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Les revues indépendantes non commerciales, plus que jamais indispensables à la démocratie
Le présent document appelle le monde politique à s’engager fermement en faveur des revues indépendantes non commerciales, lesquelles font partie de la richesse culturelle et démocratique de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Le présent document appelle le monde politique à s’engager fermement en faveur des revues indépendantes non commerciales, lesquelles font partie de la richesse culturelle et démocratique de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Un État démocratique ne peut se concevoir sans société démocratique.
Pour les autorités publiques, exercer le pouvoir dans une société démocratique suppose de respecter des procédures précises, de se plier au jeu des élections ou encore de se soumettre à des normes intangibles, fixant des limites claires à leur emprise, notamment en termes de libertés fondamentales.
Mais un pouvoir démocratique ne peut exister sans une société démocratique qui le soutient et le critique, qui valide ses décisions et y participe, qui se soumet aux règles qu’elle se donne et qu’elle accepte comme légitimes. Sans société démocratique, le pouvoir est, soit privé de tout apport et s’agite devant une collectivité amorphe et indifférente, soit constamment en butte à l’opposition, à la violence et aux dérives de groupes contestant sa légitimité tout en refusant de jouer le jeu collectif.
La vie démocratique nécessite de faire des choix, tant individuels que collectifs. Elle suppose aussi que des transactions et des compromis interviennent entre les grandes tendances qui traversent la société. Or, au travers de tels processus des valeurs et une vision du monde sont toujours engagées. Il importe, non seulement d’en avoir conscience, mais aussi de créer les conditions qui rendent la chose perceptible au plus grand nombre. C’est pourquoi un tel modèle de gestion de l’intérêt général doit être alimenté par l’information, l’analyse et le débat qui, seuls, permettent d’éclairer les positions et les choix collectifs.
Il en découle qu’une société démocratique ne peut se concevoir sans médias indépendants de qualité.
Au-delà de l’information : le temps de la réflexion
Les médias relaient l’information, produisent des réflexions sur les enjeux du moment, rendent compte de l’actualité et la mettent en perspective. Dans ce contexte, la presse écrite quotidienne et périodique, la radio et la télévision se consacrent pour l’essentiel (même si pas exclusivement) à « l’actualité chaude ». Pour cruciaux que ces organes soient, ils ne peuvent être seuls en lice.
Heureusement, à côté de cette presse majoritaire et dominante, vit tout un monde, peut-être plus discret, mais tout aussi indispensable, qui mise davantage sur le temps long et la réflexivité. Ces organes ont en commun d’avoir opté pour plus de profondeur et de recul. Cette approche est parfois périlleuse, car elle implique anticipation des sujets, mise en place de démarches longues et incertaines, renoncement au coup d’éclat au profit de la construction du sujet, préparation soigneuse et lente ; elle favorise cependant une meilleure compréhension du réel, et un dépassement des apparences. Sans ce recul nécessaire l’évènement ponctuel n’a pas de sens. Le recul et la réflexion permettent, au-delà du dévoilement de l’envers du décor, la recherche des significations des évolutions lentes et des logiques transversales. Ils supposent la spécialisation, la patience de l’observateur, le refus de la facilité et du préjugé, la constante remise en question. Bien souvent, enquête et réflexion sont mêlés, toujours, ils ouvrent de nouvelles perspectives et complètent le travail de la presse de grande audience.
Ces médias travaillent sur trois socles : la pratique d’un journalisme exigeant, un engagement au service d’une société démocratique et inclusive et une ambition réflexive élevée. Ils ne sont pas les plus richement dotés, ni les plus visibles. Ils sont le fruit d’un investissement tant professionnel que citoyen, mais toujours difficile, constamment réalisé sur le fil du rasoir.
S’agissant de démocratie et non de commerce, l’utilité de ces projets éditoriaux ne se mesure pas en audimat, en dividendes ou en espaces publicitaires. Le service rendu par ces organes de presse n’est pas économique. Il n’en est pas moins vital pour la société.
Des médias en danger de mort
Ces médias du temps long n’ont jamais brassé des sommes folles et n’ont pas été créés pour dégager des profits. Tout au plus ambitionnent-ils de ce point de vue de donner de quoi vivre à ceux qui en font leur métier. Ils sont habitués à gérer la pénurie, à vivre de peu, à restreindre leurs moyens (sans renoncer à leurs ambitions), … mais ils ne peuvent vivre sans un soutien minimal.
