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Le TTIP ou quand le lobbying des multinationales pousse à l’élargissement de l’UE aux Etats-Unis

Blog - Délits d’initiés - commerce États-Unis TTIP UE (Union européenne) par Olivier Derruine

octobre 2014

En juin 2013, les 27 Etats membres de l’époque ont don­né man­dat à la Com­mis­sion euro­péenne d’entamer les négo­cia­tions avec les Etats-Unis en vue de conclure un large par­te­na­riat trans­at­lan­tique de com­merce et d’investissement (acro­nymes anglais : TTIP ou TAFTA). Des dis­cus­sions plus ou moins for­melles entre les négo­cia­teurs avaient déjà eu lieu en amont – donc, […]

Délits d’initiés

En juin 2013, les 27 Etats membres de l’époque ont don­né man­dat à la Com­mis­sion euro­péenne d’entamer les négo­cia­tions avec les Etats-Unis en vue de conclure un large par­te­na­riat trans­at­lan­tique de com­merce et d’investissement (acro­nymes anglais : TTIP ou TAFTA). Des dis­cus­sions plus ou moins for­melles entre les négo­cia­teurs avaient déjà eu lieu en amont – donc, sans man­dat poli­tique (cf. ci-des­sous). De son côté, le Par­le­ment euro­péen avait mon­tré son sou­tien à ce trai­té de libre-échange à l’occasion de deux réso­lu­tions votées par tous les groupes à l’exception des Verts et de l’extrême-gauche (voir ici et ici).

Jusque-là, il s’agissait d’un dos­sier « de niche » qui n’agitait que quelques experts aux quatre coins de l’Europe ; ce n’était pas suf­fi­sant pour lan­cer la dyna­mique d’une vaste mobi­li­sa­tion à la hau­teur des enjeux. Ce n’est fina­le­ment qu’à l’entrée dans la der­nière ligne droite de la cam­pagne élec­to­rale euro­péenne que le TTIP fit enfin par­ler de lui dans des cercles plus larges. Des oppo­si­tions se firent entendre par­mi la socié­té civile au point d’énerver la Com­mis­sion euro­péenne, prin­ci­pa­le­ment son Pré­sident et le Com­mis­saire Open VLD Karel de Gucht qui négo­ciait pour le compte des Euro­péens. La Com­mis­sion et les cou­rants libre-échan­gistes auraient sûre­ment pré­fé­ré que les choses se passent plus dis­crè­te­ment comme cela fut le cas pour l’accord bila­té­ral avec la Corée du Sud ou celui avec le Cana­da qui connut tou­te­fois un regain d’attention grâce à l’attention por­tée au TTIP.

Le TTIP en quelques mots

TTIP car­toonLe TTIP est le plus impor­tant accord com­mer­cial jamais envi­sa­gé et la plus grosse « réforme struc­tu­relle » de l’UE. D’ailleurs, pour reprendre l’image de Pierre Defraigne, le direc­teur exé­cu­tif de la Fon­da­tion Mada­ria­ga, le TTIP revien­drait à faire adhé­rer à l’UE un 29e pays : les Etats-Unis. Or, étant don­né leur poids démo­gra­phique, éco­no­mique et poli­tique dis­pro­por­tion­né par rap­port aux 28 membres actuels et la mise en œuvre du trai­té, on ima­gine son influence sur le déve­lop­pe­ment futur de l’Europe.

Sur le fond, le TTIP vise à créer un vaste mar­ché com­mun fon­dé sur les prin­cipes de recon­nais­sance mutuelle et d’équivalence et la sup­pres­sion des bar­rières non tari­faires : un bien ou ser­vice mis sur le mar­ché d’un côté de l’Atlantique doit pou­voir l’être auto­ma­ti­que­ment de l’autre côté sans qu’il ne soit sou­mis à de nou­velles contraintes régle­men­taires, admi­nis­tra­tives ou tech­niques super­flues (le prin­cipe n’est évi­dem­ment pas sans rap­pe­ler la direc­tive Bol­ke­stein des années 2004 – 2007). Bien enten­du, toute la ques­tion est de déter­mi­ner ce qu’on entend par « super­flu ». Etant don­né l’agenda de déré­gu­la­tion en vigueur depuis une tren­taine d’années et le sen­ti­ment que le néo­li­bé­ra­lisme amé­ri­cain se tra­duit par des normes plus laxistes, cela nour­rit des craintes d’un nivel­le­ment par le bas des normes sociales, envi­ron­ne­men­tales et sani­taires en Europe. Mais, plus fon­da­men­ta­le­ment, c’est la capa­ci­té même de nos états et de l’UE de légi­fé­rer pour répondre aux pré­oc­cu­pa­tions de la socié­té qui est remise en cause en raison :

