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L’hindouisme politique au travail

Blog - Le dessus des cartes par Bernard De Backer

novembre 2015

Pen­dant que nous avons les yeux rivés sur les sou­bre­sauts du monde ara­­bo-musul­­man, l’Union indienne vit à sa manière un redé­ploie­ment de ses ten­sions iden­ti­taires face à l’islam, à l’héritage colo­nial et à la par­ti­tion de 1947. Si l’évènement qui pro­vo­qua une cris­tal­li­sa­tion majeure de l’hindouisme poli­tique, la « bataille d’Ayodhya », date d’il y a plus de vingt ans, la victoire […]

Le dessus des cartes

Pen­dant que nous avons les yeux rivés sur les sou­bre­sauts du monde ara­bo-musul­man, l’Union indienne vit à sa manière un redé­ploie­ment de ses ten­sions iden­ti­taires face à l’islam, à l’héritage colo­nial et à la par­ti­tion de 1947. Si l’évènement qui pro­vo­qua une cris­tal­li­sa­tion majeure de l’hindouisme poli­tique, la « bataille d’Ayodhya », date d’il y a plus de vingt ans, la vic­toire élec­to­rale en mai 2014 du par­ti natio­na­liste hin­dou — le Bha­ra­tiya Jana­ta Par­ty — lui four­nit de nou­veaux leviers d’action. Bref sur­vol des che­mins tor­tueux qui oscil­lent entre Bri­tish Raj, Ram­raj et Swa­raj, le régime bri­tan­nique, le règne du Dieu Rama et le gou­ver­ne­ment par soi-même.

L’Union Indienne (« Bha­rat Gana­ra­jyá »)1 sera bien­tôt le pays le plus peu­plé du monde, les démo­graphes nous l’assurent. Et elle le res­te­ra pen­dant long­temps, les dyna­miques démo­gra­phiques ayant une puis­sance d’inertie consi­dé­rable. Cette pers­pec­tive est contem­po­raine d’un glis­se­ment poli­tique éga­le­ment de taille, enta­mé sym­bo­li­que­ment en 1992 par la bataille autour de la mos­quée de Babur, située à Ayod­hya2 dans le nord de l’Inde. Il s’incarne dans la déroute du par­ti du Congrès, de son pro­jet poli­tique « sécu­la­riste » et socia­liste, cher à Neh­ru, et dans la mon­tée en puis­sance du natio­na­lisme hin­dou incar­né par le Bha­ra­tiya Jana­ta Par­ty (BJP, « Par­ti du peuple indien »). Le BJP est arri­vé au pou­voir pour la pre­mière fois au niveau fédé­ral en 1998 avec 182 sièges sur 545 à la Chambre basse, la seconde fois en 1999 (élec­tions anti­ci­pées) avec le même nombre de sièges, et la troi­sième fois en 2014 avec 282 sièges, soit 100 de plus qu’en 1998. Il ne dis­pose cepen­dant que de 48 sièges sur 245 à la Chambre haute ou « Conseil des États ». D’où l’importance des élec­tions régio­nales — les États dési­gnant les membres du Conseil — sur­tout au Bihar en ce début novembre 2015. Le BJP reven­dique plus de 100 mil­lions d’adhérents, ce qui en fait le par­ti le plus impor­tant au monde.

Signes, filiations et fondements

La super­po­si­tion sans équi­voque de l’identité hin­douiste du par­ti au lotus cou­leur safran et de son nom offi­ciel de Par­ti du peuple indien livre un mes­sage clair : la seule reli­gion ou culture légi­time des habi­tants du sous-conti­nent est ce que nous nom­mons l’hindouisme, Sana­ta­na Dhar­ma ou « Loi éter­nelle » en sans­krit. Les citoyens indiens adeptes des reli­gions « impor­tées » (sur­tout l’islam et le chris­tia­nisme ; les boud­dhisme, jaï­nisme et sikhisme étant consi­dé­rés comme des reli­gions de souche indienne) sont invi­tés à faire allé­geance à l’hindouité (Hin­dut­va) comme culture et mode de vie domi­nant, sans pour autant devoir renon­cer à leur reli­gion, même s’ils y sont par­fois invi­tés. Ce qui signi­fie que pour le BJP, actuel­le­ment au pou­voir pour la troi­sième fois, le socle de l’identité indienne est consti­tué par l’hindouisme, son fon­de­ment sacré, sa culture, son mode de vie et ses valeurs. 

