Skip to main content
logo
Lancer la vidéo

Lutter contre l’assistanat des enfants

Blog - Anathème par Anathème

octobre 2018

Récem­ment, un fait divers a rete­nu mon atten­tion : des parents ont aban­don­né leur enfant de cinq ans dans les bois, après qu’il eut mouillé son pan­ta­lon. Bien enten­du, l’article condam­nait sévè­re­ment les géni­teurs, annon­çait leur pour­suite en jus­tice et le pla­ce­ment de l’enfant. Je le sais, les gau­chistes bien­pen­sant s’émouvront de cette his­toire édi­fiante et verseront […]

Anathème

Récem­ment, un fait divers a rete­nu mon atten­tion : des parents ont aban­don­né leur enfant de cinq ans dans les bois, après qu’il eut mouillé son pan­ta­lon. Bien enten­du, l’article condam­nait sévè­re­ment les géni­teurs, annon­çait leur pour­suite en jus­tice et le pla­ce­ment de l’enfant.

Je le sais, les gau­chistes bien­pen­sant s’émouvront de cette his­toire édi­fiante et ver­se­ront une larme, mais il me semble que cette his­toire vaut mieux que l’indignation mora­li­sa­trice des Bisou­nours en charge de la répro­ba­tion sociale. Car, disons-le tout de go, je ne vois ici nul parent indif­fé­rent et cruel, mais sim­ple­ment des gens sou­cieux d’éduquer leur pro­gé­ni­ture et de la pré­pa­rer au monde de demain. Il me semble néces­saire de prendre exemple sur eux et d’enfin pri­ver les enfants de l’injustifiable pri­vi­lège dont ils jouissent, qui les conforte dans une posi­tion d’assistés et qui les empêche de don­ner le meilleur d’eux-mêmes, j’ai nom­mé notre cou­pable indulgence.

Nous dis­po­sons en effet aujourd’hui d’un arse­nal de méthodes effi­caces pour mener qui­conque sur le che­min de l’autonomie et de la res­pon­sa­bi­li­sa­tion, il ne tient dès lors qu’à nous de les étendre au domaine de l’enfance. En un mot, il est temps de trai­ter les mineurs comme tous les para­sites : chô­meurs, béné­fi­ciaires du reve­nu d’intégration, tra­vailleurs pré­caires, malades de longue durée ou ras­ta­quouères en mal d’intégration.

En effet, pour évi­ter que ces per­sonnes ne perdent toute facul­té d’autonomie, ne se com­plaisent dans une paresse délé­tère et ne sombrent dans l’assistanat, nous avons mis en place de très effi­caces poli­tiques d’activation et de pré­ca­ri­sa­tion. La dégres­si­vi­té rapide des allo­ca­tions de chô­mage lar­ge­ment sous le seuil de pau­vre­té, les per­qui­si­tions au petit matin, les intru­sions dans la vie pri­vée, la stig­ma­ti­sa­tion dans les médias et les tri­bunes poli­tiques, le har­cè­le­ment par des ser­vices de contrôle ou de police, les exi­gences tou­jours crois­santes de jus­ti­fi­ca­tions ne sont que quelques-unes des mille manières d’aider les per­sonnes fra­gi­li­sées à sur­mon­ter les obs­tacles qui se dressent sur leur route.

On com­pren­drait mal que le jeune âge de cer­tains soit une excuse pour les dis­pen­ser des vivi­fiantes contraintes de l’activation et du contrôle. Il est au contraire temps de redou­bler d’effort pour qu’ils se prennent enfin en main et rompent avec la culture de l’excuse de minorité.

L’abandon d’un enfant au fond des bois l’aide à per­ce­voir la dure­té du monde. Il per­met de l’inviter à recon­si­dé­rer ses idées pré­con­çues et déres­pon­sa­bi­li­santes : pour­quoi ses parents seraient-ils seuls en charge de pré­pa­rer et de por­ter des vête­ments de rechange, pour­quoi compte-t-il sur eux pour retrou­ver son che­min, de quel droit tient-il pour acquis qu’un place lui est réser­vée dans leur voi­ture ? Une telle expé­rience est des­ti­née à pro­vo­quer non seule­ment une prise de conscience, mais aus­si un sur­saut. C’est une manière de l’inviter à s’acheter des vête­ments, à prendre des cours de sur­vie et à pas­ser son permis.

Affa­mer un enfant pour l’aider à com­prendre qu’il est seul res­pon­sable de veiller à la quan­ti­té et à la qua­li­té des ali­ments qu’il ingère, le loger dans un pla­card pour faire naitre chez lui l’envie d’être mil­lion­naire et d’acheter une vil­la avec pis­cine, le trai­ter de pares­seux et de para­site pour l’inciter à rele­ver la tête et à prou­ver ce qu’il vaut, le pri­ver de soins pour qu’il per­çoive la pré­ca­ri­té de la vie et la ver­tu de l’épargne et de la pré­voyance, voi­là quelques manières d’inciter les enfants à la res­pon­sa­bi­li­té et à l’autonomie.

Des parents pour­raient être décon­cer­tés par cette rééva­lua­tion de leur rôle. Je leur sug­gère de s’imaginer dans la peau d’un contrô­leur de l’Onem : com­bien de CV l’enfant a‑t-il envoyé cette semaine, s’est-il ins­crit à une for­ma­tion pour un métier en pénu­rie, dis­pose-t-il d’une for­tune per­son­nelle lui per­met­tant de vivre sans assis­tance, se débrouille-t-il seul ou met-il ses croutes de pain en com­mun avec un cama­rade qui dis­pose de croutes de fro­mage ? Les parents doivent apprendre à s’inspirer des bonnes pra­tiques déve­lop­pées dans d’autres secteurs.

Pour sou­te­nir la tran­si­tion édu­ca­tive que j’appelle de mes vœux, il me sem­ble­rait utile d’organiser des « Assises de l’éducation et de l’autonomie », sous le haut patro­nage des nom­breux ministres de l’Intégration sociale, de l’Emploi ou de la San­té que compte notre beau pays. Un panel de res­pon­sables issus des sec­teurs de la chasse aux allo­ca­taires sociaux, du har­cè­le­ment des migrants et des SDF, de la ges­tion des délin­quants ou encore de la dénon­cia­tion dans la presse des plus dému­nis pour­rait ain­si étu­dier la fai­sa­bi­li­té de diverses pro­po­si­tions, comme la rédac­tion d’un « Livre blanc de l’éducation res­pon­sa­bi­li­sante », la consti­tu­tion d’un « Office de pro­mo­tion de l’autonomie enfan­tine », la créa­tion d’une « Direc­tion géné­rale du coa­ching pré­pu­bère » ou la dési­gna­tion d’un « Délé­gué géné­ral aux droits et obli­ga­tions de l’enfant ».

Le che­min sera long, sans doute, car il fau­dra sur­mon­ter bien des pré­ju­gés concer­nant l’enfance et vaincre un angé­lisme aus­si nui­sible que bien inten­tion­né, mais l’espoir est là, via des mesures fermes, mais humaines, de pou­voir créer une géné­ra­tion d’hommes nou­veaux — et de femmes aus­si, d’ailleurs — pré­pa­rés aux poli­tiques d’activation qui les accom­pa­gne­ront jusqu’au tombeau.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.