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Le génocide rwandais : chercher à comprendre
Comprendre les événements qui ont fait basculer le Rwanda dans le génocide et qui influent encore profondément, vingt après, sur le destin de ce petit pays des Grands Lacs, est un travail exigeant. Comme le rappelait récemment Daniel Mermet au cours de la série des trois émissions qu’il a consacrées au Rwanda, 20 ans après y avoir […]
Comprendre les événements qui ont fait basculer le Rwanda dans le génocide et qui influent encore profondément, vingt après, sur le destin de ce petit pays des Grands Lacs, est un travail exigeant. Comme le rappelait récemment Daniel Mermet au cours de la série des trois émissions qu’il a consacrées au Rwanda, 20 ans après y avoir réalisé dès mai 1994 un reportage bouleversant, du travail a été fait, tant par les journalistes que par les chercheurs, de la documentation accumulée, des témoignages recueillis. Difficile de crier dès lors à la désinformation. Mermet interpelle ainsi le citoyen : « Il faut faire un effort pour se documenter et pour apprendre. Je crois que c’est une nécessité. C’est pas un loisir, c’est une nécessité. » Pour lui, les décisions de certains Etats, comme la France ou la Belgique, ont été prises en notre nom. Il ne sert donc à rien de se sentir coupable mais nous avons par contre « la responsabilité d’étudier, d’apprendre, d’essayer de comprendre dans l’espoir d’oublier Sisyphe (…) Il nous appartient d’exiger la vérité, et ça c’est un travail constant que nous ne devons pas lâcher. »
Je vous propose donc, au travers de la radio, de tenter de mieux comprendre ce qui s’est passé au Rwanda il y a vingt ans. Si beaucoup d’émissions d’actualité ont couvert la commémoration officielle du génocide rwandais à Kigali aux alentours du 6 avril, il est particulièrement intéressant d’écouter les reportages qui ont été diffusés ces jours-ci. Ce format plus long, qui permet l’approfondissement de questions, qui laisse parler les interlocuteurs, qui ne coupe pas la parole, qui prend le temps de mettre en perspective les faits est certainement plus propice à un sujet aussi complexe que le génocide au Rwanda en 1994.
Le contexte historique
Voici quelques émissions qui permettent, dans un premier temps, de replacer rapidement les événements dans leur contexte (3’ en moyenne par épisode), en nous aidant à nous remémorer les faits historiques depuis l’indépendance du Rwanda jusqu’au génocide de 1994 . En quelques minutes, la Chronique internationale sur France Inter en donne une synthèse bien documentée :
France Inter – Chronique internationale (3:24) – 7 avril 2014 : la période coloniale.
France Inter – Chronique internationale (3:15) – 9 avril 2014 : le déroulement du génocide.
Il y a 20 ans…
Pour revenir sur les faits d’il y a vingt ans, je propose ici trois questions abordées dans des émissions écoutées avec beaucoup d’intérêt : (i) un éclairage nouveau sur l’Opération Turquoise, (ii) le travail de journalisme dans un contexte de guerre et de génocide et (iii) le rôle de l’Eglise durant les faits de 1994.
L’Opération Turquoise
La radio suisse La 1ère (RTS) revient longuement sur les trois mois qu’ont duré le génocide de 1994. Dès mi-mars 2014, elle a diffusé 5 épisodes, comme pour préparer l’auditeur à plus de compréhension des enjeux de cette commémoration. D’une qualité journalistique exceptionnelle, et comme la radio peut en produire avec originalité, trois d’entre elles ont particulièrement retenu mon attention. Elles décortiquent minutieusement (avec l’aide de nombreuses archives sonores d’horizons très divers) la très controversée Opération Turquoise menée par les soldats français. Ces émissions nous offrent une véritable plongée dans les mécanismes du pouvoir, et ses dérèglements. On y apprend, par exemple, que Mitterrand au lendemain de la visite de la veuve d’Habiyarimana à l’Élysée, aurait prononcé : « Elle a le diable au corps. Si elle le pouvait, elle continuerait à lancer des appels au massacre sur les radios françaises » !) Pour comprendre – enfin – ce qui s’est vraiment passé durant cette intervention militaro- »humanitaire ».
