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La démocratie ne promet pas le Paradis

Blog - Le dessus des cartes par Bernard De Backer

mai 2015

Le débat sur la « radi­ca­li­sa­tion » et l’actualité à flux conti­nu, qui nous occu­pe­ra sans doute un cer­tain temps, nous incite à repu­blier un article par ailleurs congruent avec le cadre de ce blog. Publié une pre­mière fois en novembre 2001 par la revue Ima­gine, dans une ver­sion légè­re­ment plus courte, ce texte retrace suc­cinc­te­ment les fon­de­ments et la généa­lo­gie de l’islamisme, en lien avec d’autres mou­ve­ments radi­caux oppo­sés à la moder­ni­té démo­cra­tique. Nous le dif­fu­sons ici dans sa ver­sion plus com­plète, avec quelques ajus­te­ments. Même si le sala­fo-baa­sisme de Daech, notam­ment, semble sup­plan­ter Al-Qaï­da, les causes struc­tu­relles de l’islamisme et de sa récep­tion dans le monde musul­man nous paraissent rele­ver de la même dyna­mique « géo-reli­gieuse ». Cette der­nière n’est sans doute pas la seule à l’œuvre, mais nous serions bien aveugles de pas tenir compte de ses moti­va­tions croyantes en nous limi­tant aux seuls fac­teurs éco­no­miques ou socio­po­li­tiques. La réfé­rence au « Para­dis » fait bien enten­du écho à celui qui avait été garan­ti aux pirates de l’air par Ben Laden, mais éga­le­ment aux pro­messes des « reli­gions sécu­lières » du XXe siècle — bien que seule­ment sur terre dans leur cas. Pré­ci­sons que l’arabisant Yahya Michot, que nous évo­quons ici, spé­cia­liste et tra­duc­teur du théo­lo­gien sun­nite han­ba­lite Ibn Tay­miyya, après avoir été exclu de Lou­vain-la-Neuve et d’Oxford, vit et enseigne aujourd’hui aux États-Unis, sur cette terre tant exé­crée par le Frère musul­man Sayyid Qutb.

Le dessus des cartes

Les atten­tats du 11 sep­tembre, qui appa­raissent comme le fait de réseaux isla­mistes liés à Ben Laden et/ou à des groupes saou­diens dis­si­dents, ont fait l’objet de diverses ana­lyses dans les médias. Selon la grille de lec­ture des auteurs, les faits ont été tan­tôt attri­bués au fana­tisme et à la haine de quelques déviants de l’islam, à la pul­sion de mort d’une secte apo­ca­lyp­tique, au nihi­lisme abso­lu, à une révolte des pauvres et des domi­nés par mil­liar­daire inter­po­sé, aux manœuvres du com­plexe mili­ta­ro-indus­triel amé­ri­cain, etc. Dans cer­tains cas, on accorde quelque atten­tion à la logique reli­gieuse et aux filia­tions idéo­lo­giques qui les ont inci­tés et légi­ti­més. Enfin, une cer­taine paren­té avec d’autres mou­ve­ments radi­caux de rejet de la moder­ni­té poli­tique est par­fois évo­quée mez­za voce. C’est cette der­nière piste expli­ca­tive que je vou­drais appro­fon­dir ici — étant bien enten­du qu’un tel sujet néces­si­te­rait de plus amples déve­lop­pe­ments. Que le lec­teur consi­dère donc cet essai comme une ten­ta­tive d’élargissement de la réflexion à par­tir des évè­ne­ments du 11 sep­tembre, pre­nant le risque d’établir par­fois de sur­pre­nantes et désa­gréables parentés.