  1. Du conseil de conver­gence régle­men­taire qui juge­rait du degré de conver­gence suf­fi­sant des dif­fé­rentes normes ; y sié­ge­raient des tech­no­crates (par exemple, des repré­sen­tants de l’Autorité euro­péenne de sécu­ri­té des ali­ments, l’AFSCA euro­péenne) échap­pant à tout contrôle démo­cra­tique, donc des par­le­ments. C’est à eux que revien­drait le pou­voir de don­ner le feu vert à la mise sur le mar­ché euro­péen des biens amé­ri­cains (et inver­se­ment) sans que ces biens ne puissent être sou­mis à d’autres exigences.
  2. De la clause ISDS (inves­tor-state dis­pute set­tle­ment) en ver­tu de laquelle une entre­prise qui s’estimerait lésée sur le plan de ses inté­rêts com­mer­ciaux et finan­ciers par des dis­po­si­tions prises par un pays après l’entrée en vigueur de l’accord com­mer­cial pour­rait atta­quer ce pays devant un tri­bu­nal arbi­tral, une sorte de juri­dic­tion pri­vée paral­lèle aux cours et tri­bu­naux éta­blis dans nos pays et deman­der réparation.

Lobbying patronal et réaction de la société civile

Les négo­cia­tions ont démar­ré dans un contexte secoué par les révé­la­tions sur les écoutes illé­gales de l’agence de sécu­ri­té amé­ri­caine, la NSA. Cer­tains se deman­daient com­ment les Euro­péens pou­vaient trai­ter avec les Amé­ri­cains alors que grâce à leur espion­nage sys­té­ma­tique, ceux-ci ont une avance consi­dé­rable sur nous et peuvent connaître nos atouts et nos fai­blesses. En dépit de ce contexte peu pro­pice à de saines dis­cus­sions, les Etats membres et la Com­mis­sion n’ont jamais cil­lé : s’il y eut bien quelques réac­tions d’indignation et de pro­tes­ta­tion, le scan­dale des écoutes n’a fait flan­cher aucun per­son­nage de pre­mier plan quant à sa volon­té d’aboutir à un accord.

Pour­tant, cette méfiance res­sen­tie essen­tiel­le­ment par­mi la socié­té civile fut ren­for­cée lorsque le New York Times révé­la l’existence de réunions entre négo­cia­teurs UE et US qui s’étaient dérou­lées à la fin d’année 2012 – donc, bien avant l’ouverture offi­cielle des négo­cia­tions – et qui furent l’occasion de dérou­ler le tapis rouge pour les orga­ni­sa­tions patro­nales. Cor­po­rate Europe Obser­va­to­ry, l’ONG qui traque les conflits d’intérêt et les zèles des lob­byistes, a publié sur son site un pro­cès-ver­bal cen­sé être confi­den­tiel où la Com­mis­sion, gar­dienne de l’intérêt géné­ral, exhorte les entre­prises à s’emparer du dos­sier et à lui com­mu­ni­quer leurs desi­de­ra­ta… L’ONG ne cesse depuis le début de mettre en évi­dence la mains­mise des lob­bies des mul­ti­na­tio­nales sur le dossier.

En réac­tion à cela, la socié­té civile s’est mobi­li­sée dans un mou­ve­ment de longue haleine comme elle en avait rare­ment été capable, à l’exception des épi­sodes de la direc­tive Bol­ke­stein et dans une moindre mesure, du trai­té anti-confre­fa­çon (ACTA). Preuve en est : le suc­cès de la consul­ta­tion publique que le Com­mis­saire Open VLD Karel de Gucht avait dû lan­cer sur la ques­tion de l’ISDS. Plus de 150.000 réponses, un record !

Cette consul­ta­tion s’est tenue entre la fin mars et la mi-juillet 2014 et por­tait sur la pro­tec­tion des inves­tis­seurs dans le cadre d’un tel accord, en par­ti­cu­lier la sul­fu­reuse clause ISDS.