Il s’agit d’un glis­se­ment cultu­ra­lo-reli­gieux d’une impor­tance consi­dé­rable, l’égalité des reli­gions devant l’Etat, incar­née par le « sécu­la­risme » de Neh­ru, Pre­mier ministre de l’indépendance (1947) jusqu’à sa mort (1964), étant reje­tée. De nom­breux signes, évè­ne­ments et actes poli­tiques en témoignent : créa­tion d’un minis­tère du Yoga, que­relles au sujet de la pré­sence d’abattoirs pour vaches, trans­for­ma­tion du musée consa­cré à Neh­ru avec la mise à l’écart du père fon­da­teur de l’Inde, appel au « retour » des chré­tiens et musul­mans indiens vers la « Loi éter­nelle », hon­neurs ren­dus à la petite armée indé­pen­dan­tiste qui ten­ta d’envahir l’Inde bri­tan­nique avec l’aide des Japo­nais durant la Seconde Guerre mon­diale, cen­trage de la cam­pagne élec­to­rale régio­nale au Bihar sur des thèmes reli­gieux, etc. En réac­tion, une qua­ran­taine d’écrivains indiens, sou­te­nus notam­ment par Sal­man Rush­die (d’origine musul­mane), ont ren­voyé ces der­niers mois les prix qui leur avaient été attri­bués par la Sahi­tya Aka­de­mi (l’Académie natio­nale des lettres) pour pro­tes­ter contre la mon­tée du natio­na­lisme hin­dou, la mise en péril de la liber­té de parole et d’autres droits « séculiers ».

Ce qui nous semble plus impor­tant à ana­ly­ser, au-delà des remous poli­tiques par­fois folk­lo­riques (du moins à nos yeux d’Occidentaux) et de vio­lences reli­gieuses dont l’Inde est cou­tu­mière, c’est la genèse et le déve­lop­pe­ment du BJP, ain­si que ses assises idéo­lo­giques pro­fondes. Le BJP trouve en effet son ori­gine orga­ni­sa­tion­nelle dans un autre par­ti au nom très proche, le Bha­ra­tiya Jana Sangh (BJS), fon­dé trois ans après l’indépendance de l’Inde, en 1951, pour contrer l’influence du Par­ti du Congrès. Le BJS était par ailleurs le bras poli­tique d’un mou­ve­ment natio­na­liste hin­dou para­mi­li­taire qui lui est anté­rieur, le Rash­triya Swayam­se­vak Sangh (RSS, « Corps des volon­taires natio­naux ») dont l’un des anciens membres, Nathu­ram Godse, fut l’assassin de Gand­hi en 1948. Le RSS sera plus tard à l’origine des évè­ne­ments d’Ayodhya — orga­ni­sés pour contrer les recom­man­da­tions de la com­mis­sion Man­dal3 débou­chant sur des quo­tas réser­vés aux basses castes — avec la des­truc­tion de la mos­quée de Babur. Il est donc néces­saire de recons­ti­tuer le contexte colo­nial et post­co­lo­nial, la filia­tion orga­ni­sa­tion­nelle et la chaîne des repré­sen­ta­tions idéo­lo­giques et sym­bo­liques entre le RSS, le BJS le BJP pour mieux com­prendre la signi­fi­ca­tion de ce qui est en jeu. Et puis de faire le lien avec des glis­se­ments sem­blables dans d’autres pays du monde. Car la ques­tion qui nous inté­resse est aus­si là.

Naissance de l’hindouisme politique

La nais­sance au XIXe siècle d’un modèle natio­na­liste hin­dou est, comme dans d’autres ter­ri­toires colo­niaux, le fruit hybride de la confron­ta­tion avec la moder­ni­té euro­péenne dans deux dimen­sions prin­ci­pales : la colo­ni­sa­tion éco­no­mi­co-mili­ta­ro-poli­tique et le pro­sé­ly­tisme chré­tien. Une par­tie de l’intelligentsia hin­doue entre­prend un pro­gramme de réformes que Chris­tophe Jaf­fre­lot4 qua­li­fie de « syn­cré­tisme stra­té­gique », un usage de la tra­di­tion hin­doue pour favo­ri­ser la moder­ni­sa­tion de la socié­té et la résis­tance au colo­nia­lisme. Le mot « Hin­dou » lui-même — qui pro­vient du nom per­san « Sind­hou » don­né à la région aujourd’hui pakis­ta­naise du Sindh tra­ver­sée par un fleuve por­tant le même nom — n’était pas uti­li­sé par la popu­la­tion qu’il nom­mait. Ce sont les conqué­rants musul­mans qui uti­li­se­ront ce nom, repris ensuite par les Bri­tan­niques pour dési­gner plus spé­ci­fi­que­ment une reli­gion (terme incon­nu des langues indiennes). La dis­tinc­tion entre « Indiens » et « Hin­dous » s’est donc faite de l’extérieur, et ceci de sur­croît à par­tir du nom d’un fleuve dans une langue étrangère. 

