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Le malentendu, notre planche de salut

Blog - Anathème par Anathème

avril 2014

Pour Luc Van Cam­pen­houdt, le mal­en­ten­du est l’une des condi­tions du fonc­tion­ne­ment de la socié­té. Si nous nous com­pre­nions tou­jours, la vie serait impos­sible. Impos­sible de conclure sur un mal­en­ten­du, de lais­ser pis­ser la vache, de faire comme si, de prendre les décla­ra­tions d’autrui pour argent comp­tant ou de s’autoriser ces mille moments de compromission […]

Anathème

Pour Luc Van Cam­pen­houdt, le mal­en­ten­du est l’une des condi­tions du fonc­tion­ne­ment de la socié­té. Si nous nous com­pre­nions tou­jours, la vie serait impos­sible. Impos­sible de conclure sur un mal­en­ten­du, de lais­ser pis­ser la vache, de faire comme si, de prendre les décla­ra­tions d’autrui pour argent comp­tant ou de s’autoriser ces mille moments de com­pro­mis­sion qui per­mettent de dif­fé­ren­cier la vie d’une lutte permanente.

C’est le fait de savoir faire sem­blant que nous sommes d’accord – alors que rien n’est moins sûr – qui rend la Bel­gique pos­sible, de même que la plu­part des couples, les par­tis poli­tiques, les révo­lu­tions et mille autre conquêtes de l’humanité.

Bien enten­du, toute véri­té n’est pas bonne à cacher et il convient de concen­trer son effort d’auto-aveuglement sur les plus déran­geantes d’entre elles. Com­prendre les enjeux en termes de droits humains de la consom­ma­tion risque de nous pri­ver de smart­phone et de vête­ments de marque. L’explicitation de nos moti­va­tions peut mettre en péril une nuit de folie. La cla­ri­fi­ca­tion des exi­gences de notre patron menace notre si ras­su­rante rou­tine et celle des inten­tions des can­di­dats à notre suf­frage, notre tran­quilli­té d’esprit… Le mal­en­ten­du est là pour nous aider face aux ques­tions les plus problématiques.

Le mal­en­ten­du est donc d’autant plus néces­saire que la ques­tion est dou­lou­reuse. Par ailleurs, il est d’autant plus aisé que les échanges seront ambi­gus. C’est ain­si que dans l’épineuse ques­tion de l’altérité, le mal­en­ten­du appa­raît vital… et la fran­chise, une obs­cé­ni­té. « Je n’ai rien contre les homo­sexuels, mais ont-ils besoin de s’afficher de la sorte ? » « Je ne suis pas raciste, j’ai même une amie arabe, mais elle ne se sent pas obli­gée de s’afficher avec un voile. »

Voi­là que la dif­fé­rence pose pro­blème, non pas en tant que telle – « que cha­cun s’occupe de ses affaires » semble notre com­mune devise – mais lorsqu’elle est affi­chée, assu­mée. En effet, elle semble alors inter­pe­ler, appe­ler une réponse que nous ne sou­hai­tons pas don­ner. Quit­ter le confort de l’indécision ? Être obli­gés d’abandonner notre douillet « cha­cun son avis, cha­cun sa vie » ? Devoir inter­ro­ger nos choix face à ceux de l’autre ? Ris­quer de nous aper­ce­voir que, plu­tôt que de choix, il est ques­tion d’habitudes, d’automatismes, de méca­nismes ? Très peu pour nous ! Que le Juif se couvre d’une cas­quette, nous pour­rons le pen­ser fan de base­ball. Mais qu’une musul­mane se couvre la tête d’un voile si carac­té­ris­tique et nous voi­là démunis.

Aus­si est-il très juste que nos si peu convain­cues élites poli­tiques se lancent dans une chasse à l’expression des convic­tions. Le signe convic­tion­nel, voi­là l’ennemi ! Qu’on nous laisse nous assou­pir dans une rêve­rie iré­nique faite, non de consen­sus et d’accord, mais d’un par­fait malentendu !

Le chan­tier ne fait que s’ouvrir et il est impé­ra­tif de pour­chas­ser d’autres convic­tions. Cet homme en vélo n’affirmerait-il pas que le réchauf­fe­ment cli­ma­tique nous menace ? Cette femme sans maquillage ne pro­cla­me­rait-elle pas son oppo­si­tion au consu­mé­risme ? Cet homo­parent trop sou­riant ne mili­te­rait-il pas insi­dieu­se­ment en faveur des droits des homo­sexuels ? Et cette femme en pan­ta­lon n’afficherait-elle pas sa convic­tion d’être l’égale des hommes ?

Mais que fait la police ?

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.