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Le malentendu, notre planche de salut
Pour Luc Van Campenhoudt, le malentendu est l’une des conditions du fonctionnement de la société. Si nous nous comprenions toujours, la vie serait impossible. Impossible de conclure sur un malentendu, de laisser pisser la vache, de faire comme si, de prendre les déclarations d’autrui pour argent comptant ou de s’autoriser ces mille moments de compromission […]
Pour Luc Van Campenhoudt, le malentendu est l’une des conditions du fonctionnement de la société. Si nous nous comprenions toujours, la vie serait impossible. Impossible de conclure sur un malentendu, de laisser pisser la vache, de faire comme si, de prendre les déclarations d’autrui pour argent comptant ou de s’autoriser ces mille moments de compromission qui permettent de différencier la vie d’une lutte permanente.
C’est le fait de savoir faire semblant que nous sommes d’accord – alors que rien n’est moins sûr – qui rend la Belgique possible, de même que la plupart des couples, les partis politiques, les révolutions et mille autre conquêtes de l’humanité.
Bien entendu, toute vérité n’est pas bonne à cacher et il convient de concentrer son effort d’auto-aveuglement sur les plus dérangeantes d’entre elles. Comprendre les enjeux en termes de droits humains de la consommation risque de nous priver de smartphone et de vêtements de marque. L’explicitation de nos motivations peut mettre en péril une nuit de folie. La clarification des exigences de notre patron menace notre si rassurante routine et celle des intentions des candidats à notre suffrage, notre tranquillité d’esprit… Le malentendu est là pour nous aider face aux questions les plus problématiques.
Le malentendu est donc d’autant plus nécessaire que la question est douloureuse. Par ailleurs, il est d’autant plus aisé que les échanges seront ambigus. C’est ainsi que dans l’épineuse question de l’altérité, le malentendu apparaît vital… et la franchise, une obscénité. « Je n’ai rien contre les homosexuels, mais ont-ils besoin de s’afficher de la sorte ? » « Je ne suis pas raciste, j’ai même une amie arabe, mais elle ne se sent pas obligée de s’afficher avec un voile. »
Voilà que la différence pose problème, non pas en tant que telle – « que chacun s’occupe de ses affaires » semble notre commune devise – mais lorsqu’elle est affichée, assumée. En effet, elle semble alors interpeler, appeler une réponse que nous ne souhaitons pas donner. Quitter le confort de l’indécision ? Être obligés d’abandonner notre douillet « chacun son avis, chacun sa vie » ? Devoir interroger nos choix face à ceux de l’autre ? Risquer de nous apercevoir que, plutôt que de choix, il est question d’habitudes, d’automatismes, de mécanismes ? Très peu pour nous ! Que le Juif se couvre d’une casquette, nous pourrons le penser fan de baseball. Mais qu’une musulmane se couvre la tête d’un voile si caractéristique et nous voilà démunis.
Aussi est-il très juste que nos si peu convaincues élites politiques se lancent dans une chasse à l’expression des convictions. Le signe convictionnel, voilà l’ennemi ! Qu’on nous laisse nous assoupir dans une rêverie irénique faite, non de consensus et d’accord, mais d’un parfait malentendu !
Le chantier ne fait que s’ouvrir et il est impératif de pourchasser d’autres convictions. Cet homme en vélo n’affirmerait-il pas que le réchauffement climatique nous menace ? Cette femme sans maquillage ne proclamerait-elle pas son opposition au consumérisme ? Cet homoparent trop souriant ne militerait-il pas insidieusement en faveur des droits des homosexuels ? Et cette femme en pantalon n’afficherait-elle pas sa conviction d’être l’égale des hommes ?
Mais que fait la police ?