La réap­pro­pria­tion de l’identité reli­gieuse hin­doue date du XIXe siècle, d’abord au sein des élites urbaines avant d’atteindre les cam­pagnes. Rap­pe­lons par ailleurs, qu’outre les com­mu­nau­tés musul­manes et chré­tiennes, une part impor­tante des habi­tants du sous-conti­nent est exclue de l’hindouisme : les intou­chables (Dalits) et les popu­la­tions abo­ri­gènes (Adi­va­sis). L’extraordinaire varié­té des cultes rele­vant de l’hindouisme (en fonc­tion des castes, des régions, des vil­lages, des temples, des lignées croyantes et des sectes en tout genre) a été pro­gres­si­ve­ment « orga­ni­sée » par l’action de l’État au XXe siècle (d’abord bri­tan­nique, puis indien après 1947), avec l’orthodoxie brah­ma­nique comme modèle. Phé­no­mène qui, après les villes, a aus­si tou­ché les vil­lages et les basses castes dési­rant s’élever. Un anthro­po­logue indien, Sri­ni­vas, a uti­li­sé le le terme de « sans­kri­ti­sa­tion » dans les années 1950 pour qua­li­fier ce pro­ces­sus. Enfin, de nom­breux ascètes (sadhu) et guides reli­gieux (gou­rou) ont par­ti­ci­pé à la créa­tion d’un néo-hin­douisme, cen­tré sur le yoga, la médi­ta­tion et autres pra­tiques pour « sou­la­ger les maux de la vie dans ce monde ». L’hindouisme contem­po­rain, net­te­ment plus uni­fié et indi­vi­dua­li­sé que par le pas­sé, est le fruit de ces transformations. 

Celui qui est sou­vent consi­dé­ré comme le « père du natio­na­lisme indien » à conno­ta­tion hin­doue est Bal Gan­gadhar Tilak (1856 – 1920), un brah­mane du Maha­ras­tra qui s’opposa à toute influence occi­den­tale. Tilak mar­qua dans un pre­mier temps le Congrès natio­nal indien, dont il fut membre, avant que ce der­nier ne prenne ses dis­tances, notam­ment sur la ques­tion de la vio­lence (dont Tilak était par­ti­san) et celle de la col­la­bo­ra­tion entre hin­dous et musul­mans contre le colo­ni­sa­teur bri­tan­nique. Après l’indépendance, le natio­na­lisme hin­dou fut mar­gi­na­li­sé au pro­fit du natio­na­lisme indien sécu­lier, sous l’influence du paci­fisme de Gand­hi et du sécu­la­risme occi­den­ta­li­sant de Nehru.

Du côté de l’hindouisme poli­tique orga­ni­sé, le RSS, qui est sa matrice et son fer de lance, a été fon­dé en 19255 par Keshav Bali­ram Hed­ge­war (1889 – 1940) ou Doc­tor­ji pour ses adeptes, un méde­cin et fils de prêtre brah­mane qui par­ti­ci­pa au début des années 1920 au mou­ve­ment indé­pen­dan­tiste dans le sillage du Congrès natio­nal indien. Hed­ge­war prit rapi­de­ment ses dis­tances avec le Congrès, à la suite des vio­lences entre hin­dous et musul­mans en 1923, et s’orienta vers des actions visant à régé­né­rer la culture et la spi­ri­tua­li­té hin­doue face à l’occupation bri­tan­nique. Le « natio­nal » devait pour lui équi­va­loir à « hin­dou », thème qui sera repris par le BJS puis le BJP un demi-siècle plus tard. Sa vision poli­tique s’orienta durant les années 1930 vers des orga­ni­sa­tions de type para­mi­li­taire et des pra­tiques mus­clées, sous l’influence des modèles fas­ciste ita­lien et natio­nal-socia­liste alle­mand. Madhav Sada­shiv Gol­wal­kar (1906 – 1973) ou Shri Guru­ji lui suc­cé­da en 1940 comme Sar­sangh­cha­lak (« lea­der suprême » spi­ri­tuel et poli­tique du RSS) et fut accu­sé de sym­pa­thie avec le nazisme. Cer­tains de ses textes fai­saient en effet l’éloge de la « puri­fi­ca­tion cultu­relle » mise en œuvre par Hit­ler en Alle­magne, mon­tré comme exemple de ce qu’Hedgewar sou­hai­tait réa­li­ser en Inde avec le RSS. À la suite de l’assassinat de Gand­hi par un ancien membre en 1948, le RSS fut briè­ve­ment inter­dit sous le règne de Neh­ru, puis disculpé. 

Le RSS, dont Jaf­fre­lot com­pare l’organisation à celle d’une secte para­mi­li­taire, s’opposa au choix du dra­peau tri­co­lore (safran, blanc et vert, avec la roue d’Ashoka au centre)6 de l’Union indienne, lui pré­fé­rant la seule cou­leur safran qui est le sym­bole de l’hindouisme (aujourd’hui cou­leur domi­nante du logo du BJP, le vert colo­riant les feuilles du lotus et le blanc le let­trage). Sa visée géo­po­li­tique est une « Inde indi­vise » ou Akhand Bha­rat, incluant le Pakis­tan, le Népal, le Bou­than, le Ban­gla­desh, le Sri-Lan­ka et la Bir­ma­nie. Enfin, il s’opposa à la Consti­tu­tion indienne (1949), rédi­gée sous la direc­tion de l’intouchable Ambed­kar, parce qu’elle ne fai­sait pas réfé­rence aux « lois de Manu »7. Le lea­der du RSS, Gol­wal­kar, lui fit ce reproche dans son livre Bunch of Thoughts : « Notre Consti­tu­tion n’est qu’un patch­work encom­brant et hété­ro­gène de dif­fé­rents articles en pro­ve­nance de dif­fé­rentes consti­tu­tions occi­den­tales. Elle ne com­prend abso­lu­ment rien qui puisse être consi­dé­ré comme nous étant vrai­ment propre. Y trou­vons-nous une seule réfé­rence dans ces prin­cipes direc­teurs de ce qui est notre mis­sion natio­nale et notre réfé­rence cen­trale dans la vie ? Non ! »