Retour à la source

L’islamisme1 est né dans les socié­tés musul­manes mises bru­ta­le­ment en contact avec le pou­voir dis­sol­vant et exo­gène de la moder­ni­té occi­den­tale, par la colo­ni­sa­tion ou la laï­ci­sa­tion natio­na­liste impo­sée par des régimes auto­ri­taires, après la Pre­mière Guerre mon­diale (Atatürk abo­lit le cali­fat sun­nite en 1924). De manière presque simul­ta­née, des mou­ve­ments voient le jour au Proche-Orient (Has­san al-Ban­na fonde les Frères musul­mans au Caire en 1928) ou dans l’Empire bri­tan­nique des Indes (Muham­mad Ilyas crée le Tabligh en 1927 et Maw­dou­di le Jamaat i‑Islami, dans la fou­lée du mou­ve­ment déoban­di, fon­dé en 1867, dont seront issus les tali­bans). Une réac­tion plus ancienne avait déjà eu lieu au XVIIIe siècle, dans l’actuelle Ara­bie saou­dite où elle consti­tue tou­jours la moda­li­té domi­nante de l’is­lam, le wah­ha­bisme. Ce der­nier est ins­pi­ré des écrits du juris­con­sulte et théo­lo­gien han­ba­lite2 « rigo­riste » du XIIIe siècle, Ibn Tay­miyya, qui consti­tue par ailleurs la réfé­rence obli­gée de la plu­part des mou­vances isla­mistes, dont celle d’Oussama Ben Laden.

Le point com­mun de tous ces mou­ve­ments est de consti­tuer une réac­tion anti-moder­niste et anti-occi­den­tale, consi­dé­rant que la situa­tion d’infériorité du monde musul­man n’est pas la consé­quence d’un trop d’islam ou d’un islam mal adap­té, mais bien d’un trop peu d’islam. En bref, les mou­ve­ments isla­mistes nais­sants prônent un « retour à la source » de l’islam, y com­pris la res­tau­ra­tion de la mythique com­mu­nau­té (Umma) ori­gi­nelle des croyants, celle qui aurait pré­va­lu sous le Pro­phète et les pre­miers califes « bien ins­pi­rés ». Ce qui est reje­té, cepen­dant, ce ne sont pas les pro­duc­tions maté­rielles, scien­ti­fiques et tech­niques de la révo­lu­tion indus­trielle, mais bien les trans­for­ma­tions induites dans le champ de la régu­la­tion sociale, des mœurs, des rela­tions entre le poli­tique et le reli­gieux, du sta­tut de l’individu, de la culture, etc. Plus fon­da­men­ta­le­ment, c’est l’autonomie des socié­tés modernes par rap­port à tout fon­de­ment divin qui appa­raît insoutenable.

Selon les isla­mistes (mais pas seule­ment), une com­mu­nau­té orga­nique et hété­ro­nome, régie de manière par­faite par les lois de Dieu, aurait exis­té dans les pre­miers temps de la Révé­la­tion (VIIe siècle)3. C’est la perte de cette com­mu­nau­té idéale des ori­gines qui aurait replon­gé le monde musul­man dans la jahi­liyya, l’ignorance (ou la bar­ba­rie) antéis­la­mique. Il appa­raît dès lors impé­ra­tif à leurs yeux de renouer avec l’islam ori­gi­nel pour com­battre cette déchéance et reprendre la « direc­tion de l’humanité » après la faillite de l’Occident. Car la moder­ni­té occi­den­tale est née dans le monde judéo-chré­tien, au sein d’un uni­vers reli­gieux qui est consi­dé­ré comme une étape anté­rieure et incom­plète de la Révé­la­tion mono­théiste (dont l’Islam serait l’aboutissement), par ailleurs res­pon­sable de la déca­dence morale de l’Occident qui risque de conta­mi­ner le monde musulman. 

Par consé­quent, le pro­jet ultime des isla­mistes est non seule­ment de res­tau­rer la pure­té ori­gi­nelle de l’Islam dans les pays musul­mans « impies », mais, au-delà, d’étendre le dar al-islam à la terre entière, de trans­for­mer l’humanité en « Umma­ni­té », comme en témoigne ce pro­pos qui inau­gure le livre culte des Frères musul­mans, Jalons sur la route de l’islam, de Sayyid Qutb : « Une autre direc­tion de l’humanité s’impose ! La direc­tion de l’humanité par l’Occident touche à sa fin, non parce que la civi­li­sa­tion occi­den­tale a fait faillite sur le plan maté­riel […] mais parce que le monde occi­den­tal a rem­pli son rôle et épui­sé son fonds de valeur qui lui per­met­tait d’assurer la direc­tion de l’humanité […] L’islam seul est pour­vu de ces valeurs et de cette ligne de conduite ». 

