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La fin d’un récit
Munis de leur lorgnette à courte vue, les médias et certains politiques nous ont inondés depuis quelques mois et d’une manière lancinante des méfaits d’une crise financière internationale qui rendrait compte du monde dans lequel nous évoluerions. On affectionne de fêter un peu partout des anniversaires : celui des « subprimes », de la faillite de Lehman-Brothers, des dérives […]

Munis de leur lorgnette à courte vue, les médias et certains politiques nous ont inondés depuis quelques mois et d’une manière lancinante des méfaits d’une crise financière internationale qui rendrait compte du monde dans lequel nous évoluerions. On affectionne de fêter un peu partout des anniversaires : celui des « subprimes », de la faillite de Lehman-Brothers, des dérives de Fortis Banque, etc. Experts et hommes politiques montent au créneau pour raviver quelque part une vieille pensée léniniste et nous mettre en garde, sans se rendre compte, comme le rapportait récemment un dépuré européen, que si le monde financier est devenu fou, largement incompréhensible et n’a jamais relevé du cercle démocratique, la responsabilité en revient non pas d’abord à ce monde, mais d’abord aux États qui l’ont laissé tourné fou.
Un nouveau sens
Cette déréliction nous conduit à nous interroger sur le sens de la marche de ce monde, sur le plus long terme plutôt que sur le court terme. Un constat est de plus en plus évident : depuis que le feu a été éteint sous la casserole à pression de la guerre froide, la plus grande des puissances, que l’on pensait gagnante, a commencé à se déliter. Alors que paradoxalement l’anti-américanisme reste une lame de fonds dans bon nombre d’États du Moyen et du Proche Orient, les États-Unis apparaissent comme un géant aux pieds d’argile. Les tergiversations assez lamentables du président Obama dans le dossier syrien sont une indication très nette de ce que « rien ne va plus » au pays de l’Oncle Sam. L’affaire Snowden comme celle du soldat Bradley Manning sont tout autant d’indicateurs d’une « puissance » quelque peu vermoulue.
Du côté de l’ancien ennemi n°1, le fait majeur est évidemment l’effondrement de l’URSS. Son substitut, la Russie, peine à se faire une place et à s’imposer sur la scène internationale, même si elle a tenté d’y revenir avec le dossier syrien. Ne nous y trompons pas : le tsar Vladimir Poutine est détesté par une bonne partie de la Russie profonde, qu’elle soit ou non nostalgique de l’ancien empire soviétique.
Et puis, il faut le rappeler sans cesse : il y a les « puissances qui montent » comme le Brésil, la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud, mais dont certaines sont absentes d’un Conseil de sécurité obsolète qui n’a plus de légitimité et ne sait plus fort où donner de la tête.
Car parallèlement à cette évolution géopolitique, il y a tous les bruits et les fureurs identitaires dans des pays où l’exclusion et la pauvreté sont la règle, où la démocratie élémentaire ne fait que balbutier, où les tyrans ne sont pas encore morts politiquement et se voilent sous le déguisement d’élections se déroulant dans la peur : Mali, Égypte, Syrie, Congo, Somalie, Ouganda, Rwanda et j’en passe.
Bien sûr, l’Occident n’a pas et ne peut pas se mêler de tout, mais il ne se donne pas les moyens politiques (c’est-à-dire autres qu’humanitaires) pour se mettre au niveau de ce que Jean-François Bayard appelait naguère « la politique par le bas ». On dénonce, on déplore, on condamne et cela donne bonne conscience à des diplomaties fatiguées.
Une Europe toujours en devenir
Et l’Europe dans tout cela ? Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle ne sait pas très bien où elle se trouve. « Puissance moyenne » ou « puissance tranquille », nous disent les politologues avertis ? Il est difficile toutefois de parler en termes de puissance lorsque l’on se trouve en fait devant une construction baroque et hybride qui ne répond plus à son projet politique initial. Des conseils de ministres européens, qui ne rendent aucun compte au législatif européen et très peu aux Parlements nationaux, un président de l’Union européenne flanqué de présidents nationaux exerçant leur mandat à tour de rôle, une Commission qui n’a jamais réussi à se débarrasser de ses oripeaux technocratiques aux yeux de l’opinion publique, une Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité qui a été « volens nolens » réduite à l’impuissance. Le Parlement européen est la seule institution qui a dernièrement acquis de substantiels pouvoirs pour répondre à sa fonction : malheureusement, il doit faire face à un euroscepticisme de plus en plus répandu, y compris dans ses propres rangs.
Mais, on ne doit pas s’y tromper : plus on cherche à « avancer » dans cette construction hybride, plus on se trouve en butte à des hydres populistes et nationalistes comme en Belgique, en Espagne, en France, en Italie, en Roumanie ou en Hongrie. L’Europe reste aussi un lieu où, à travers les élections ou autrement, l’on case des amis politiques qui ont cessé de plaire ou dont on ne sait trop que faire, quand elle n’est pas l’endroit où l’on se planque pour accumuler des rentes ou pour d’autres raisons. Une Europe enfin qui reste largement illisible pour les citoyens.
Çà et là pourtant, un esprit européen qui transcende les composantes nationales et partisanes se dessine quand même, bien que cela ait fait hurler les dogmatiques bien pensant. On a pu ainsi voir des alliances trans-partis se profiler comme celle qui fait se rejoindre le libéral Verhofstadt et le Vert Cohn-Bendit sur la question du fédéralisme européen ou celle d’une association entre le PPE Michel Barnier, les Verts et des socialistes sur la problématique financière. Autant de signaux positifs pour qu’un nouveau récit s’impose à ceux qui préparent les listes pour les prochaines échéances électorales.