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Les kamikazes incompris

Blog - Anathème - Charles Michel suédoise par Anathème

octobre 2014

On les a mal com­pris. Cha­cun court en hur­lant que c’est un mas­sacre, qu’on détruit les ins­ti­tu­tions cultu­relles et scien­ti­fiques qui furent construites patiem­ment, des décen­nies durant, au béné­fice de notre belle nation. Tous vili­pendent le gou­ver­ne­ment fédé­ral qui coupe bru­ta­le­ment dans le bud­get de ses éta­blis­se­ments cultu­rels et scien­ti­fiques. Una­ni­me­ment, on crie au manque de […]

Anathème

On les a mal compris.

Cha­cun court en hur­lant que c’est un mas­sacre, qu’on détruit les ins­ti­tu­tions cultu­relles et scien­ti­fiques qui furent construites patiem­ment, des décen­nies durant, au béné­fice de notre belle nation. Tous vili­pendent le gou­ver­ne­ment fédé­ral qui coupe bru­ta­le­ment dans le bud­get de ses éta­blis­se­ments cultu­rels et scien­ti­fiques. Una­ni­me­ment, on crie au manque de vision, à l’étroitesse d’esprit, à l’aveuglement néolibéral.

Ce n’est pas du tout ce que vous croyez.

Les membres du gou­ver­ne­ment, proches du peuple, aus­si incultes que n’importe quel chô­meur non qua­li­fié, que n’importe quel pri­mo-arri­vant, que n’importe que tra­der, n’entendent rien à l’opéra. Ils ne com­prennent pas davan­tage la recherche. L’histoire, la météo­ro­lo­gie, les sciences natu­relles, que de mys­tères, que de contrées incon­nues, à peine devi­nées, qu’ils brûlent de découvrir !

Aus­si, en lea­ders éclai­rés qu’ils sont, consi­dèrent-ils qu’il est grand temps que les sopra­nos et his­to­riens, pre­miers vio­lons et labo­ran­tins, déco­ra­teurs et pré­pa­ra­teurs se frottent au ter­rain, empoignent sans crainte leur bâton de pèle­rin et aillent por­ter leur art ou leur science à la population.

Ain­si, dans les cou­loirs du métro, sur les murs de la ville, dans les PME, dans le bureau des contrô­leurs de l’ONEM, sur les bancs de nos parcs ou dans les abris de nuit, l’art et la science rayon­ne­ront, acces­sibles à chacun.

« Madame, Mon­sieur, je suis un cher­cheur en sciences sociales sans emploi, une petite pièce ou quelque chose à man­ger m’aideraient à nour­rir ma famille. Je vous pro­pose de vous expli­quer le rôle de l’alcoolisme dans la vio­lence intra­fa­mi­liale contre un petit billet de 5€ »

« Madame, Mon­sieur, je suis chan­teur lyrique, je suis à la recherche de tout tra­vail que vous vou­drez bien me don­ner. En atten­dant, je vais vous chan­ter un air pour égayer le tra­jet entre les sta­tions Louise et Porte de Namur, veuillez recu­ler, des dom­mages audi­tifs sont pos­sibles à moins de trois mètres. »

« Bon­jour à tous, tech­ni­cien spé­cia­li­sé dans l’entretien et la res­tau­ra­tion de momies, je suis à la recherche d’un emploi. Si un de vos ani­maux domes­tiques est décé­dé, je peux, pour une somme modique, en faire un Tou­tan­cha­ton digne des meilleurs musées »

S’ouvre devant nous la pers­pec­tive radieuse d’une socié­té de l’art et de la connais­sance, enfin récon­ci­liée avec son âme et ses cer­veaux. Et vous, hommes de peu de foi, vous vili­pen­dez ces géniaux va-nu-pieds qui nous servent, ces clo­chards célestes du savoir et de la beau­té, ces incultes intuitifs ?

Honte à vous ! Mille fois !

Pho­to : Chr. Mincke

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.