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Logeons les migrants !

Blog - Anathème - Asile migration Theo Francken par Anathème

octobre 2017

Je suis bien conscient du fait que le titre de ce billet risque de cho­quer mes fidèles lec­teurs, qui appré­cient mon prag­ma­tisme et la fer­me­té de mes convic­tions (les­quelles, pour être fermes, n’en sont pas moins humaines, n’est-ce pas). Cepen­dant, je n’ai pas pour habi­tude de cares­ser dans le sens du poil et il me […]

Anathème

Je suis bien conscient du fait que le titre de ce billet risque de cho­quer mes fidèles lec­teurs, qui appré­cient mon prag­ma­tisme et la fer­me­té de mes convic­tions (les­quelles, pour être fermes, n’en sont pas moins humaines, n’est-ce pas). Cepen­dant, je n’ai pas pour habi­tude de cares­ser dans le sens du poil et il me semble néces­saire de dire les choses comme je les vois.

Donc, voi­là, je le dis clai­re­ment : je suis favo­rable à ce qu’un bâti­ment soit mis à la dis­po­si­tion des migrants pour leur héber­ge­ment. Et je pense que Theo Fran­cken a tort de s’y oppo­ser. Oh, j’entends d’ici s’élever les pro­tes­ta­tions, je serais un naïf, j’aurais muté Bisou­nours, j’aurais été conta­mi­né par les bobos, j’aurais viré allié objec­tif de l’invasion étran­gère et du Grand Rem­pla­ce­ment. Que nenni !

Soyons franc, jusqu’il y a peu, je me réjouis­sais de la misère des migrants, de la bru­ta­li­té des forces de l’ordre et de l’apathie de mes conci­toyens. Il ne faut pas voir dans les migrants des per­sonnes en quête d’un meilleur ave­nir ou sim­ple­ment d’une chance de sur­vie. Ce ne sont que des quan­tas d’emmerdements, les uni­tés de base d’un flot qui menace de nous sub­mer­ger, un dan­ger mor­tel à visage humain. Avec Theo Fran­cken, je saluais le cou­rage du MR qui osait bafouer ses idéaux libé­raux pour nous sau­ver de la sub­mer­sion. Avec lui, je pen­sais qu’il fal­lait mener la vie impos­sible aux migrants, pour les décou­ra­ger, et pour que le plus grand nombre d’entre eux évite notre pays, ou meure.

Mais aujourd’hui, il faut être lucide et recon­naitre que la situa­tion a consi­dé­ra­ble­ment évo­lué : nous ris­quons de perdre le sou­tien de la popu­la­tion. Certes, Theo est tou­jours extrê­me­ment popu­laire auprès de citoyens qui aiment à recon­naitre en leurs repré­sen­tants les signes de leurs pen­chants pour l’égoïsme et l’inhumanité, qua­li­tés qui valent à cer­tains de sur­vivre tan­dis que les autres sont condam­nés à dis­pa­raitre. Il faut cepen­dant le recon­naitre, l’égoïsme de nos conci­toyens est bien plus nour­ri d’ignorance et de peur que de la saine convic­tion de leur supé­rio­ri­té et de l’inutilité de toute forme de soli­da­ri­té autre que fami­liale, raciale ou cla­nique. On ne peut donc comp­ter sur la constance de la popu­la­tion dans son indif­fé­rence et il faut tou­jours craindre le revi­re­ment des gens ordinaires.

La preuve en est que des gens ordi­naires, de plus en plus nom­breux, se sont émus du har­cè­le­ment des migrants par les forces de l’ordre et de leurs condi­tions de vie. À tel point qu’il leur est venu l’idée de les nour­rir, de leur four­nir de quoi se tenir chaud, voire d’en héber­ger chez eux pour les sous­traire aux rafles. Au début, j’ai espé­ré que des vols, des vio­lences, voire quelques viols met­traient bon ordre dans tout cela, rap­pe­lant que l’étranger est tou­jours une brute dan­ge­reuse. Or, il sem­ble­rait que les choses se passent mieux que pré­vu et que la menace mor­telle soit plus sour­noise qu’anticipé. On vit en effet fleu­rir les témoi­gnages de fra­ter­ni­sa­tions, de soli­da­ri­tés réci­proques, de marques de recon­nais­sance, de res­pect mutuel, de com­pré­hen­sion, toutes choses qui sapent les fon­de­ments de notre socié­té. Les idiots utiles du Grand Rem­pla­ce­ment vivaient avec bon­heur leur huma­nisme. Ils se sen­taient gran­dis par leur géné­ro­si­té et renon­çaient à la dure­té qui assure notre com­pé­ti­ti­vi­té face à nos enne­mis et à la bas­sesse qui nous a per­mis de construire une grande et belle nation.

Aujourd’hui, s’il faut loger les migrants, ce n’est pas par huma­nisme, mais pour les reti­rer aux citoyens, empê­cher les contacts et res­tau­rer la saine dis­tance qui entre­tient si bien la peur et l’ignorance. Cloi­trés dans un bâti­ment à peine amé­na­gé, les migrants rede­vien­dront alors ce qu’ils n’auraient jamais dû ces­ser d’être : des étran­gers incom­pré­hen­sibles et menaçants.

Il faut éga­le­ment évi­ter que les citoyens se rendent compte qu’il n’est pas si dif­fi­cile d’accueillir de nou­velles popu­la­tions et que l’État n’est pas tou­jours indis­pen­sable pour ce faire. Ils doivent demeu­rer per­sua­dés qu’ils n’ont aucune capa­ci­té d’action et que les auto­ri­tés sont leur seule planche de salut. Une planche de salut, bien enten­du, dont le rôle est de les pro­té­ger avec forces matraques et bou­cliers en plexi­glas contre les inva­sions barbares.

C’est donc au nom du rejet de l’autre et du refus de la soli­da­ri­té qu’il faut mettre les migrants à l’abri, avant qu’il ne soit trop tard, avant que des années d’appels à la peur et à la haine ne soient réduites à néant.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.