L’hindouisme poli­tique asso­cie dans ses diverses com­po­santes une revi­si­ta­tion moder­ni­sante du monde très épars et frag­men­té de l’hindouisme — comme nous l’avons vu plus haut — com­por­tant notam­ment des emprunts au catho­li­cisme ou angli­ca­nisme (éla­bo­ra­tion d’une struc­ture cohé­rente) ou à l’islam (sta­tut de « pro­té­gé » pour les non-hin­dous), avec un « retour » à l’âge d’or sup­po­sé de l’hindouisme. Comme dans les régimes poli­tiques tota­li­taires de l’entre-deux-guerres en Europe (mais aus­si en Chine avec les « Che­mises bleues »)8, le mou­ve­ment est à la fois « indi­vi­dua­li­sant » et « mas­si­fiant ». Le RSS se situe en effet en déca­lage avec le modèle des castes, enca­drant l’individu de sa nais­sance à sa mort, pour pro­mou­voir une « socié­té d’individus », agré­gés en « masses » prises en charge et enca­drées par le mou­ve­ment natio­nal hin­dou qui s’investit dans les domaines de l’action sociale et reli­gieuse. L’hindouisme poli­tique appa­raît dès lors comme une for­ma­tion de com­pro­mis, un « mariage des contraires », entre la moder­ni­té occi­den­tale et l’hétéronomie reli­gieuse hin­doue. Il se pré­sente à la fois comme un pro­duit de la moder­ni­té et comme une résis­tance à celle-ci.

Le safran au gouvernail

En 1951, le RSS se dote d’une « vitrine poli­tique » par la créa­tion du Bha­ra­tiya Jana Sangh (BJS) qui n’obtient que 3,1% des voix aux élec­tions de 1952. Aux élec­tions de 1977, après la période de l’état d’urgence pro­cla­mé par Indi­ra Gand­hi (la fille de Neh­ru et non de Gand­hi), le BJS fusionne avec deux autres par­tis pour for­mer le Jana­ta Par­ty qui gagne lar­ge­ment les élec­tions9. Mais les natio­na­listes hin­dous ne consti­tuaient qu’une frac­tion du Jana­ta et les vain­queurs n’avaient que peu de choses en com­mun d’un point de vue idéo­lo­gique. Ils étaient en fait pro­fon­dé­ment cli­vés sur la ques­tion du sécu­la­risme. Le nou­veau par­ti du Congrès, créé par Indi­ra Gand­hi, gagne les élec­tions de 1980. Les membres du BJS quittent le Jana­ta Par­ty et créent un nou­vel ava­tar poli­tique, le BJP (au pou­voir aujourd’hui) qui connaî­tra une audience crois­sante après les évè­ne­ments autour de la mos­quée de Babur à Ayod­hya, com­pre­nant la des­truc­tion de la mos­quée par des mili­tants du RSS. Le mou­ve­ment natio­na­liste et para­mi­li­taire est en effet tou­jours actif, mal­gré plu­sieurs inter­dic­tions. La mon­tée en puis­sance des natio­na­listes hin­dous sera dès lors crois­sante jusqu’à ce jour, en dépit des fluc­tua­tions élec­to­rales. Bien que dis­po­sant de la majo­ri­té abso­lue à la chambre basse, il gou­verne dans une coa­li­tion nom­mée « Alliance démo­cra­tique natio­nale » avec 29 petits par­tis régio­naux qui ne tota­lisent que 54 quatre sièges au total, le BJP en ayant 282. Alors que le BJP était très mino­ri­taire dans le Jana­ta Par­ty de 1977, il est aujourd’hui écra­sant dans l’Alliance démo­cra­tique nationale.

