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Le point Yapire

Blog - Anathème - économie justice sociale par Anathème

mai 2018

Récem­ment, des chiffres rela­tifs aux salaires des vingt chefs de gou­ver­ne­ments les mieux payés de la pla­nète ont été publiés dans la presse. C’est avec une fier­té non dis­si­mu­lée que nous avons appris que nous trai­tions bien notre Pre­mier ministre : il est cin­quième du clas­se­ment, avec 291.000€ par an, juste der­rière Ange­la Mer­kel et Donald […]

Anathème

Récem­ment, des chiffres rela­tifs aux salaires des vingt chefs de gou­ver­ne­ments les mieux payés de la pla­nète ont été publiés dans la presse. C’est avec une fier­té non dis­si­mu­lée que nous avons appris que nous trai­tions bien notre Pre­mier ministre : il est cin­quième du clas­se­ment, avec 291.000€ par an, juste der­rière Ange­la Mer­kel et Donald Trump, mais loin devant Edouard Phi­lippe et The­re­sa May, sans par­ler de Ben­ja­min Neta­nya­hou, qui émarge à la ving­tième place avec un ridi­cule 136.488€.

Sitôt ces chiffres publiés, les réseaux sociaux se sont enfla­més, de nom­breux inter­nautes consi­dé­rant que ce niveau de rému­né­ra­tion était indigne. Il fut ques­tion de mille fadaises : jus­tice sociale, mérite per­son­nel, com­pa­rai­son avec d’autres fonc­tions com­pa­rables, rap­pel de l’imposition de l’austérité à la popu­la­tion belge, etc.

Heu­reu­se­ment, de bons citoyens firent front et oppo­sèrent de judi­cieux argu­ments, dont l’un, par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sant : le point Yapire. Il consiste à consi­dé­rer que, fina­le­ment, pour des res­pon­sa­bi­li­tés infé­rieures, nom­breux sont les chefs d’entreprise qui gagnent plus. Il y a pire, donc, en termes de dés­équi­libre des rému­né­ra­tions, que la situa­tion de notre Pre­mier. Ce rai­son­ne­ment est fort per­ti­nent : quand la rému­né­ra­tion d’un poli­tique est contes­tée, on fait valoir celle d’un patron du Bel20, quand celle d’un patron belge l’est, on invoque celle de diri­geants amé­ri­cains, etc. Seul, en bout de course, l’individu le plus payé aura à répondre de sa situation.

Ce rai­son­ne­ment est aus­si très social, puisqu’il per­met de faire pres­sion à l’amélioration de la rému­né­ra­tion des tra­vailleurs, et notam­ment de ceux qui se mettent au ser­vice de l’intérêt géné­ral, comme c’est le cas de nos diri­geants. Il est légi­time que Charles Michel soit récom­pen­sé, lui qui s’est fait tout seul, qui fut plé­bis­ci­té par l’électorat fran­co­phone belge, qui sut construire une majo­ri­té équi­li­brée avec des Fla­mands pour­tant rétifs, en ins­tau­rant un rap­port de force favo­rable et en lan­çant une dyna­mique posi­tive qui lui valut le res­pect (et la crainte) de Bart De Wever. Charles Michel est un per­son­nage plus grand que nature, un win­ner, un autoen­tre­pre­neur auda­cieux, il mérite donc bien l’argent qu’il gagne. Nous pour­rions même nous éton­ner qu’il ne soit pas en tête du clas­se­ment, tant il parai­trait natu­rel qu’il sur­classe l’ensemble de ses col­lègues qui, en fin de compte, n’ont pas tant de talent ni de res­pon­sa­bi­li­tés qu’on le pré­tend souvent.

Ce qui est par ailleurs assez cho­quant, c’est que ces pro­tes­ta­tions se sont éle­vées dans le camp des gau­chistes, ces défen­seurs des inutiles et des para­sites. Voi­là qu’ils laissent libre cours à leur jalou­sie et à leur soif de revanche, récla­mant que l’on baisse la rému­né­ra­tion d’un hon­nête tra­vailleur, eux qui, hypo­crites, n’ont de cesse de plai­der pour l’augmentation des moyens d’existence des tra­vailleurs, allo­ca­taires sociaux et autre déclassés.

S’il me semble com­pré­hen­sible de se sou­cier de la juste rému­né­ra­tion de nos dévoués lea­deurs, je com­prends mal que l’on se pré­oc­cupe de gens qui sont à la charge de ceux qui créent réel­le­ment des richesses : les ren­tiers et les entre­pre­neurs. Oui, ils vivent sous le seuil de pau­vre­té, oui, ils meurent plus jeunes, oui, ils peinent à s’élever dans la hié­rar­chie sociale, oui, ils sont en moins bonne san­té… et alors ? Il y a pire !

Ils pour­raient être pri­vés de leur allo­ca­tion de chô­mage et devoir émar­ger au CPAS, s’ils sont au CPAS, se voir obli­gés de tra­vailler gra­tui­te­ment, s’ils sont malades de longue durée, pous­sés vers un retour au tra­vail, s’ils sont deman­deurs d’asile, débou­tés et ren­voyés dans la clan­des­ti­ni­té, sans réel exa­men de leur demande, etc.

Yapire, donc. On y travaille !

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.