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Les musulmans, alliés des opprimés
Il faut avoir l’honnêteté de le reconnaitre : longtemps, nous nous sommes fichus comme d’une guigne des discriminations dont étaient victimes les minorités et les minorisés. Les droits des homosexuels et des transgenres ? En quoi cela nous concernait-il ? La position de la femme dans la famille, sur le marché du travail ou en politique ? Franchement, quel intérêt ? Ne parlons pas des étrangers et autres allochtones !
Il faut dire que nous étions fort occupés à justifier notre domination, à consolider la reproduction sociale, à défendre le patriarcat, à perpétuer les mécanismes d’exploitation économique et, bien entendu, à maintenir les discriminations raciales. Bref, nous avions un boulot à plein temps (nous) et les minorités n’étaient pas notre tasse de thé.
Et puis, il devint de plus en plus difficile de se moquer des Noirs, de haïr ouvertement les Arabes, de mépriser les immigrés et les « d’origine », de frapper les femmes, de singer les pédés. Racistes, populistes, xénophobes et autre machos-homophobes durent surveiller leurs propos et s’en tenir à des clins d’yeux ou à des sous-entendus évasifs. L’humour gaulois était menacé, les recueils de blagues s’échangeaient sous le manteau, Patrick Sébastien semblait, chaque jour davantage, le dernier des Mohicans grivois.
C’est face à de telles menaces pour son identité et sa culture que le génie de l’homme blanc hétérosexuel se révèle. Comme tant de fois par le passé, il fit un choix. Un choix déchirant, mais prometteur.
Puisqu’il était mal vu d’être raciste, il ne le serait plus. Il se méfierait de l’islam et des musulmans, ça n’a rien à voir. Pas de races ni de préjugés, mais l’inscription dans une longue tradition de critique des religions. Il était à nouveau possible de railler ou de discriminer. Qui plus est, il pouvait, ce faisant, se réclamer de Voltaire et des Lumières. Bien entendu, maintenant que nous n’étions plus racistes, hors de question de singer des accents maghrébins, de moquer les nez épatés, de rire des yeux bridés. Notre combat se porterait contre le voile, l’abattage rituel, les barbes, les lieux de prières, les menus halal, les imams, les radicalisés…
Qu’importe si, pour y parvenir, il fallait devenir le champion des minorités que nous raillions encore hier ? La sauvegarde de nos valeurs était à ce prix. En nous inquiétant du sort des femmes, en défendant les droits des homosexuels, en nous déclarant soucieux des transgenres, nous pouvions montrer en quoi les musulmans étaient des barbares, de hideux fondamentalistes, des zélotes incapables d’une intégration harmonieuse dans notre continent des Lumières ? Eh bien soit, il en serait ainsi.
Nous ne remercierons jamais assez les homosexuels et les femmes d’avoir, bon gré mal gré, accepté de rallier notre étendard. À l’inverse, ils doivent eux-mêmes une fière chandelle aux musulmans. En effet, sans ces boucs émissaires superlatifs, ils seraient encore la risée de tous, la cible de tant de discriminations. Ils le sont encore, soyons honnêtes, mais ils jouissent d’une paix relative qui les incite à nous savoir gré du fait que, le pire, « ça fait du bien quand ça s’arrête ». Et puis, les musulmans font si peur qu’ils sont plus rassurés dans nos gros bras… Comment ne pas les comprendre ?
Il faut dire que nous leur apportons une autre forme de confort : celle de s’autoriser à être de droite. En effet, avouons-le, être de gauche est assommant : l’on doit être solidaire d’autres minorités qu’il faut bien fréquenter un minimum, l’on est régulièrement amené à procéder à son examen de conscience et à la critique de sa propre position dominante, on se voit forcé de développer des trésors de subtilité pour définir sa position vis-à-vis du régime cubain, il faut contribuer financièrement à une kirielle de causes plus désespérées (et désespérantes) les unes que les autres… toutes choses éminemment épuisantes et désagréables. Être de droite est bien plus simple, surtout lorsqu’on est convaincu d’être du côté du manche.
Aujourd’hui, il est possible d’être féministe, Juif ou gay et d’extrême droite. L’ennemi est le musulman, les ratonnades et la lutte de la droite contre les droits des femmes sont un lointain souvenir. Quel délice ce doit être, pour eux, de réclamer à leur tour des ségrégations discriminatoires, de réprouver l’assistanat, de critiquer le droit à la différence (oui, mais une différence différente de la leur), de légitimer le système économique et social, de discourir sur la méritocratie et de saluer les policiers en rue. Enfin de droite, enfin normaux !
Comme les musulmans doivent attendre avec impatience le bouc émissaire qui les remplacera et leur permettra de nous rejoindre !