Postérité

La pos­té­ri­té de ce renou­veau isla­miste de l’entre-deux-guerres sera consi­dé­rable : une nébu­leuse de mou­ve­ments, ins­pi­rés du pié­tisme carac­té­ris­tique du Tabligh ou du pro­jet révo­lu­tion­naire des Frères musul­mans, se pro­pa­ge­ra après la Seconde Guerre mon­diale. La par­ti­tion de l’Inde et la créa­tion du Pakis­tan (1947) seront lar­ge­ment ins­pi­rées par Maw­dou­di, une résis­tance aux régimes laïcs et mar­xi­sants arabes (Égypte, Algé­rie, Syrie, Irak…) se déve­lop­pe­ra dans les années 1950 et 1960, fai­sant plu­sieurs « mar­tyrs » par­mi les Frères musul­mans (dont le fon­da­teur Has­san al-Ban­na, assas­si­né par la police secrète égyp­tienne, et l’idéologue Sayyid Qutb, pen­du par Nas­ser). L’échec éco­no­mique, l’émergence d’une nom­breuse géné­ra­tion de jeunes urbains pauvres et déra­ci­nés, ain­si que d’une bour­geoi­sie pieuse reje­tant l’idéologie natio­na­liste, vont pré­ci­pi­ter la mon­tée en puis­sance de l’islamisme, culmi­nant avec la révo­lu­tion ira­nienne de 1979. La même année, l’URSS enva­hit l’Afghanistan, nour­ris­sant le ter­reau du jihad.

On ne pour­ra pas retra­cer ici les nom­breuses et com­plexes péri­pé­ties, autant locales que glo­bales, qui abou­tirent à une radi­ca­li­sa­tion inter­na­tio­na­li­sée de l’islamisme (ce que cer­tains appellent le néo-fon­da­men­ta­lisme) autour de la ques­tion afghane et de la guerre du Golfe. La filia­tion du mou­ve­ment d’Oussama Ben Laden à l’islamisme né dans les années 1930 ne fait cepen­dant guère de doute. Le « Maître et guide révé­ré » de Ben Laden, Abdul­lah Azzam, est un ancien mili­tant du Fatah ral­lié aux Frères musul­mans et adepte des thèses radi­cales de Sayyid Qutb. Azzam aurait été le pro­fes­seur de Ben Laden en matières isla­miques à l’université de Djed­da, en même temps que Moham­med Qutb, le propre frère de Sayyid. 

Plus récem­ment et plus près de nous, l’«affaire Michot » – du nom d’un ara­bi­sant de l’UCL conver­ti à l’islam, ex-pré­sident du conseil consul­ta­tif des musul­mans de Bel­gique et spé­cia­liste d’Ibn Tay­miyya – a pu mon­trer la pré­gnance de l’islamisme auprès de cer­tains conver­tis euro­péens4. C’est lui qui, sou­ve­nons-nous, se cachait très pro­ba­ble­ment sous le pseu­do­nyme de Nas­red­dine Leba­te­lier, auteur d’une tra­duc­tion de la fat­wa sur le Sta­tut des moines d’Ibn Tay­miyya jus­ti­fiant le meurtre de moines chré­tiens non reclus en terre d’islam, publiée en 1997 « en réfé­rence à l’affaire de Tibé­hi­rine ». Cette tra­duc­tion était pré­cé­dée d’une très longue intro­duc­tion dans laquelle l’auteur com­men­tait, notam­ment, le com­mu­ni­qué n°43 du GIA rela­tif à l’enlèvement (sui­vi de l’exécution) des moines trap­pistes de Tibé­hi­rine (Algé­rie), pour conclure sur ce point : « À se réfé­rer à la mona­cho­lo­gie clas­sique de l’islam, on voit par consé­quent dif­fi­ci­le­ment com­ment il serait pos­sible de dénon­cer beau­coup d’irrégularité, déviance ou inno­va­tion cano­nique dans le com­mu­ni­qué n°43 du GIA ».

Forclusion du politique et violence purificatrice

Si l’on prend la peine d’analyser le modèle cultu­rel de l’islamisme (sun­nite et chiite)5, on ne peut qu’être frap­pé par les homo­lo­gies entre la matrice idéo­lo­gique qui lui donne sens et celle que l’on retrouve dans d’autres réac­tions « anti-modernes » que l’on a connues, notam­ment en Europe. Comme nous l’avons vu, l’islamisme ne rejette pas les sciences et les tech­niques, pas plus que la puis­sance maté­rielle de l’Occident. Ce qui lui est insup­por­table, c’est la perte du fon­de­ment méta-social de l’organisation sociale et des règles de vie qui lui sont direc­te­ment asso­ciées. Le poli­tique au sens moderne (gou­ver­ne­ment auto­nome et incer­tain de la socié­té par elle-même) est lit­té­ra­le­ment for­clos d’une telle concep­tion, dans la mesure où les prin­cipes de la Cité sont conte­nus dans la Révé­la­tion et que la réa­li­sa­tion de la Cité idéale est la fin – au double sens du mot – de l’Histoire.