La Com­mis­sion n’a — à l’heure d’écrire ces lignes — pas encore tiré les ensei­gne­ments de cette consul­ta­tion. Néan­moins, il appa­raît que les contri­bu­tions émanent prin­ci­pa­le­ment du Royaume-Uni (un tiers des contri­bu­tions), de l’Allemagne et de l’Autriche (22 % cha­cune) et de la France et de la Bel­gique (6 % cha­cune). Voi­là donc les pays où la socié­té civile est la plus vigi­lante. Les réponses dépo­sées par des per­sonnes repré­sentent 99,62 % du total et celle des orga­ni­sa­tions 0,38%.

Sans attendre une ana­lyse plus détaillée des contri­bu­tions, Jean-Claude Jun­cker, lors de son dis­cours d’intronisation à la tête de la Com­mis­sion, pre­nait ses dis­tances avec la clause ISDS : « [I will not] accept that the juris­dic­tion of courts in the EU Mem­ber States is limi­ted by spe­cial regimes for inves­tor dis­putes. The rule of law and the prin­ciple of equa­li­ty before the law must also apply in this context.” Il pre­nait ain­si le contre-pied de Karel de Gucht qui, cher­chant à bana­li­ser la clause ISDS, rap­pe­lait le même jour que cette clause figu­rait déjà dans 1.400 trai­tés bila­té­raux impli­quant les Etats membres… Ain­si, la ques­tion selon lui n’est pas de savoir s’il faut ou non inclure cette clause, mais plu­tôt com­ment l’« amé­lio­rer ». En octobre, lors de son « exa­men oral » devant les euro­dé­pu­tés, la Sué­doise, Ceci­lia Malm­ström, qui suc­cé­de­ra à Karel de Gucht et qui ne pou­vait pas igno­rer la posi­tion de son futur patron au Ber­lay­mont confir­mait la posi­tion du libé­ral fla­mand… De quoi y perdre son latin quant à l’attitude de la Com­mis­sion sur cette clause.

Autre sujet de cri­tique du TTIP : son opa­ci­té. Le man­dat de négo­cia­tion était res­té confi­den­tiel jusqu’à ce qu’une pres­sion per­sis­tante de la socié­té civile conduise à la déclas­si­fi­ca­tion du docu­ment. Une pre­mière vic­toire dans la lutte contre le TTIP et une vic­toire impor­tante. Cepen­dant, pré­tex­tant d’un refus obs­ti­né des Amé­ri­cains dont les repré­sen­tants du peuple ne béné­fi­cie­raient eux-mêmes pas d’un tel niveau d’information, la Com­mis­sion ne veut tou­jours pas don­ner l’accès aux pro­cès-ver­baux et autres docu­ments ayant traits aux dif­fé­rents « rounds » de négo­cia­tion. Ces docu­ments per­met­traient de véri­fier si la Com­mis­sion ne prend pas des lar­gesses avec le man­dat qui lui a été confié. Les Etats-Unis ont juste tolé­ré que, depuis la mi-juillet 2014, les docu­ments soient acces­sibles dans des pièces de lec­ture, dont une petite se trouve au Par­le­ment euro­péen. Comme le sou­lève l’un des rares pri­vi­lé­giés à pou­voir y accé­der, l’écologiste fran­çais, Yan­nick Jadot : « Com­ment peut-on ima­gi­ner, aujourd’hui, que des choix de socié­té soient réduits à des consul­ta­tions sans télé­phone, sans moyen de prendre des notes dans des pièces de lecture ? »

Il sem­ble­rait d’ailleurs que cette pra­tique soit contraire au Trai­té euro­péen qui, en son article 218.10, sti­pule que : « Le Par­le­ment euro­péen est immé­dia­te­ment et plei­ne­ment infor­mé à toutes les étapes de la pro­cé­dure. » Après tout, avant que le trai­té ne soit un jour rati­fié par les Etats membres, il revien­dra aux euro­dé­pu­tés de se pro­non­cer posi­ti­ve­ment ou néga­ti­ve­ment (avis conforme). La Cour euro­péenne de Jus­tice, elle-même, a confir­mé l’importance qu’ils ne soient pas exclus des négociations.