Le Pre­mier ministre actuel de l’Union indienne, Naren­dra Modi, est un cadre du RSS, mou­ve­ment qu’il avait rejoint enfant et n’a jamais quit­té depuis. Avant d’accéder à la fonc­tion suprême fédé­rale, il fut pen­dant quatre man­dats suc­ces­sifs « Chief Minis­ter » de l’État du Guja­rat (de 2001 à 2014). Son exer­cice du pou­voir fut émaillé de divers inci­dents. Il y eut d’abord les vio­lences com­mu­nau­taires en 2002 entre hin­dous et musul­mans qui firent près de deux mille morts selon diverses sources. L’élément déclen­cheur fut l’incendie d’un train trans­por­tant des pèle­rins hin­dous reve­nant d’Ayodhya (lieu de la bataille de 1992) et dont les musul­mans furent accu­sés. Naren­dra Modi et l’Etat du Guja­rat ont été dénon­cés pour pas­si­vi­té. Ces évé­ne­ments, qua­li­fiés de « pogromes » par dif­fé­rents obser­va­teurs10 et dont les musul­mans furent les prin­ci­pales vic­times, entraî­nèrent la démis­sion de Modi. Après une cam­pagne élec­to­rale aux relents anti musul­mans, il s’assura cepen­dant une nou­velle majo­ri­té qu’il par­vint à conser­ver jusqu’en 2014. Sa rhé­to­rique reli­gieuse se modé­ra et il por­ta ses efforts dans le domaine éco­no­mique (inves­tis­se­ments publics, attrac­ti­vi­té pour les opé­ra­teurs pri­vés) avec un cer­tain suc­cès, sous le slo­gan du Vibrant Guja­rat (écho au slo­gan India Shi­ning uti­li­sé par le BJP en 2004). Mais les effets béné­fiques ne concer­nèrent que les classes moyennes (com­po­sées sur­tout de castes supé­rieures) et sa poli­tique fut cri­ti­quée sur ce point par l’économiste indien Amar­tya Sen11, prix Nobel d’économie 2013. Tou­jours est-il que le Guja­rat fut le mar­che­pied qui per­mit à Naren­dra Modi de se his­ser au poste de Pre­mier ministre fédé­ral en mai 2014.

De nom­breux chan­ge­ments ont été opé­rés depuis la vic­toire élec­to­rale fédé­rale du BJP en mai 2014 et l’obtention de la majo­ri­té abso­lue à la chambre basse, mais d’autres n’ont pu encore être mis en œuvre, faute de majo­ri­té à la chambre haute. Le BJP n’y dis­pose en effet que de 48 sièges sur 245 (64 si l’on compte les autres par­tis de l’Alliance) et il cherche à en gri­gno­ter le contrôle avant la fin de son quin­quen­nat en 2019. Ces chan­ge­ments sont tan­tôt sym­bo­liques, tan­tôts plus structurels. 

S’un point de vue sym­bo­lique et com­mu­ni­ca­tion­nel, l’heure est net­te­ment à la valo­ri­sa­tion de l’Hin­dut­va, une défi­ni­tion de la culture indienne en termes de valeurs hin­doues12 Outre la cou­leur safran omni­pré­sente et l’utilisation de sym­boles hin­dous (le lotus, le yoga, la vache, la lampe à huile tra­di­tion­nelle…), il y a la créa­tion d’institutions ou l’accomplissements de gestes de même nature (minis­tère du Yoga, pélé­ri­nage au bord du Gange, port d’une écharpe orange, végé­ta­risme affi­ché, accom­plis­se­ment de rituels reli­gieux hin­dous en tant que Pre­mier ministre…). Le vision­ne­ment de sa page Face­book (30.817.260 J’aime au 1er novembre 2015) et de son site inter­net montre l’abondance des sym­boles hin­dous. On ima­gine que les 172 mil­lions de musul­mans ou les 28 mil­lions de chré­tiens ont du mal à s’y reconnaître. 

Mais cette affir­ma­tion cultu­ra­lo-reli­gieuse s’accompagne d’une série d’actes dont nous avons déjà fait écho en début d’article. La Ghad­dar Alliance, un groupe d’académiques indiens éta­blis aux USA, a publié un rap­port sur les « 100 pre­miers jours de Naren­dra Modi » sur son site nom­mé « modi­facts » (les faits rela­tifs à Modi), fruit d’une com­pi­la­tion de diverses sources sur les poli­tiques menées par le BJP au pou­voir13. Ce docu­ment fouillé et docu­men­té, d’une cin­quan­taine de pages, liste les actes du gou­ver­ne­ment Modi par groupes thé­ma­tique : culture, déve­lop­pe­ment, éco­no­mie, envi­ron­ne­ment, femmes et mino­ri­tés sexuelles, droits humains, médias, mino­ri­tés reli­gieuses, intou­chables et abo­ri­gènes. Le docu­ment fait par ailleurs le lien avec la poli­tique menée anté­rieu­re­ment par Naren­dra Modi au Guja­rat (2001 – 2014), afin de déga­ger les continuités.

Vers une « erdoganisation » de l’Inde ?

