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Les musulmans, alliés des opprimés

Blog - Anathème - féminisme Islam islamophobie minorités par Anathème

décembre 2016

Il faut avoir l’honnêteté de le recon­naitre : long­temps, nous nous sommes fichus comme d’une guigne des dis­cri­mi­na­tions dont étaient vic­times les mino­ri­tés et les mino­ri­sés. Les droits des homo­sexuels et des trans­genres ? En quoi cela nous concer­nait-il ? La posi­tion de la femme dans la famille, sur le mar­ché du tra­vail ou en poli­tique ? Fran­che­ment, quel inté­rêt ? Ne par­lons pas des étran­gers et autres allochtones !

Anathème

Il faut dire que nous étions fort occu­pés à jus­ti­fier notre domi­na­tion, à conso­li­der la repro­duc­tion sociale, à défendre le patriar­cat, à per­pé­tuer les méca­nismes d’exploitation éco­no­mique et, bien enten­du, à main­te­nir les dis­cri­mi­na­tions raciales. Bref, nous avions un bou­lot à plein temps (nous) et les mino­ri­tés n’étaient pas notre tasse de thé.

Et puis, il devint de plus en plus dif­fi­cile de se moquer des Noirs, de haïr ouver­te­ment les Arabes, de mépri­ser les immi­grés et les « d’origine », de frap­per les femmes, de sin­ger les pédés. Racistes, popu­listes, xéno­phobes et autre machos-homo­phobes durent sur­veiller leurs pro­pos et s’en tenir à des clins d’yeux ou à des sous-enten­dus éva­sifs. L’humour gau­lois était mena­cé, les recueils de blagues s’échangeaient sous le man­teau, Patrick Sébas­tien sem­blait, chaque jour davan­tage, le der­nier des Mohi­cans grivois.

C’est face à de telles menaces pour son iden­ti­té et sa culture que le génie de l’homme blanc hété­ro­sexuel se révèle. Comme tant de fois par le pas­sé, il fit un choix. Un choix déchi­rant, mais prometteur.

Puisqu’il était mal vu d’être raciste, il ne le serait plus. Il se méfie­rait de l’islam et des musul­mans, ça n’a rien à voir. Pas de races ni de pré­ju­gés, mais l’inscription dans une longue tra­di­tion de cri­tique des reli­gions. Il était à nou­veau pos­sible de railler ou de dis­cri­mi­ner. Qui plus est, il pou­vait, ce fai­sant, se récla­mer de Vol­taire et des Lumières. Bien enten­du, main­te­nant que nous n’étions plus racistes, hors de ques­tion de sin­ger des accents magh­ré­bins, de moquer les nez épa­tés, de rire des yeux bri­dés. Notre com­bat se por­te­rait contre le voile, l’abattage rituel, les barbes, les lieux de prières, les menus halal, les imams, les radicalisés…

Qu’importe si, pour y par­ve­nir, il fal­lait deve­nir le cham­pion des mino­ri­tés que nous rail­lions encore hier ? La sau­ve­garde de nos valeurs était à ce prix. En nous inquié­tant du sort des femmes, en défen­dant les droits des homo­sexuels, en nous décla­rant sou­cieux des trans­genres, nous pou­vions mon­trer en quoi les musul­mans étaient des bar­bares, de hideux fon­da­men­ta­listes, des zélotes inca­pables d’une inté­gra­tion har­mo­nieuse dans notre conti­nent des Lumières ? Eh bien soit, il en serait ainsi.

Nous ne remer­cie­rons jamais assez les homo­sexuels et les femmes d’avoir, bon gré mal gré, accep­té de ral­lier notre éten­dard. À l’inverse, ils doivent eux-mêmes une fière chan­delle aux musul­mans. En effet, sans ces boucs émis­saires super­la­tifs, ils seraient encore la risée de tous, la cible de tant de dis­cri­mi­na­tions. Ils le sont encore, soyons hon­nêtes, mais ils jouissent d’une paix rela­tive qui les incite à nous savoir gré du fait que, le pire, « ça fait du bien quand ça s’arrête ». Et puis, les musul­mans font si peur qu’ils sont plus ras­su­rés dans nos gros bras… Com­ment ne pas les comprendre ?

Il faut dire que nous leur appor­tons une autre forme de confort : celle de s’autoriser à être de droite. En effet, avouons-le, être de gauche est assom­mant : l’on doit être soli­daire d’autres mino­ri­tés qu’il faut bien fré­quen­ter un mini­mum, l’on est régu­liè­re­ment ame­né à pro­cé­der à son exa­men de conscience et à la cri­tique de sa propre posi­tion domi­nante, on se voit for­cé de déve­lop­per des tré­sors de sub­ti­li­té pour défi­nir sa posi­tion vis-à-vis du régime cubain, il faut contri­buer finan­ciè­re­ment à une kirielle de causes plus déses­pé­rées (et déses­pé­rantes) les unes que les autres… toutes choses émi­nem­ment épui­santes et désa­gréables. Être de droite est bien plus simple, sur­tout lorsqu’on est convain­cu d’être du côté du manche.

Aujourd’hui, il est pos­sible d’être fémi­niste, Juif ou gay et d’extrême droite. L’ennemi est le musul­man, les raton­nades et la lutte de la droite contre les droits des femmes sont un loin­tain sou­ve­nir. Quel délice ce doit être, pour eux, de récla­mer à leur tour des ségré­ga­tions dis­cri­mi­na­toires, de réprou­ver l’assistanat, de cri­ti­quer le droit à la dif­fé­rence (oui, mais une dif­fé­rence dif­fé­rente de la leur), de légi­ti­mer le sys­tème éco­no­mique et social, de dis­cou­rir sur la méri­to­cra­tie et de saluer les poli­ciers en rue. Enfin de droite, enfin normaux ! 

Comme les musul­mans doivent attendre avec impa­tience le bouc émis­saire qui les rem­pla­ce­ra et leur per­met­tra de nous rejoindre !

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.