Ce qui peut fas­ci­ner dans cette vision du monde « totale » et expli­quer son suc­cès auprès de jeunes géné­ra­tions urba­ni­sées, éco­no­mi­que­ment mar­gi­na­li­sées et cultu­rel­le­ment déso­rien­tées, c’est à la fois son ancrage dans une tra­di­tion, sa légi­ti­mi­té per­çue comme trans­cen­dante, la pro­messe inouïe qu’elle véhi­cule et le sens qu’elle donne au mal­heur du temps. On peut de ce point de vue remar­quer une cer­taine paren­té entre isla­misme, mar­xisme révo­lu­tion­naire et fas­cisme6 : haine de la divi­sion et de l’incertitude propre à la moder­ni­té, nos­tal­gie de la com­mu­nau­té orga­nique véri­table, pos­tu­lat que l’aventure humaine a un sens et un seul, croyance dans la Cité idéale par­faite, néces­si­té d’expulser ceux qui souillent la pure­té ou entravent son avè­ne­ment… Face à une telle pro­messe, tous ceux qui s’opposent au pro­jet poli­tique des « accou­cheurs de l’Histoire » doivent être éli­mi­nés d’une manière ou d’une autre (la conver­sion ou la per­sua­sion étant la manière douce). En fonc­tion des groupes et des cir­cons­tances, cette concep­tion apo­ca­lyp­tique de l’action poli­tique pour­ra débou­cher sur des formes vio­lentes et ter­ro­ristes, n’épargnant pas la vie de civils innocents. 

Par­mi de mul­tiples exemples, on pour­ra évo­quer le fameux « décret des otages » (1919), dans lequel un com­mis­saire du gou­ver­ne­ment bol­che­vique, Léon Trots­ki, auto­ri­sait la prise d’otage et éven­tuel­le­ment la mise à mort des familles de ceux qui s’opposent à la Révo­lu­tion7. La même année, on pou­vait lire dans le jour­nal de la Tche­ka de Kiev, Le Glaive rouge : « Notre mora­li­té n’a pas de pré­cé­dent, notre huma­ni­té est abso­lue car elle repose sur un nou­vel idéal : détruire toute forme d’oppression et de vio­lence. Pour nous tout est per­mis, car nous sommes les pre­miers au monde à lever l’épée non pas pour oppri­mer et réduire en escla­vage, mais pour libé­rer l’humanité de ses chaînes. Du sang ? Que le sang coule à flots ! Puisque seul le sang peut colo­rer à tout jamais le dra­peau noir de la bour­geoi­sie pirate en éten­dard rouge, dra­peau de la Révo­lu­tion. Puisque seule la mort finale du vieux monde peut nous libé­rer à tout jamais du retour des cha­cals »8.

À un niveau plus pro­fond d’analyse, les affi­ni­tés élec­tives avec de nom­breux mou­ve­ments mil­lé­na­ristes qui ont tra­ver­sé l’histoire, autant en Occi­dent qu’en Orient (y com­pris dans cer­taines sectes contem­po­raines, où les « Veilleurs de l’Apocalypse » ne manquent pas) indiquent l’ancrage struc­tu­ral du phé­no­mène, inti­me­ment lié à ce qui fait, me semble-t-il, le cœur de la condi­tion humaine : sépa­ra­tion irré­mé­diable avec l’unité ori­gi­nelle, perte du sens ultime et inac­ces­si­bi­li­té du fon­de­ment. L’assomption de cette perte et de ses consé­quences, autant au niveau indi­vi­duel que col­lec­tif, consti­tue un « tra­vail de deuil » dont nous ne sommes visi­ble­ment pas sortis. 