Malhonnêteté intellectuelle

Afin de jus­ti­fier le TTIP, la Com­mis­sion a fait réa­li­ser une étude d’impact par le Centre for Eco­no­mic Poli­cy Research (CEPR), un think tank bien connu dans la sphère euro­péenne. Ce groupe d’experts est finan­cés par des banques cen­trales, mais aus­si par d’importantes banques et entre­prises inter­na­tio­nales. Cela en dit long sur l’impartialité pré­su­mée de cette étude…

Il res­sort que, dans le meilleur scé­na­rio envi­sa­gé, le TTIP ferait gagner à l’économie euro­péenne 119 mil­liards € par an (et 95 mil­liards € pour les Etats-Unis) Ces gains pro­vien­draient prin­ci­pa­le­ment de la conver­gence régle­men­taire puisque les droits de douane sont déjà très bas entre les deux amants dia­bo­liques. Il importe tou­te­fois de sou­li­gner que ces résul­tats ne se maté­ria­li­se­raient pas avant 2027. En d’autres termes, le TTIP n’offre aucune solu­tion au pro­blème de la crois­sance ané­mique de l’Europe.

Si ce chiffre de 119 mil­liards € semble impres­sion­nant, il faut le rela­ti­vi­ser en le rap­por­tant au PIB euro­péen, cela ne fera jamais que 0,5 % de PIB en plus… et encore, nous l’avons dit, dans le meilleur des cas pas­sés en revue !

La Com­mis­sion a ten­té de vendre le TTIP à l’opinion publique en en tirant un autre chiffre allé­chant : près de 545 € par ménage et par an. Le pro­blème est qu’il s’agit d’un rac­cour­ci qui ne tient pas compte du fait que cette manne ne sera pas répar­tie équi­ta­ble­ment entre tous les Euro­péens puisque ce sont les pro­fits des quelques entre­prises gagnantes qui seront gon­flés en consé­quence. Or, comme la concur­rence sera plus ardue entre les prin­ci­paux sec­teurs expo­sés (puisque le TTIP sti­mu­le­ra le com­merce intra­branche, cf. pro­chain article sur ce blog), il est très peu vrai­sem­blable que cela rejaillisse sur les salaires des tra­vailleurs des­dits sec­teurs. Enfin, ces 545 €, ima­gi­nons qu’ils deviennent réa­li­té, ne repré­sen­te­raient qu’une aug­men­ta­tion d’un peu moins de 140 € par per­sonne. Cela jus­ti­fie-t-il de bra­der le modèle social euro­péen, de mettre à mal les ten­ta­tives de se déga­ger de l’agrobusiness, de remettre en ques­tion les normes reflé­tant les pré­fé­rences col­lec­tives des Euro­péens et sur­tout, les prin­cipes démo­cra­tiques sur les­quels nos Etats et l’UE s’appuient ?

Enfin, comme l’indique un argu­men­taire oppo­sé au TTIP, un cer­tain nombre d’hypothèses sont pas­sées sous silence ou mini­mi­sée : depuis l’irruption de la crise, la conjonc­ture éco­no­mique est par­ti­cu­liè­re­ment instable et cela ne risque pas de s’atténuer au cours des pro­chaines années ; dès lors, quel cré­dit accor­der à des telles pro­jec­tions à long terme qui font inter­ve­nir un nombre incal­cu­lable de para­mètres ? Le revers de la médaille tient dans une série de coûts qui ne sont pas inté­grés dans l’analyse d’impact comme ceux pou­vant résul­ter pour la col­lec­ti­vi­té de l’application de la clause ISDS, le jeu de vases com­mu­ni­cants entre le com­merce intra-UE et le com­merce trans­at­lan­tique (l’Allemagne ache­tant moins de pro­duits agri­coles à l’Espagne parce qu’elle se four­ni­rait de plus en plus auprès des exploi­ta­tions du Sud des Etats-Unis), etc.

Excès de zèle du Commissaire De Gucht

La per­son­na­li­té même du Com­mis­saire de Gucht et son excès de zèle (qui lui a valu son « exil » à la Com­mis­sion) sont des élé­ments per­tur­ba­teurs de la séré­ni­té qui devrait mar­quer l’atmosphère de la négo­cia­tion. Bien que la socié­té civile et cer­tains pays ont bataillé pour que l’exception cultu­relle soit recon­nue dans le man­dat et que celle-ci a bel et bien été accor­dée, le Com­mis­saire Open VLD juge que « la Com­mis­sion peut [tou­jours] pro­po­ser au Conseil d’inclure un cha­pitre audio­vi­suel dans ce man­dat » ! Si on le prend au sérieux, alors le man­dat n’a aucune valeur puisqu’il l’interprète à sa manière. D’où l’importance de faire éga­le­ment la trans­pa­rence sur les docu­ments dis­cu­tés à l’occasion des dif­fé­rents rounds de négociation.

