essentiels aujourd’hui, raison pour laquelle La Revue nouvelle soutient la bibliothèque Léonie Lafontaine de l’Université des femmes.
La richesse des travaux des féministes est aussi liée à une tradition de débats internes aussi vifs qu’érudits, qui se poursuit aujourd’hui très largement, jusque dans nos colonnes, comme le prouve l’article de Ghaliya Djelloul dans notre dernier numéro, défendant un « féminisme pluriversel » à même de dépasser l’horizon colonial. La force de ces débats est d’être suscitée par l’action des féministes elles-mêmes, ce qui les distingue des débats imposés dans les arènes parlementaires ou médiatiques où l’injonction à la nuance peut rapidement devenir une manière de faire taire la parole des femmes. Surtout lorsque cette parole se fait témoignage de vulnérabilités.
C’est tout le sens d’une journée telle que celle-ci de participer à la libération de la parole, à la célébration de l’irruption des revendications féministes dans la sphère publique. La Revue nouvelle espère y contribuer chaque jour, en publiant toujours plus d’autrices, chercheuses et/ou militantes, engagées et/ou radicales.