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Les Européens, un peu ou fort radins quant à l’accueil des réfugiés ?

Blog - Délits d’initiés par Olivier Derruine

juillet 2015

« Dans ses rela­tions avec le reste du monde, l’U­nion affirme et pro­meut ses valeurs et ses inté­rêts et contri­bue à la pro­tec­tion de ses citoyens. Elle contri­bue à la paix, à la sécu­ri­té, au déve­lop­pe­ment durable de la pla­nète, à la soli­da­ri­té et au res­pect mutuel entre les peuples, au com­merce libre et équi­table, à l’é­li­mi­na­tion de la pau­vre­té et […]

Délits d’initiés

« Dans ses rela­tions avec le reste du monde, l’U­nion affirme et pro­meut ses valeurs et ses inté­rêts et contri­bue à la pro­tec­tion de ses citoyens. Elle contri­bue à la paix, à la sécu­ri­té, au déve­lop­pe­ment durable de la pla­nète, à la soli­da­ri­té et au res­pect mutuel entre les peuples, au com­merce libre et équi­table, à l’é­li­mi­na­tion de la pau­vre­té et à la pro­tec­tion des droits de l’homme, en par­ti­cu­lier ceux de l’en­fant, ain­si qu’au strict res­pect et au déve­lop­pe­ment du droit inter­na­tio­nal, notam­ment au res­pect des prin­cipes de la charte des Nations unies. »
Trai­té sur l’Union euro­péenne, Article 3.5

Les ministres euro­péens en charge de la Jus­tice, de l’Asile et de la Migra­tion (pour la Bel­gique : Theo Fran­cken) se sont enfin accor­dés sur une clé de dis­tri­bu­tion des réfu­giés dont les embar­ca­tions prennent la Grèce et l’Italie comme destination.
L’accord porte sur 32.256 per­sonnes qui devront être « redis­pat­chées » depuis ces deux pays vers les autres.
L’opération de réim­plan­ta­tion débu­te­ra concrè­te­ment à par­tir d’octobre après l’avis du Par­le­ment euro­péen qui enté­ri­ne­ra la déci­sion du Conseil des ministres.

Ce chiffre est ridi­cu­le­ment faible au regard des flux de réfu­giés débar­quant sur les côtes, sans même par­ler de ceux qui ont péri au cours du tra­jet. Selon l’Organisation inter­na­tio­nale des migra­tions, au cours du pre­mier semestre de cette seule année, ce ne sont pas moins de 160.000 per­sonnes qui ont atteint le ter­ri­toire euro­péen via la Grèce et l’Italie. À titre de com­pa­rai­son, pour toute l’année 2014, ce sont 276.000 per­sonnes qui sont illé­ga­le­ment entrées en Europe, une hausse de 155% par rap­port à 2013.

Ce chiffre, qui semble affo­ler les diri­geants euro­péens et une par­tie de leur opi­nion publique, n’est rien non plus au regard des 345.000 citoyens de Bos­nie-Her­zé­go­vine aux­quels l’Alle­magne redon­na des pers­pec­tives jusque-là ter­nies par les conflits qui avaient ensan­glan­té et rava­gé les pays de l’ex-Yougoslavie. En 2013, à elle seule, la Suède recon­nais­sait pas moins de 26.800 deman­deurs d’asile.

L’effort euro­péen est encore plus déri­soire lorsque l’on le jauge au regard de la pres­sion migra­toire à laquelle le Liban, la Tur­quie, la Jor­da­nie font face : entre 2013 et 2014, 132.000 deman­deurs d’asile pro­ve­nant d’Irak, de Libye, de la Pales­tine et de la Syrie se sont enfuis vers ces trois pays… Faut-il encore rap­pe­ler que, au total, la Tur­quie abrite 1,5 mil­lion de réfu­giés syriens sur son territoire ?

Les ministres ont pous­sé la bouf­fon­ne­rie jusqu’à repor­ter à plus tard la dis­cus­sion sur une « rawette » de 7.744 per­sonnes. Le lec­teur ne pour­ra qu’être sub­ju­gué par la pré­ci­sion très mathé­ma­tique de ces chiffres : 32.356 et 7.744… Des « comptes d’apothicaires » ? M’enfin, que dites-vous là ?
Notons enfin que ces chiffres ne sont nul­le­ment contraignants !

Une annexe aux conclu­sions du Conseil des ministres pré­cise donc la répar­ti­tion des réfu­giés. Au-delà de ces chiffres froids, il nous sem­blait inté­res­sant de les mettre pour chaque pays en rela­tion avec deux autres indicateurs : 

  • la taille du pays telle que défi­nie par sa popu­la­tion totale : l’accueil de 1.100 – 1.400 réfu­giés n’est pas aus­si « méri­toire » pour un pays de 40 mil­lions d’habitants (la Pologne) que pour des pays quatre moins peu­plés (le Por­tu­gal, la Bel­gique ou la Suède);
  • le niveau de vie des habi­tants dont rend approxi­ma­ti­ve­ment compte le niveau du PIB par habi­tant expri­mé en pari­té de pou­voir d’achat : l’accueil de 1.300 réfu­giés est rela­ti­ve­ment plus facile pour un pays riche (le Belge est, en moyenne, 20% plus riche que l’Européen moyen) que pour un pays moins bien nan­ti (le Por­tu­gais est, lui, 20% moins riche).

Le gra­phique sui­vant com­bine ces élé­ments pour four­nir une grille de lec­ture ori­gi­nale per­met­tant de situer l’effort four­ni par chaque pays. Le nombre de per­sonnes accueillies par chaque pays est rap­por­té à sa popu­la­tion totale. Le nombre moyen de réfu­giés par pays et par mil­lions d’habitants est de 111 et, si l’on exclut du cal­cul l’Autriche et la Hon­grie qui ne se sont pas enga­gés sur un nombre de réfu­giés à accueillir, 121.
Le niveau de vie moyen est expri­mé par rap­port à la moyenne de l’UE28. Ce type de nor­ma­li­sa­tion des don­nées rend plus per­ti­nentes les com­pa­rai­sons entre les États membres.

La Bel­gique ouvri­ra ses portes à 120 per­sonnes par mil­lions d’habitants, ce qui lui per­met de figu­rer par­mi la moyenne. C’est beau­coup mieux que la France (103), mais moins bien que l’Allemagne (130) et que huit autres pays. Compte tenu de son stan­dard de vie qui est l’un des plus éle­vés de l’UE, son enga­ge­ment est loin d’être excep­tion­nel – mais pou­vait-on en attendre autre chose de la part de Theo Fran­cken ? – : son effort est proche de celui de la Répu­blique tchèque (105) et du Por­tu­gal (126), pays de taille com­pa­rable, mais net­te­ment plus pauvres.

Pro­chaine étape : la négo­cia­tion sur la répar­ti­tion des 7.744 réfu­giés sup­plé­men­taires, avec une nou­velle for­mule mathé­ma­tique savante qui, selon les rumeurs, ferait inter­ve­nir le mythique nombre d’or…

(Le Dane­mark, le Royaume-Uni ne sont pas concer­nés par l’accord car ils ne se situent pas dans l’espace Schen­gen de libre cir­cu­la­tion des per­sonnes. Quant à l’Irlande, elle pour­ra par­ti­ci­per à l’effort euro­péen si elle marque fina­le­ment son accord avec la déci­sion minis­té­rielle de ce 20 juillet.)

Olivier Derruine


Auteur

économiste, conseiller au Parlement européen