Il est dès lors à craindre que dans un uni­vers social embar­qué dans la folle course de la mon­dia­li­sa­tion inéga­li­taire et de l’hyper-modernité – dont les effets dis­sol­vants érodent les réfé­rents cultu­rels et reli­gieux de la plu­part des socié­tés – les retours de mani­velle de l’increvable espé­rance mil­lé­na­riste ne fassent encore quelques ravages. Cer­taines situa­tions sociales et éco­no­miques peuvent les favo­ri­ser, mais elles ne sont pas seules en cause. Elles peuvent même par­fois en être la conséquence.

  1. Ce mot signi­fiait « reli­gion musul­mane » jusqu’à la fin des années 1970. Des cher­cheurs occi­den­taux ont ensuite uti­li­sé le terme pour dési­gner une idéo­lo­gie poli­ti­co-reli­gieuse appe­lant à construire une socié­té dont tous les aspects seraient sou­mis aux pré­ceptes de la loi isla­mique – tota­li­té indi­vise reflé­tant l’unicité des croyants et de Dieu lui-même. La place me manque pour dis­tin­guer ici « isla­misme » de « fon­da­men­ta­lisme », « tra­di­tio­na­lisme » ou « inté­grisme ». Il fau­drait éga­le­ment dis­tin­guer le sun­nisme du chiisme, voire du kha­ri­jisme. Le lec­teur trou­ve­ra un déve­lop­pe­ment de ces notions dans l’ouvrage de Lam­chi­chi, L’islamisme poli­tique, L’Harmattan, 2001.
  2. Le han­ba­lisme est une école juri­dique sun­nite fon­dée par Ibn Han­bal (780 – 855). Elle a pour carac­té­ris­tique de refu­ser toute prise en compte du contexte his­to­rique de la nais­sance de l’islam et d’appeler à une appli­ca­tion lit­té­rale du texte cora­nique, sans pos­si­bi­li­té de l’interpréter. Le han­ba­lisme est par­fois consi­dé­ré comme « le pre­mier isla­misme ». Ibn Tay­miyya (1263 – 1328) est un de ses repré­sen­tants les plus influents aujourd’hui.
  3. Comme l’écrit celui qui est pré­sen­té par Roger-Pol Droit comme le « maître à pen­ser de l’islamisme radi­cal », Sayyid Qutb (un intel­lec­tuel égyp­tien deve­nu Frère musul­man après un séjour aux États-Unis en 1948, où il fut notam­ment cho­qué par la « liber­té bes­tiale » des femmes) au sujet de cette époque mythique : «…la foi n’a pas pris la forme ni d’une “théo­rie”, ni d’une “théo­lo­gie”, ni même la forme d’une rhé­to­rique. Mais d’une sym­biose vitale et d’une forme orga­nique régis­sant la vie, et repré­sen­tée dans le groupe même des musul­mans » (dans Jalons sur la route de l’islam).
  4. Phé­no­mène qui, soit dit en pas­sant, nous montre a contra­rio que le pou­voir attrac­tif de l’islamisme ne s’exerce pas seule­ment auprès des couches sociales défa­vo­ri­sées du tiers-monde, comme une expli­ca­tion maté­ria­liste sim­pliste vou­drait nous le faire croire.
  5. Notons que Kho­mey­ni véné­rait la mémoire de Sayyid Qutb, et que l’I­ran chiite a émis un timbre à son effigie.
  6. Cette paren­té avait été bien per­çue par Vla­di­mir Bar­tol, un écri­vain slo­vène né à Trieste, qui, en 1938, publia un roman, Ala­mut, ins­pi­ré de la fameuse secte ismaé­lienne des « Assas­sins », dont le modus ope­ran­di est très proche des réseaux de Ben Laden. Écrit dans la capi­tale slo­vène cer­née par le fas­cisme ita­lien, le nazisme autri­chien et le sta­li­nisme des com­mu­nistes locaux, le roman était une ruse pour dénon­cer les tota­li­ta­rismes de l’époque.
  7. Posi­tion qu’il assu­me­ra et défen­dra en 1938, dans un pam­phlet inti­tu­lé Leur morale et la nôtre.
  8. Kras­nyi Metch (Le Glaive rouge) n°1, 18 août 1918, cité par Nico­las Werth, « Un État contre son peuple. Vio­lences, répres­sions, ter­reurs en Union sovié­tique » (dans Le livre noir du com­mu­nisme, p. 117).

Bernard De Backer


Auteur

sociologue et chercheur