Or, ce soutien manque cruellement.
En effet, les organes de presse concernés peinent à supporter les couts qui leur incombent, notamment du fait de la nécessité de gérer sans cesse davantage de canaux de communication et d’élargir leur lectorat. Aux supports papier, se sont ajoutés les sites internet et la nécessité de publier en ligne, avec ce que cela comporte d’opérations techniques régulières, puis le besoin d’exister sur les réseaux sociaux et d’y développer une stratégie cohérente et qualitative. Or, dans un marché aussi petit que la Belgique francophone, il ne peut être question d’intégralement répercuter l’augmentation de ces couts sur le lectorat, au risque de rendre nos publications inaccessibles.
Parallèlement, les sources de financement public sont demeurées à la fois aléatoires et instables. C’est ainsi qu’un financement à enveloppe fermée de l’aide à la presse périodique non commerciale aboutit à restreindre le montant octroyé à chaque titre soutenu quand le nombre de bénéficiaires croit – témoignant d’une vitalité du paysage médiatique, mais aussi d’une concurrence accrue –. À l’inverse la règle de minimis « imposée » par l’Union européenne (qui a pour but d’éviter les distorsions de concurrence transfrontalière dues aux pouvoirs publics) empêche une augmentation des moyens alloués lorsque le nombre d’acteurs baisse. Il faut ajouter que cette règle de minimis empêche de chercher un soutien auprès d’autres autorités publiques, les montants alloués étant globalisés. Or, l’application de cette règle n’est pas légitime étant donné que les acteurs de ce secteur relèvent des services culturels, que les Traités ont décidé de soustraire aux réglementations sur la concurrence. Ce qui est recherché par nos médias est avant tout la contribution à la vie culturelle et démocratique de notre société. Enveloppe fermée et minimis créent le cadre d’un jeu dans lequel nos médias sont perdants, quelle que soit la situation.
En outre, le financement des organes de presse est régi par un arrêté gouvernemental, ce qui n’offre que peu de garanties de pérennité, et est octroyé sur une base annuelle. Dans ces conditions, tabler sur un financement stable pour procéder à des investissements est impossible.
Enfin, les moyens alloués aux périodiques non commerciaux ne sont pas indexés. La récente revalorisation a ainsi totalement disparu du fait de la forte inflation de ces dernières années… La situation est telle que plusieurs médias risquent de disparaitre dans les deux années à venir, dont la Revue nouvelle, qui parait sans discontinuer depuis 1945.
La nécessité d’un soutien clair
Pour pouvoir faire face aux défis actuels, les revues intellectuelles et de débat ont besoin d’un soutien clair et stable de la part des autorités. Malgré les cris d’alerte, depuis plusieurs années, les cabinets compétents successifs ont oscillé entre indifférence et vaines promesses. Depuis le début de l’actuelle législature, l’engagement de prendre la question à bras le corps est régulièrement répété, mais n’est pas réellement pris en charge ou aboutit à des propositions inadéquates.
La situation actuelle nécessite des décisions claires. Sauver les revues indépendantes non commerciales requiert une garantie pluriannuelle du financement, un soutien suffisant tenant notamment compte de l’évolution des couts de production et une dispense du respect de règles conçues pour réguler la concurrence entre États membres de l’UE.
Il faut donc, avant la fin de l’actuelle législature, mettre en place :
1- Un décret réglant le financement du secteur de la presse périodique non commerciale et prévoyant
• une attribution pluriannuelle du subside (conventionnement triennal p.ex.)
• une adaptation automatique des montants alloués à l’évolution des prix
• un système d’enveloppe ouverte
• un financement plancher garanti
• une éventuelle adaptation à la hausse de celui-ci sur la base d’une estimation objective des besoins des différents organes, par une instance indépendante, sur la base de l’examen d’un dossier de demande de soutien articulé autour de critères concertés
2- Une dispense de la règle de minimis, comme c’est le cas dans d’autres pays européens.
Nous appelons Mme Linard et, de manière générale, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, à prendre leurs responsabilités et leur demandons de montrer, par des mesures concrètes et fortes, leur soutien au rôle démocratique des revues indépendantes non commerciales.