La 1ère (RTS) – Histoire vivante (18/03/2014 – 56:12) – La Rwanda (2/5) Quasi une heure d’entretien avec Laure de Vulpian (journaliste de France Culture spécialiste des questions de justice) qui a écrit Silence Turquoise, un livre sur la France au Rwanda. L’intérêt de l’émission tient tant dans l’exposé de la longue et minutieuse enquête de l’auteur que dans la clarté de ses propos.
La 1ère (RTS) – Histoire vivante (19/03/2014 – 57:00) – Le Rwanda (3/5) Laure de Vulpian s’attarde sur la découverte du massacre de Bisesero par un ancien militaire de Turquoise, Thierry Prungnaud, qui a accepté de lui raconter sa version des faits. Acteur et témoin de premier plan, il met pour la première fois en lumière les failles, la désinformation et les mensonges qui ont entouré l’Opération Turquoise.
La 1ère (RTS) – Histoire vivante (20/03/2014 – 56:27) – La Rwanda (4/5) Exceptionnel cet entretien inédit d’un soldat de Turquoise qui témoigne anonymement. Il se dit libre de parler, même si on sent tout au long de l’émission beaucoup de retenue, mêlée à de la pudeur et un grand sens du devoir.
Le journalisme dans un contexte de génocide
Sur la question du travail de journalisme dans un contexte de génocide, je vous propose de découvrir deux émissions qui apportent un double éclairage concernant la difficulté du journaliste à faire son travail dans un contexte de guerre et de situation humanitaire si complexe et sur les limites (et le difficile constat d’échec dans le cas du Rwanda) qui ont poussé certains à renoncer à la méthode journalistique pour des années ensuite participer au travail de mémoire en passant par le récit et la littérature. C’est toute la réflexion et le travail de Jean Hatzfeld. Il en témoigne admirablement.
La 1ère (RTS) – Histoire vivante (17/03/2014 – 56:11) – Le Rwanda (1/5) La première partie de cette émission donne la parole à Jean-Philippe Ceppi, correspondant de la Radio suisse romande (RSR). Il a été l’un des premiers journalistes à arriver au Rwanda en avril 1994. C’est lui aussi qui a utilisé pour la première fois le mot de génocide dans ces articles.
France Inter – L’humeur vagabonde (26/03/2014 – 50:59) — Jean Hatzfeld et Alexis Cordesse Pour rappel, Jean Hastzfeld est l’auteur de « Récits des marais rwandais » — recueil de ses trois ouvrages consacrés au génocide au Rwanda. Une écriture superbe qui donne la parole aux victimes puis aux bourreaux.
Quel rôle a pu jouer l’Eglise catholique ?
Sur le rôle de l’Eglise catholique durant cette période, La Première (RTBF) annonce une question prometteuse dans son émission « Et Dieu dans tout ça » : vingt après, commence-t-on à pouvoir regarder les choses en face ? Malheureusement les questions sensibles ne sont qu’effleurées. Seul le juge Damien Vandermeersch osera affirmer que l’institution de l’Eglise n’a pas encore fait un travail d’examen de conscience de sa responsabilité dans le génocide rwandais. Approfondir cette affirmation aurait certainement été nécessaire, mais l’émission devait se terminer quelques courtes minutes après.
La Première (RTBF) – Et Dieu dans tout ça (06/04/2014 – 55:00) – L’Eglise et le génocide rwandais
Aujourd’hui (et demain)
Des nombreuses émissions programmées par France Culture autour de cette commémoration, je retiens quatre reportages dans la cadre de son émission « Les pieds sur terre ». Cinq thèmes qui donnent à entendre ce que signifie aujourd’hui vivre avec ce passé, « Comment ça va avec la douleur ? ». Une intéressante occasion d’y aborder des sujets que l’on pourrait penser annexes mais qui offrent un éclairage élargi sur les événements de 1994.