Si ces constats ne concernent que les « cent pre­miers jours » du BJP au pou­voir, ils com­portent une série de faits inquié­tants au sujet de la poli­tique impul­sée par le pou­voir natio­na­liste hin­dou. La ligne géné­rale est, d’un côté, une poli­tique éco­no­mique et de déve­lop­pe­ment qui fait la part belle aux entre­prises pri­vées, aux classes moyennes, et sacri­fie l’environnement sur l’autel de la crois­sance. De l’autre, dans le domaine cultu­rel, une cen­sure lar­vée ou fran­che­ment ouverte est mise en place et touche notam­ment la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique, l’édition ou la dif­fu­sion des livres, notam­ment uni­ver­si­taires, jugés trop cri­tiques sur l’hindouisme. Un cinéaste vit ain­si le visa d’exploitation de son film sur les vio­lences de 2002 au Guja­rat refu­sé par le Cen­tral Board of Film Cer­ti­fi­ca­tion. Une autre pro­duc­tion du même auteur sur des vio­lences com­mu­nau­taires dans l’Uttar Pra­desh (Etat où se situe Ayod­hya), met­tant en ques­tion les poli­tiques de l’«hindouité » (Hin­dut­va), fut éga­le­ment refusée. 

Dans le domaine de l’édition, l’éditeur Orient BlackS­wan annon­ca le retrait d’une série de livres, dont un ouvrage his­to­rique et uni­ver­si­taire sur les vio­lences sexuelles et com­mu­nau­taires à Ahme­da­bad. Peu de temps aupa­ra­vant, c’est Pen­guin India qui annon­ca le retrait d’un ouvrage de cri­tique his­to­rique écrit par un his­to­rien de l’université de Chi­ca­go, The Hin­dus : An Alter­na­tive His­to­ry. Depuis lors, les affaires se sont mul­ti­pliées, ce qui a mené à l’action de pro­tes­ta­tion récente de qua­rante auteurs ren­voyant leurs prix lit­té­raires. Enfin, last but not least, des pro­jets d’histoires « révi­sion­nistes » touchent d’un côté les livres sco­laires et de l’autre la prise de contrôle d’instituts de recherche et d’éducation. L’homme de ligue du BJP dans ce domaine est l’historien Yel­la­pra­ga­da Suder­shan Rao, nom­mé pré­sident du Indian Coun­cil of His­to­ri­cal Research. Avant d’occuper cette fonc­tion, il fut membre actif d’une orga­ni­sa­tion vas­sale du RSS (le ABISY) dont l’objectif est la « réécri­ture de l’histoire de l’Inde d’un point de vue natio­nal », c’est-à-dire hin­dou. Plu­sieurs membres de l’ABISY ont depuis été nom­més au Coun­cil of His­to­ri­cal Research.

De nom­breuses affaires concernent éga­le­ment le domaine reli­gieux, notam­ment les ten­ta­tives de « recon­ver­sion » à l’hindouisme des intou­chables ou des d’aborigènes deve­nus chré­tiens, voire par­fois musul­mans ou même boud­dhistes14, prin­ci­pa­le­ment pour échap­per au sta­tut d’exclus que leur réserve l’hindouisme. Le para­doxe ou la mau­vaise foi liés à cette cette ques­tion, c’est que la « conver­sion » vers une de ces reli­gions mono­théistes est qua­li­fiée de « for­cée » alors que la « recon­ver­sion » ne le serait pas, même si l’on sait bien que ces deux groupes n’étaient pas consi­dé­rés comme hin­douistes, parce que « hors castes » ou ani­mistes. Par rap­port à l’islam, qui repré­sente qua­torze pour-cent de la popu­la­tion, c’est sou­vent autour la de « guerre de la vache » (ani­mal sacré pour les hin­dous) que les conflits s’excacerbent dans un cli­mat de natio­na­lisme hin­dou de plus en plus intense et par­fois violent. Si de nom­breuses ten­sions sont d’origine locale et que l’on ne peut pas en rendre le gou­ver­ne­ment res­pon­sable (sinon par le cli­mat qu’il a ins­tau­ré), cer­tains actes publics, encou­ra­ge­ments en sous-main, silence cou­pable ou pas­si­vi­té poli­cière sont bien de sa res­pon­sa­bi­li­té. Les groupes extré­mistes hin­dous semblent avoir les cou­dées plus franches que jamais.

Enfin, et c’est sans doute le point le plus impor­tant, la valo­ri­sa­tion de l’hindouité et la lutte contre ce qui lui est étran­ger touchent aus­si la liber­té d’expression et les moda­li­tés d’exercice du pou­voir. Après tout, la démo­cra­tie est un régime étran­ger15 plus ou moins impo­sé par la colo­ni­sa­tion et, ensuite, par l’influence du modèle occi­den­tal sur les élites du Congrès, par­ti fon­dé par des Anglais. Un « retour » à l’hindouité pour­rait donc signi­fier en un chan­ge­ment de ce mode de gou­ver­nance qui ne lui est pas propre. Si Naren­dra Modi a accé­dé au pou­voir par la voie des urnes, il pour­rait bien tenir le même pro­pos que le pré­sident turc Recep Tayyip Erdoğan sur la démo­cra­tie, à savoir qu’elle « n’est pas un but mais un moyen », en d’autres mots : « un tram­way que l’on peut quit­ter à l’arrêt dési­ré »16. Sou­ve­nons-nous de la décla­ra­tion du lea­der du RSS (dont Modi est tou­jours membre), Gol­wal­kar, au sujet de la Consti­tu­tion indienne en 1949 : « Notre Consti­tu­tion n’est qu’un patch­work encom­brant et hété­ro­gène de dif­fé­rents articles en pro­ve­nance de dif­fé­rentes consti­tu­tions occidentales. » 

