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Le boulangisme, avenir de la démocratie

Blog - Anathème - démocratie partis politiques par Anathème

octobre 2016

On l’a sou­vent dit, mais peut-être trop rare­ment, la poli­tique est avant tout une ques­tion de sens des prio­ri­tés. Depuis déjà long­temps, fusent de toute part des cri­tiques à l’adresse de notre per­son­nel diri­geant, l’accusant d’être dépour­vu de vision à long terme, inca­pable de hié­rar­chi­ser les pro­blèmes sociaux et pri­vé de toute forme de convic­tion (autre que celle de la néces­si­té de leur réélec­tion, ce qui, vous en convien­drez, est mieux que rien).

Anathème

Fai­sant fond sur l’adage selon lequel « on a la classe poli­tique qu’on mérite », on est par­fois ten­té de voir dans ces défauts de nos poli­tiques, le reflet de notre propre incon­sé­quence, de notre désa­bu­se­ment et du désordre qui règne dans nos propres pen­sées. Car enfin, ne serait-il pas aisé de poser de bonnes ques­tions, de deman­der des comptes, de refu­ser de prendre des boni­ments pour argent comptant ?

L’espoir, en cette matière, n’est pas per­du, car voi­là que la presse et la toile viennent de s’enflammer et de dénon­cer avec vigueur un impar­don­nable impair : Jean-Fran­çois Copé ne connait pas le prix d’un pain au cho­co­lat ! Supé­fac­tion, scan­dale, scènes de panique, cris d’orfraie, can­ni­ba­lisme, afflux de nou­veaux membres au Par­ti socia­liste fran­çais, aucune réac­tion ne pour­rait être consi­dé­rée comme exa­gé­rée face à ce scan­dale. Enfin, une nation voi­sine se réveille, prête, à nou­veau, à illu­mi­ner le monde de ses Lumières !

La faute est d’autant plus grave qu’elle n’est pas le fait d’un indi­vi­du décon­si­dé­ré et iso­lé, mais bien de M. Copé, à la répu­ta­tion intacte. Certes, il était soup­çon­né d’avoir tru­qué les élec­tions internes de son par­ti et d’avoir été une des che­villes ouvrières de l’affaire Byg­ma­lion ; bien enten­du, il s’était épan­ché sur le « racisme anti-blanc » et avait racon­té des bobards sur des vols de pains au cho­co­lat par des hordes d’allochtones ; en effet, il avait été pris en fla­grant délit de sou­tien à Nadine Mora­no. Peca­dilles que tout cela, peca­dilles qu’il était indigne de relever !

Mais qu’il ne connaisse pas le prix d’un pain au cho­co­lat, voi­là qui est autre chose ! Car, voyez-vous, la gas­tro­no­mie est au cœur de l’identité fran­çaise – comme l’a lui-même rap­pe­lé M. Copé, dans son com­bat contre l’invasion du halal – ; elle est dès lors une chose émi­nem­ment sérieuse dépas­sant de loin la pro­blé­ma­tique ali­men­taire. Or, par­mi les gloires gas­tro­no­miques de la France, sa bou­lan­ge­rie, bien évi­dem­ment, tient une place de choix. Le crois­sant, la baguette, le pain au cho­co­lat sont des ali­ments de base, pour le corps (natio­nal) et l’esprit (de meute). Com­ment pour­rait-on par consé­quent consi­dé­rer comme pré­si­den­tiable un homme inca­pable de jau­ger si le SMIC ou les allo­ca­tions de chô­mage per­mettent un appro­vi­sion­ne­ment suf­fi­sant en pains au cho­co­lat ? Peut-on ima­gi­ner élire un can­di­dat qui ne pour­rait décli­ner, à volon­té, le bud­get de l’État en euros (mon­naie décon­si­dé­rée dont la droite décom­plexée aura tôt fait de se débar­ras­ser) ou en pains au cho­co­lat (devise d’avenir dont l’avènement signe­ra le retour de la sou­ve­rai­ne­té natio­nale et de l’orgueuil du même aca­bit) ? Le scan­dale est patent.
Il est temps de faire taire ceux qui s’acharnent à dénon­cer les sim­plismes de nos poli­tiques, leurs attaques contre les liber­tés fon­da­men­tales, leurs men­songes et leur bêtise volon­taire. Brou­tilles que tout cela ! Certes, il est temps de pur­ger le monde poli­tique, mais pas sur la base de réflexions idéo­lo­giques, ni de ques­tions morales, encore moins de la Conven­tion euro­péenne des droits de l’homme. Cette der­nière, d’ailleurs, ne tar­de­ra pas à être dénon­cée par les États occi­den­taux, comme le pro­mettent de plus en plus de poli­tiques de droite, à l’image de The­re­sa May ou de Fran­çois Fillon.

La ques­tion de la com­pé­tence du per­son­nel poli­tique ? Encore moins ! Que nos ministres n’entravent que dalle aux matières qu’ils jouent à la chaise musi­cale au long de leur inter­mi­nable car­rière, voi­là qui est sans impor­tance ! Que l’on apprenne demain que le ministre des finances ne fait rien contre la fraude fis­cale, que celle de la san­té creuse la tombe des malades, que celui de la mobi­li­té tra­vaille à la pros­pé­ri­té des embou­teillages ou que celui de l’emploi s’applique à rendre invi­vable le peu qu’il en reste, qu’importe !
Il est par contre urgent de véri­fier que les Van Overt­veldt, De Block, Bel­lot ou Pee­ters connaissent le prix d’une couque au beurre, d’une mitraillette-cer­ve­las ou d’un abon­ne­ment illi­mi­té de télé­pho­nie mobile ! Gageons que les citoyens et la presse belges, gal­va­ni­sés par l’exemple de notre grand voi­sin, trou­ve­ront main­te­nant le cou­rage de poser les bonnes ques­tions. Bra­vant les périls, res­sus­ci­tant l’agora antique en mille micro­trot­toirs, osant toutes les ques­tions, ouvrant tous les dos­siers, ils ouvri­ront une nou­velle ère démocratique.

D’ailleurs, ils n’ont pas atten­du, le mou­ve­ment est déjà en route ! Ben­ja­min Maré­chal, te voi­là ! Enfin !

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.