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Le CDH : entre souffle de vie et souffle au cœur
À travers le lancement du TomorrowLab, grande séance d’introspection collective, le CDH exprime le souhait de se réinventer et désire « ouvrir les portes et fenêtres du parti » (dixit son président). Après l’apostasie de 2002 (la mort du parti social-chrétien) et la nouvelle signalétique marquant une sortie du religieux, le parti (se) cherche un remède à sa […]
À travers le lancement du TomorrowLab, grande séance d’introspection collective, le CDH exprime le souhait de se réinventer et désire « ouvrir les portes et fenêtres du parti » (dixit son président). Après l’apostasie de 2002 (la mort du parti social-chrétien) et la nouvelle signalétique marquant une sortie du religieux, le parti (se) cherche un remède à sa crise identitaire, une nouvelle raison d’être.
Ainsi, le re-branding entrepris par Joëlle Milquet aura gommé la référence chrétienne du parti sans pour autant déboucher sur une offre politique réellement intelligible, encore moins sur l’incarnation d’un projet de société clairement identifiable.
Des poncifs radicaux-centristes
Au cours des années 2000, se voulant davantage œcuménique (pour attirer les pratiquants d’autres religions), le CDH s’est paradoxalement vidé d’une doxa confessionnelle qui, jusqu’ici, structurait les identités militantes. Le créneau post-matérialiste dont il se targue (et qu’il occupe à l’heure actuelle avec Ecolo) ne débouche sur aucune éolienne, sur aucune sortie du nucléaire ; son crédo politique demeure globalement éthéré.
L’humanisme, le démocratisme (à l’instar du droit-de‑l’hommisme) — valeurs transversales et amplement consensuelles — ne peuvent constituer des marqueurs de différenciation et de congrégation idéologiques pertinents, voire des concepts véritablement mobilisateurs face aux repères axiologiques des autres partis (la libre-entreprise, l’écologie, le nationalisme ou la solidarité transclassiste, pour en citer quelques-uns).
Benoît Lutgen arrivera-t-il enfin à imprimer « radicalement » (pour reprendre un élément de langage usité dès son entrée en fonction) un nouveau cap ? Les mots clés mis en avant par l’opération TomorrowLab (« audace, respect, partage ») demeurent pour le moins flous. De même, gageons que le concept du « développement humain », en tant que différence motrice (le signe distinctif en langage marketing) ne risque pas de déboucher sur des ralliements en masse.
Un selfie en guise de tract
Le re-branding du CDH déboucha en réalité sur un phénomène singulier : la « milquetisation » de la formation centriste, une personnalisation accrue se traduisant par la mise en orbite de Joëlle Milquet dans l’univers select des présidents de partis. Une présidence cathodique en lieu et place de références catholiques.
Même constat au FDF. La formation qui, jusqu’aux récentes sorties de challengeurs du président aux futures élections internes, fut presque intégralement subordonnée à l’aura de son omnipotent leader Olivier Maingain.
Aussi, la milquetisation ne constitue pas en soi une erreur stratégique. Celle-ci s’inscrit dans une tendance plus générale affectant la vie démocratique dans son ensemble : des partis ratissant large, ne rechignant pas à pratiquer la « triangulation » ou le benchmarking (occuper les thèmes des partis concurrents pour leur couper l’herbe sous le pied), des partis soucieux de gagner de nouvelles « parts de marché », des partis qui se vident peu à peu de leur substance militante pour laisser place aux partis-projets mono-incarnés, personnifiés par des individus-marques médiagéniques ; des politiques ayant parfaitement intégré les règles de la médiatisation contemporaine (l’immédiateté, le self-branding, la priorité donnée au registre émotionnel).
Dans ce contexte, et en dépit de l’arrivée de Benoît Lutgen à la tête du parti, Joëlle Milquet demeure de facto la figure de proue des démocrates-humanistes. En résulte une dissonance communicationnelle entre la « marque Milquet » médiatiquement indéboulonnable et un président Lutgen peu disert. Or, pour que le changement de présidence soit définitivement acté, celui-ci doit s’accompagner d’un leadership explicitement discernable.
Peu friand des débats dominicaux, Lutgen continue de réfuter — à raison — « cette idée qu’il faut réagir dans les cinq minutes à un problème, sous peine d’être rejeté aux marges de l’actualité ». Mais à fortiori, le « centrisme-radical », au-delà du positionnement équidistant invérifiable dans les faits récents, pourrait bien davantage désigner cette posture butée, radicalement média-sceptique affichée par le Bastognard. Le « bon sens » est certes affirmé avec rudesse, mais il s’inscrit dans une logique relativement inaudible, ponctuée de petites phrases relevées comme autant de dérapages incontrôlés.
Le contre-exemple du CD&V
En termes de stratégie politique, CDH et CD&V n’en sont pas à un divorce près. Communiant naguère au sein d’une même structure, le CD&V opta pour la préservation de son ADN religieux, dopé d’un «&Vlaams » dédoublant la référence identitaire. Une double-identité vécue en toute harmonie, du désormais intouchable Herman Van Rompuy, catholique pratiquant et diplômé en philosophie thomiste, au président Wouter Beke. Ce dernier déclarait sans fard en mai dernier : « Je suis flamingant. La Flandre est mon biotope naturel ». Les démocrates-chrétiens du nord sont en outre continuellement parvenus à faire émerger des figures de premier plan, à l’image du turbulent Kris Peeters.
Malgré les sacrifices individuels, la solidarité interne fut maintenue — aucun cas Melchior Wathelet (ou Anne Delvaux) n’est ainsi à recenser au CD&V. L’identité et le potentiel d’incarnation demeurent à ce jour intacts, à tel point que le vice-Premier Peeters semble éprouver moult difficultés à rentrer dans le rang gouvernemental. En témoignent les micros-schismes en continu, montés en épingles, censés souligner l’altérité de la formation « de centre-gauche » au sein de l’attelage Michelien (laconiquement rebaptisée MR-N-VA par l’opposition). Un démarquage perpétuel nécessaire à la survie partisane.
En quête de sens
Benoît Lutgen désire dorénavant « incarner la quête de sens ». Or, à côté de la gestion du « brainstorming partisan », il s’agit avant tout de fixer un cap, de « donner du sens ». De même qu’en France, vouloir « re-normaliser » la fonction présidentielle après la séquence sarkozyste constitue l’une des nombreuses erreurs tactiques de François Hollande, le souhait d’un retour au leadership typiquement « démocrate-chrétien » — type ancien PSC (entre impératif de discrétion et célébration du consensus mou) — demeure un vœu pieux pour ne pas dire complètement illusoire. Reste donc à trouver le juste milieu entre la posture anti-comm et la « surcommunication » — un jeu d’équilibriste qui devrait pourtant convenir aux centristes. Encore faut-il sortir du néant propositionnel pour avoir quelque chose à communiquer.
« Le néant n’a point de centre, et ses limites sont le néant », Léonard de Vinci.