France Culture – Les pieds sur terre (31/03/2014 – 28:17) – Kigali à marche forcée Ce « portrait psycho-économique de la capitale rwandaise » est effectué un samedi d’Umuganda (travaux d’intérêt généraux obligatoires), une occasion de questionner la nature du pouvoir actuel au Rwanda. « Terreur muette » ?
France Culture – Les pieds sur terre (02/04/2014 – 25:48) – Avoir 20 ans au Rwanda Rencontre avec des lycéens à Nyamata au bord du Lac Kivu. Un portrait d’une jeunesse née pendant le génocide.
France Culture – Les pieds sur terre (03/04/2014 – 25:21) – Les Abunzis Ce reportage sur ces tribunaux de campagne qui règlent les litiges mineurs liés à la transmission et au partage des parcelles montre combien la pression foncière reste très forte et prégnante encore aujourd’hui au Rwanda, comme cela l’avait été avant le génocide.
France Culture – Les pieds sur terre (04/04/2014 – 25:42) – La « Shalom House » Ce récit d’un rescapé Tutsi qui se consacre à transmettre la mémoire de la Shoah tente de faire un lien entre deux génocides sur la question du devoir de mémoire, comme moyen possible de compréhension des traumatismes.
Une difficile réconciliation
Un particularité du génocide rwandais fut la proximité dans laquelle vivaient bourreaux et victimes : voisins, parents, amis d’enfance, collègues. Il est donc essentiel de se poser la question de savoir comment se passe aujourd’hui le voisinage des uns et des autres revenus sur les collines. Deux reportages abordent ce sujet :
La Première (RTBF) – Transversales (05/04/2014 – 55:00) – Rwanda
RFI – Grand reportage (07/04/2014 – 19:32) – Rwanda : 20 ans après, une colline entre mille
Le premier reportage survole le sujet en proposant différents portraits de Rwandais qui ne se côtoient pourtant pas au quotidien, alors que le reportage de RFI se focalise sur Shironguy, au nord de Kigali, en donnant la parole à ces habitants (un bourreau dans un camp, un autre libéré, une victime, une juge gaçaça) qui aujourd’hui sont dans l’obligation de vivre ensemble sur cette même colline. Un état des lieux éclairant qui rend compte du pire et du meilleur. Définition psychologique et Droit internationalA écouter également l’intéressante table-ronde proposée par Radio Canada. J’y ai entendu, par exemple, une définition psychologique du génocide qui met l’accent sur le fantasme de l’ennemi absolu construit et inventé de toute pièce par un groupe (ici politique), mais également la transgression de l’interdit avec la caution de l’Etat et des intellectuels, lui donnant ainsi une légitimité et une assise théorique. L’émission rappelle aussi les leçons en droit international qu’a provoqué le génocide rwandais, notamment sur le terrain du droit d’ingérence humanitaire, mise entre parenthèses forcée de la souveraineté des Etats.
Radio Canada – Médium large (02/04/2014 – 23:48) – Table ronde des humanistes
Témoignage
Enfin, je termine ce billet par le reportage en deux épisodes de « Là-bas si j’y suis » de Daniel Mermet. Particulièrement bouleversant et terrifiant à la fois, puisqu’il revient sur une émission qui l’avait conduit à découvrir avant tout le monde et en direct (la radio, dans ces cas-là, offre certainement un écran plus large qu’au cinéma, pour paraphraser Orson Wells) le charnier de Nyarubuye, 40 jours après le massacre. Au milieu de centaines de cadavres, il se retrouve nez-à-nez, comme par miracle, avec une survivante de 13 ans, Valentine. 20 après, c’est l’occasion de revenir sur cette rencontre, prendre des nouvelles de cette femme, mais aussi de nous interpeller sur l’indispensable nécessité de chercher inlassablement à comprendre, et par là exiger la vérité.
France Inter – Là-bas si j’y suis (07/04/2014 – 46:40) – Rwanda Valentine (1)
France Inter – Là-bas si j’y suis (08/04/2014 – 45:23) – Rwanda Valentine (2)