Dif­fé­rents indices de cette ten­dance — certes pas encore suf­fi­sants pour éta­blir un recul de la démo­cra­tie indienne, mais assez conver­gents pour éveiller notre atten­tion — sont per­cep­tibles depuis 2014 (et, anté­rieu­re­ment, au Guja­rat). L’association d’un très grand libé­ra­lisme éco­no­mique à une « ver­ti­cale du pou­voir » et une glo­ri­fi­ca­tion natio­na­liste spi­ri­tua­li­sante n’est pas sans éveiller quelques com­pa­rai­sons. Cela d’autant que l’usage inten­sif que fait le Pre­mier ministre des nou­velles tech­no­lo­gies de la com­mu­ni­ca­tion (que l’Inde affec­tionne et maî­trise bien), induit un rap­port direct entre le lea­der et son peuple, voire un culte de la per­son­na­li­té. Dans un pre­mier temps, des jour­na­listes très connus ont subis des pres­sions afin ne pas cri­ti­quer le pou­voir, puis Naren­dra Modi a eu ten­dance à évi­ter les contacts avec les médias et à com­mu­ni­quer direc­te­ment par les moyens qu’il uti­lise à sa guise (la tri­ni­té bien connue : site web, face­book et twit­ter). Son style de gou­ver­nance se tra­duit par une dimi­nu­tion impor­tante des débats publics et de la consul­ta­tion des popu­la­tions avant la mise en œuvre de pro­jets d’aménagement les concer­nant, notam­ment envi­ron­ne­men­taux. Sans oublier une cri­mi­na­li­sa­tion de la dis­si­dence qui peut être ins­tru­men­tée par des groupes hin­dous extré­mistes, et des atteintes à l’indépendance de la jus­tice (certes par­fois très relative). 

En tout état de cause, on peut se deman­der ce qu’il advien­dra de la démo­cra­tie indienne au sein de l’hindouisme poli­tique, si le BJP atteint la majo­ri­té abso­lue à la chambre haute. Même si l’Hin­dut­va pro­mue par le BJP est davan­tage une culture qu’une reli­gion, force est de consta­ter que sa pro­mo­tion par le gou­ver­ne­ment engendre des poli­tiques et génère des conflits qui sont émi­nem­ment reli­gieux, et qu’elle entame dès lors le carac­tère sécu­lier de l’Etat. Entre le Ram­raj, le mythique âge d’or du Règne du Dieu Rama, et le Swa­raj, le gou­ver­ne­ment par soi-même, il fau­dra choi­sir, même si c’est à recu­lons. La défaite cui­sante que le BJP vient de subir au Bihar montre que l’affaire est loin d’être entendue.