Pareil pour le gaz de schiste (le man­dat n’évoquant que la néces­si­té de « garan­tir un envi­ron­ne­ment éco­no­mique ouvert, trans­pa­rent et pré­vi­sible en matière d’énergie et un accès illi­mi­té et durable aux matières pre­mières »), le Com­mis­saire n’en fait qu’à sa tête : « Des négo­cia­tions seront enta­mées pour impor­ter du gaz de schiste des États-Unis. » Ces pro­pos sont tirés de l’audition du Com­mis­saire orga­ni­sée le 12 mars der­nier par la Com­mis­sion des Rela­tions Exté­rieures du par­le­ment fédéral.

TTIP et Europe sociale : une incompatibilité génétique

Le risque de nivel­le­ment par le bas des normes sociales est sou­vent poin­té comme une consé­quence de l’harmonisation régle­men­taire et de l’intensification de la crois­sance. Cette crainte est étayée par le fait que les Etats-Unis n’ont rati­fié que deux normes fon­da­men­tales de l’Organisation Inter­na­tio­nale du Tra­vail, même la Bir­ma­nie / Myan­mar fait mieux ! Faut-il alors déduire de leur dés­in­té­rêt appa­rent pour la pro­tec­tion des tra­vailleurs (un désert social sous un pré­ten­du para­dis éco­no­mique) qu’ils consi­dèrent que le modèle social euro­péen et la concer­ta­tion sociale qui le carac­té­rise sont des bar­rières « non tari­faires » ? Et si tel est le cas, alors pour­ront-ils inter­fé­rer dans de futures révi­sions des direc­tives sur les comi­tés d’entreprise euro­péens, le temps de tra­vail, les restruc­tu­ra­tions ou le déta­che­ment des tra­vailleurs au motif que ces dis­po­si­tions ris­que­raient de léser les inté­rêts finan­ciers des entre­prises US ?

Michel Ier et le TTIP : retournement de veste du MR

Dans Le Soir du 5 mai 2014, tous les par­tis fran­co­phones répon­daient par la néga­tive à la ques­tion « Vote­rez-vous ce Trai­té trans­at­lan­tique si les négo­cia­tions abou­tissent ? ». Cla­ri­fiant la posi­tion du MR, Charles Michel expli­quait alors : « Dans l’état actuel du dos­sier, je ne pour­rais en aucun cas voter en faveur de cet accord. Que devien­draient nos normes sani­taires, sociales et envi­ron­ne­men­tales ? Je songe aux pou­lets lavés au chlore. Veut-on ali­gner nos stan­dards sur ceux dont “béné­fi­cient” les consom­ma­teurs amé­ri­cains ? Idem pour nos normes sociales et envi­ron­ne­men­tales. Pas ques­tion de détri­co­ter notre modèle euro­péen ! Ajou­tons que de nom­breuses lois amé­ri­caines sont pro­tec­tion­nistes – il suf­fit de citer le fameux “Buy Ame­ri­can Act”. Je suis favo­rable à “une Europe ouverte, mais pas une Europe offerte”, comme disait Delors. »

Cinq mois plus tard, les élec­tions et les pro­messes de cam­pagne n’étant déjà plus que de loin­tains sou­ve­nirs, le par­ti du for­ma­teur du gou­ver­ne­ment deve­nu Pre­mier ministre a effec­tué un virage à 180° sur le sujet. L’accord de gou­ver­ne­ment du 10 octobre 2014 confirme que « la Bel­gique conti­nue­ra à sou­te­nir le « Trans­at­lan­tic Trade and Invest­ment Part­ner­ship » (TTIP) avec les États-Unis, tout en veillant à la trans­pa­rence ain­si qu’à la pré­ser­va­tion d’un cer­tain nombre d’intérêts sociaux et cultu­rels impor­tants ain­si que la sécu­ri­té ali­men­taire »… (p.191 – 192)

Olivier Derruine


Auteur

économiste, conseiller au Parlement européen