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L’uniforme : un nouveau défi pour l’enseignement

Blog - Anathème - école par Anathème

juillet 2014

L’éclatement des com­pé­tences entre l’État fédé­ral et une mul­ti­tude d’entités fédé­rées rend vain l’espoir de la pour­suite de poli­tiques cohé­rentes et concer­tées. Nous l’avons assez regret­té pour nous réjouir quand sur­vient un chan­ge­ment posi­tif. Finan­cer la recherche aux niveaux fédé­ral et régio­nal, mais les uni­ver­si­tés au niveau com­mu­nau­taire, gérer les allo­ca­tions fami­liales via les Communautés, […]

Anathème

L’éclatement des com­pé­tences entre l’État fédé­ral et une mul­ti­tude d’entités fédé­rées rend vain l’espoir de la pour­suite de poli­tiques cohé­rentes et concer­tées. Nous l’avons assez regret­té pour nous réjouir quand sur­vient un chan­ge­ment positif.

Finan­cer la recherche aux niveaux fédé­ral et régio­nal, mais les uni­ver­si­tés au niveau com­mu­nau­taire, gérer les allo­ca­tions fami­liales via les Com­mu­nau­tés, mais à Bruxelles, par le tru­che­ment de la Com­mis­sion com­mu­nau­taire com­mune, écar­te­ler l’enseignement entre la for­ma­tion (régio­nale) et les écoles (com­mu­nau­taire), l’espoir est faible de mener des réformes ambi­tieuses lorsque cha­cun ne maî­trise qu’un minus­cule champ de compétences.

Les esprits cha­grins s’en réjoui­ront, rap­pe­lant que, si la Bel­gique a échap­pé au pire de la crise, c’est parce qu’elle était dépour­vue de gou­ver­ne­ment fédé­ral au moment cru­cial et qu’il ne fut pas pos­sible aux libé­raux de détruire notre éco­no­mie autant qu’ils le firent dans d’autres pays euro­péens. Certes.

Il n’en demeure pas moins qu’il est dif­fi­ci­le­ment envi­sa­geable de conti­nuer, à long terme, à se pas­ser d’une direc­tion ambi­tieuse des affaires publiques. Faut-il pour autant refé­dé­ra­li­ser, comme on dit en notre char­mant pays ? Sans doute existe-t-il d’autres solu­tions que le simple retour en arrière.

Ain­si, la consti­tu­tion du nou­veau gou­ver­ne­ment de la Com­mu­nau­té fran­çaise (apo­cry­phe­ment appe­lée Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles et, affec­tueu­se­ment, Fédé­wal­bru) laisse entre­voir une nou­velle pers­pec­tive : celle de la chaise musi­cale. Jusqu’à pré­sent, le par­cours d’un homme poli­tique belge, fut majo­ri­tai­re­ment de pas­ser du niveau local au régio­nal ou com­mu­nau­taire, puis au fédé­ral, avant de cou­ler une retraite pai­sible à l’échelon euro­péen. À chaque étape, il aban­don­nait tout inté­rêt pour les matières qu’il gérait pré­cé­dem­ment, heu­reux d’accéder aux éche­lons supé­rieurs du pouvoir.

Or, nous venons d’apprendre que Mme Mil­quet, poin­ture poli­tique natio­nale s’il en est, s’apprêtait à pas­ser du fédé­ral au com­mu­nau­taire. Elle ces­se­ra donc d’être ministre de l’Intérieur (en affaires cou­rantes) pour deve­nir ministre (com­mu­nau­taire) de l’enseignement et de la culture. Plu­tôt que de conce­voir son apport à la direc­tion de notre pays de manière séquen­tielle, elle s’est décla­rée favo­rable à une accu­mu­la­tion des savoirs et à l’exploitation de son par­cours per­son­nel pour faire dia­lo­guer les dif­fé­rentes auto­ri­tés du pays. Ain­si, plu­tôt que de pra­ti­quer la poli­tique de la terre brû­lée qui veut que l’on coupe tous les ponts avec l’administration que l’on quitte et que l’on vide le cabi­net avant de par­tir, elle a annon­cé des mesures en matière d’enseignement qui tire­ront les leçons de son expé­rience à l’Intérieur.

Une de ces pre­mières mesures concer­ne­ra la for­ma­tion des poli­ciers. En accord avec son suc­ces­seur, Mme Mil­quet œuvre­ra à la mise sur pied de cours adap­tés à la situa­tion actuelle des ser­vices de police. C’est ain­si que seront dis­pen­sées dès sep­tembre des leçons por­tant sur le res­pect des droits de l’homme, sur le droit à mani­fes­ter, sur l’usage pro­por­tion­né de la vio­lence phy­sique, sur le res­pect de la digni­té des per­sonnes et sur le concept de ser­vice public comme ser­vice ren­du à la popu­la­tion. Des cours d’éducation civique seront éga­le­ment dis­pen­sés, de même qu’une sen­si­bi­li­sa­tion au sort des vic­times de racismes et de dis­cri­mi­na­tions et qu’une for­ma­tion au secou­risme et à l’assistance aux per­sonnes en danger.

Pre­nant acte de ce que les pro­blèmes de for­ma­tion des poli­ciers ne concer­naient pas que leur inca­pa­ci­té à rédi­ger des pro­cès-ver­baux dans une des variantes offi­cielles du fran­çais, Mme Mil­quet déve­lop­pe­ra ce qu’elle nomme elle-même « une approche démo­cra­tique, huma­niste, trans­ver­sale et concer­tée des com­pé­tences com­mu­nau­taires en matière d’enseignement. »

Ce pro­jet-pilote ser­vi­ra de test avant, espère la ministre, de pou­voir pro­po­ser au Comi­té P des for­ma­tions visant « à lui per­mettre de jouer enfin le rôle qui lui est dévo­lu dans le cadre de notre État démocratique ».

Il faut ici saluer le carac­tère vision­naire de Mme Mil­quet, ain­si que sa façon toute par­ti­cu­lière de « faire entrer la police à l’école », bien plus posi­tive que celle de ses pré­dé­ces­seurs. Gageons aus­si que ce sera l’occasion d’une réflexion dépas­sion­née sur la place de l’uniforme à l’école.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.