  1. Le terme Bha­ra­ta est le le nom sans­crit de l’Inde et signi­fie éty­mo­lo­gi­que­ment « ce qui doit être main­te­nu », c’est-à-dire le feu sacré (agni). Le Mahabha­ra­ta (ou « Grand Bha­ra­ta ») est une des épo­pées majeures et la plus ancienne de l’Inde. On retrouve ce signi­fiant dans les noms suc­ces­sifs du par­ti natio­na­liste hin­dou, Bha­ra­tiya Jana Sangh (BJS) et Bha­ra­tiya Jana­ta Par­ty (BJP), alors que le nom de l’autre grand par­ti indien, le Congrès, est d’origine occi­den­tale et reli­gieu­se­ment neutre. Il a été fon­dé en 1885 par des Bri­tan­niques membres de la Socié­té théo­so­phique, menés par le bota­niste Hume. Le Ben­ga­lais Bon­ner­jee fut son pre­mier président.
  2. Ayod­hya, où serait né le dieu Rama, est un des lieux les plus sacrés de l’Inde pour les hin­douistes. Une mos­quée, qui porte son nom, y avait été construite en 1572 par l’empereur moghol Babur après la des­truc­tion d’un temple hin­dou. La mos­quée fut à son tour détruite en 1992, lors d’une émeute qui aurait ras­sem­blé près de cent cin­quante mille per­sonnes. La « bataille d’Ayodhya » sym­bo­lise dès lors une revanche de l’hindouisme.
  3. Le rap­port Man­dal avait déjà été dépo­sé en 1980, mais sa mise en œuvre fut « gelée » par les gou­ver­ne­ments suc­ces­sifs, de peur de déplaire à une par­tie de leur élec­to­rat. Il pré­voyait un quo­ta de 27% d’emplois publics pour les « Other Back­ward Classes » (OBC), soit des basses castes « supé­rieures » aux intou­chables (Dalits).
  4. Chris­tophe Jaf­fre­lot, Les natio­na­listes hin­dous. Idéo­lo­gie, implan­ta­tion et mobi­li­sa­tion des années 1920t aux années 1990, Paris, Presses de la Fon­da­tion natio­nale des sciences poli­tiques, 1993.
  5. Concor­dance signi­fi­ca­tive de date et de contexte colo­nial avec la fon­da­tion des Frères musul­mans par Has­san el-Ban­na en Egypte (1928), celle du Tabligh par Muham­mad Ilyas (1927) ou, plus tard, du Jamaat-e-Isla­mi par Maw­dou­di (1941) dans l’Empire bri­tan­nique des Indes.
  6. La sym­bo­lique en est la sui­vante. Tri­co­lore à bandes hori­zon­tales safran fon­cé ou kesarl (hin­douisme), blanche (désir d’entente mutuelle) et vert fon­cé (islam), avec au centre la roue d’Ashoka ou cha­kra, ins­crite en bleu marine. Le cha­kra rap­pelle la « roue de la Connais­sance » (la loi du Boud­dha et son enseignement).
  7. Le code appe­lé « lois de Manu » ou Mana­va Dhar­ma­sas­tra est un des plus anciens textes cos­mo­lo­giques et légaux hin­dous codi­fiant l’organisation de la socié­té indienne, notam­ment son orga­ni­sa­tion en caté­go­ries d’humains dif­fé­ren­ciés de manière sub­stan­tielle. Il est struc­tu­ré en quatre par­ties prin­ci­pales : la créa­tion du monde (cos­mo­go­nie), les sources de la loi (dhar­ma), le dhar­ma des quatre var­nas (« états » endo­games : brah­manes, ksha­triya, vai­shya et shu­dras), la loi du kar­ma, des renais­sances et de la libé­ra­tion finale.
  8. Sur le mou­ve­ment « fas­ciste » des Che­mises bleues (1932 – 1938), je me per­mets de ren­voyer à ma recen­sion du livre de V. Goos­saert et D. Pal­mer, « La ques­tion reli­gieuse en Chine », Revue nou­velle, juillet-août 2013.
  9. Pour cette période, je me réfère à C. Jafrel­lot (dir.), L’Inde contem­po­raine, Fayard, 2014 et à Gilles Ver­niers, « Les défis de la démo­cra­tie en Inde », dans La démo­cra­tie en Asie, Pic­quier, 2015
  10. Notam­ment par le Indian Social Ins­ti­tute dans The Guja­rat pogrom : com­pi­la­tion of various reports, 2002.
  11. Jaf­fre­lot, quant à lui, qua­li­fia la poli­tique de Modi au Guja­rat de « popu­lisme high tech » pour les classes moyennes, le futur Pre­mier ministre indien étant par­ti­cu­liè­re­ment féru de nou­velles technologies.
  12. Son pro­mo­teur est Vinayak Damo­dar Savar­kar (1883 – 1966), un acti­viste indé­pen­dan­tiste de caste brah­mane ayant étu­dié en Angle­terre et for­te­ment influen­cé par Bal Gan­gadhar Tilak. Savar­kar se décla­rait athée et mili­tait pour une iden­ti­té indienne défi­nie par un hin­douisme cultu­rel, débar­ras­sé du sys­tème des castes. Son des­tin de mili­tant natio­na­liste hin­dou occi­den­ta­li­sé, athée et oppo­sé aux castes, illustre bien le « mariage des contraires » de l’hindouisme poli­tique. Naren­dra Modi lui a ren­du hom­mage au par­le­ment indien.
  13. Une ver­sion en for­mat pdf est télé­char­geable sur le site de « modi­facts » (voir réfé­rences). Cha­cun des constats est docu­men­té par des réfé­rences, le plus sou­vent acces­sibles en ligne.
  14. Comme nous l’avons vu plus haut, le boud­dhisme est consi­dé­ré comme une reli­gion de souche indienne. Pour une illus­tra­tion nar­ra­tive de la com­plexe intri­ca­tion des castes et des affi­lia­tions reli­gieuses, je me per­mets de ren­voyer à mon récit de voyage au Kera­la, « Mala­bar Blues », Revue nou­velle, août 2014.
  15. Notons que, de manière fort ins­truc­tive, le RSS consi­dère le mar­xisme comme une idéo­lo­gie étran­gère à l’hindouité, à l’instar des reli­gions impor­tées que sont l’islam et le christianisme.
  16. Pro­pos repris par le socio­logue turc Ahmet Insel dans son livre très éclai­rant, La nou­velle Tur­quie d’Erdogan. Du rêve démo­cra­tique à la dérive auto­ri­taire, La Décou­verte, 2015. Pour la petite his­toire, on raconte une anec­dote sem­blable au sujet de Mao qui aurait dit que « la démo­cra­tie est une ser­vante que l’on peut ren­voyer quand on veut », cité par Jean-Marie Bouis­sou dans La démo­cra­tie en Asie, Pic­quier, 2015.

Bernard De Backer


Auteur

sociologue et chercheur