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La démocratie : un conte de fées

Blog - Anathème - démocratie État social Violence politique par Anathème

janvier 2017

Long­temps, le monde fut domi­né par la noblesse : sans rang, pas de pou­voir. Long­temps, des for­tunes mar­chandes et indus­trielles se consti­tuèrent à l’écart des châ­teaux, en marge d’un monde régi par les pro­prié­taires ter­riens. Mais, au fil du déve­lop­pe­ment des bourgs qu’elle habi­tait, la bour­geoi­sie sen­tit croitre son ambi­tion. Quand elle fut assez puis­sante et que […]

Anathème

Long­temps, le monde fut domi­né par la noblesse : sans rang, pas de pou­voir. Long­temps, des for­tunes mar­chandes et indus­trielles se consti­tuèrent à l’écart des châ­teaux, en marge d’un monde régi par les pro­prié­taires ter­riens. Mais, au fil du déve­lop­pe­ment des bourgs qu’elle habi­tait, la bour­geoi­sie sen­tit croitre son ambi­tion. Quand elle fut assez puis­sante et que l’Ancien Régime fut suf­fi­sam­ment déca­ti, elle sor­tit du bois et de ses échoppes pour conqué­rir le pouvoir.

Il fal­lait bien s’opposer aux anciens maitres, aus­si était-il com­mode de se réfé­rer à la démo­cra­tie. Liber­té, éga­li­té, fra­ter­ni­té pro­met­taient un nou­veau pou­voir à nul autre pareil. Hélas, on est bien seul au som­met et les bour­geois, à peine assis sur le trône, furent immé­dia­te­ment en butte aux reven­di­ca­tions des misé­reux. Après la jus­tice impar­tiale et les liber­tés fon­da­men­tales, il fal­lait le suf­frage uni­ver­sel, puis l’égalité maté­rielle, et la jus­tice sociale, et la sécu­ri­té sociale… Vint donc le temps des com­pro­mis, de l’approfondissement de la démo­cra­tie par l’État social.

Quel lourd far­deau que la démo­cra­tie ! Lourd, mais utile lorsqu’une lueur se levait à l’Est et que s’affirmait une puis­sance tota­li­taire et uni­ver­sa­liste qui ambi­tion­nait de ren­ver­ser le doux pou­voir des bour­geois. Plus que jamais, face à l’URSS, il fal­lait mon­trer la supé­rio­ri­té morale de la bour­geoi­sie, elle qui avait fon­dé des régimes démo­cra­tiques : plu­ra­listes, redis­tri­bu­tifs, tolé­rants, humains…

Bien­ve­nue aux boat people ! Vive les droits de l’homme ! Faites l’amour, pas la guerre ! Comme elle était gri­sante, cette époque où tout révol­té était notre ami, où nous appli­quions avec lar­gesse le droit d’asile, où nous por­tions la liber­té d’expression en ban­dou­lière ! Quelle for­mi­dable arme que cette démo­cra­tie et son cor­tège de droits fon­da­men­taux, de droits éco­no­miques et sociaux, notre pro­di­ga­li­té n’avait d’égal que notre enthousiasme.

Nous fûmes d’ailleurs si géné­reux et ver­tueux que l’Empire du mal s’effondra, nous lais­sant seuls maitres sur le ter­rain. Or, que nous enseigne l’Histoire ? Que l’acquisition et l’entretien d’une arme ne se jus­ti­fient que le temps de vaincre un enne­mi. Sitôt la menace dis­pa­rue, il est dérai­son­nable de conti­nuer de finan­cer de cou­teux sys­tèmes plu­tôt que de lais­ser l’argent dans les poches des puis­sants. Certes, si l’arme per­met de faire vivre un com­plexe mili­ta­ro-indus­triel, on peut se mon­trer souple, mais lorsque ce n’est pas le cas…

Aus­si faut-il qu’aujourd’hui l’enthousiasme cède le pas à la luci­di­té. Nous devons admettre que nous n’avons plus usage de la démo­cra­tie et que cette force du pas­sé pour­rait bien être notre fai­blesse de demain. Lorsque les Russes pré­ten­daient œuvrer au bien du pro­lé­ta­riat, il nous fal­lait défendre la liber­té de tous. Bien enten­du ! Mais aujourd’hui que plus per­sonne ne riva­lise avec nous sur ce ter­rain, à quoi bon conti­nuer d’accueillir des hordes de réfu­giés mal­odo­rants, d’aider des contin­gents de pauvres dont la seule uti­li­té — être l’objet de notre sol­li­ci­tude — a dis­pa­ru, d’entretenir de cou­teux appa­reils de jus­tice, de sécu­ri­té sociale ou de redis­tri­bu­tion des richesses, de réfré­ner les pul­sions vio­lentes de nos élites, de polir notre lan­gage, bref, de jouer aux huma­nistes démo­crates ? À quoi bon ?

Rap­pe­lons-nous en effet que la seule ver­tu d’un dis­po­si­tif est sa capa­ci­té à pro­cu­rer un avan­tage com­pé­ti­tif sur nos rivaux. Cette ver­tu, la démo­cra­tie l’a perdue.
Au diable les scru­pules ! Pour­sui­vons le déman­tè­le­ment de la sécu­ri­té sociale, du droit d’asile, de la jus­tice fis­cale, de l’idée même de ser­vice public et de tout ce qui, à grands frais, faci­li­tait l’accès des plus faibles à une vie digne et bonne. Nous avons désor­mais mieux à faire de nos res­sources. Aban­don­nons la démo­cra­tie, ces­sons de nous en récla­mer, on ne nous en demande plus tant !

N’ayons du reste pas de regrets : l’histoire qui se clô­ture est un beau conte de fées. Elle est celle d’une longue quête, d’un com­bat achar­né contre un enne­mi ter­rible et d’une écla­tante vic­toire. Elle se ter­mine même sur un hap­py end, le che­va­lier pou­vant aban­don­ner son équi­page pour retour­ner à une vie pai­sible consa­crée à la défense de ses inté­rêts égoïstes que, désor­mais, plus rien ne menace vraiment.
Que deman­der de plus ?

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.