Skip to main content
logo
Lancer la vidéo

Israël-Palestine. Depuis septante ans, deux nations toujours en quête d’État(s)

Blog - e-Mois - Israël Palestine par Pascal Fenaux

mai 2018

Il y a vingt ans, La Revue nou­velle consa­crait un copieux dos­sier au cin­quan­te­naire de l’État d’Israël : « 1948 – 1998 – Israël-Pales­­tine : nations en quête d’État(s)». Nous avons déci­dé de lui don­ner une seconde chance, au moment où les Juifs israé­liens célèbrent la nais­sance de leur État-nation/É­­tat-refuge et où les Arabes pales­ti­niens com­mé­morent leur défaite et leur exode, […]

e-Mois

Il y a vingt ans, La Revue nou­velle consa­crait un copieux dos­sier au cin­quan­te­naire de l’État d’Israël : « 1948 – 1998 – Israël-Pales­tine : nations en quête d’État(s)». Nous avons déci­dé de lui don­ner une seconde chance, au moment où les Juifs israé­liens célèbrent la nais­sance de leur État-nation/É­tat-refuge et où les Arabes pales­ti­niens com­mé­morent leur défaite et leur exode, le tout dans le feu et le sang.

À côté d’articles ori­gi­naux, ce dos­sier était consti­tué de tra­duc­tions d’articles d’analyse ou de témoi­gnages parus en hébreu dans une revue d’extrême gauche non sio­niste israé­lienne, Mit­zad Shé­ni. Sans épou­ser toutes les fina­li­tés poli­tiques de l’organisation dont cette revue israé­lienne était un des organes d’information, le choix de tra­duire en exclu­si­vi­té plu­sieurs de ses articles s’expliquait par leur qua­li­té et leur absence de lour­deur rhé­to­rique anti­sio­niste. À cela s’ajoutait le fait que d’autres ana­lyses et témoi­gnages affluaient déjà dans les médias israé­liens mains­tream comme Yediot Aha­ro­not (droite libé­rale), Maa­riv (droite) et Haa­retz (centre-gauche libé­ral) et, indi­rec­te­ment, dans les grands médias euro­péens. Par ailleurs, ceux que l’on appe­lait alors en Israël les « nou­veaux his­to­riens » (Hil­lel Cohen, Sim­ha Fla­pan, Baruch Kim­mer­ling [décé­dé en 2007], Ben­ny Mor­ris, Shlo­mo Sand, Tom Segev, Avi Shlaïm, Idith Zer­tal, etc.), mal­gré ou grâce à leurs opi­nions poli­tiques diverses, avaient déjà pignon sur rue. Par ailleurs, à la relec­ture, le lec­teur atten­tif relè­ve­ra peut-être quelques erreurs mar­gi­nales mais, n’ayant pas du syn­drome de Sta­line, nous avons choi­si de ne pas pro­cé­der à un net­toyage cos­mé­tique à posteriori.

En vingt ans, beau­coup d’eau et de sang ont cou­lé sous les ponts et le cours des évé­ne­ments est allé de mal en pis. On peut tou­te­fois sou­li­gner quelques constantes par rap­port au contexte de 1998. Pre­mière constante, l’exercice du pou­voir par un gou­ver­ne­ment com­po­sé d’une coa­li­tion hété­ro­clite de droite et d’extrême droite et emme­née par le Pre­mier ministre Binya­min Neta­nya­hou et son par­ti, le Likoud. Deuxième constante, la neu­tra­li­sa­tion de fac­to du pro­ces­sus diplo­ma­tique lan­cé en 1993 par les accords négo­ciés à Oslo entre l’Organisation de libé­ra­tion de la Pales­tine (OLP) et l’État d’Israël alors repré­sen­té par un gou­ver­ne­ment de centre-gauche emme­né par Yitz­hak Rabin (jusqu’à son assas­si­nat le 4 novembre 1995 par un mili­tant israé­lien d’extrême droite) et ensuite par Shi­mon Per­es (décé­dé le 28 sep­tembre 2016). Troi­sième constante, la pour­suite d’une poli­tique de colo­ni­sa­tion de peu­ple­ment inten­sif en Cis­jor­da­nie et à Jéru­sa­lem-Est, des ter­ri­toires pales­ti­niens occu­pés par Israël depuis la guerre de juin 1967.

À côté de ces trois constantes, les plus déter­mi­nantes dans la pour­suite et la mor­pho­lo­gie du conflit, de nom­breuses rup­tures sont venues inflé­chir l’horizon de celles et ceux qui, tant côté israé­lien que pales­ti­nien, estiment que la seule for­mule poli­tique viable et durable à un conflit israé­lo-pales­ti­nien plus que cen­te­naire est la solu­tion bi-éta­tique : le retrait de l’armée israé­lienne hors des ter­ri­toires pales­ti­niens occu­pés et la créa­tion de deux États-nations : un État de Pales­tine à côté de l’État d’Israël.

Pre­mière rup­ture, du prin­temps 1999 à l’hiver 2000, le bref retour au pou­voir de l’Avoda (Par­ti tra­vailliste, alors emme­né par le Pre­mier ministre Ehoud Barak, grand contemp­teur des accords d’Oslo) à la tête d’une coa­li­tion impro­bable com­po­sée de l’Avoda tra­vailliste, du Meretz (gauche sio­niste), du Maf­dal (Par­ti reli­gieux-natio­nal, fer de lance de la colo­ni­sa­tion sio­niste reli­gieuse de peu­ple­ment), de deux par­tis ultra-ortho­doxes, d’un éphé­mère Par­ti du Centre et de Yis­raël BaA­liya (“Israël par l’Im­mi­gra­tion”), le par­ti rus­so­phone de droite de l’ancien dis­si­dent sovié­tique Natan Sha­rans­ky (alias Ana­to­li Cht­cha­rans­ki).

Deuxième rup­ture, durant l’intermède tra­vailliste de 1999 – 2000, l’incapacité de l’OLP et d’Israël à négo­cier un accord poli­tique défi­ni­tif. Cet échec sera lourd de consé­quences, diri­geants israé­liens et pales­ti­niens se répan­dant en décla­ra­tions affir­mant à leurs opi­nions publiques, soit que l’ennemi israé­lien n’a pas renon­cé à anéan­tir l’existence poli­tique des Pales­ti­niens, soit que l’ennemi pales­ti­nien n’a pas renon­cé à anéan­tir Israël.

Troi­sième rup­ture, sur fond de ras-le-bol géné­ra­li­sé pales­ti­nien, des mani­fes­ta­tions pales­ti­niennes éclatent l’automne 2000 aux quatre coins des ter­ri­toires occu­pés et/ou auto­nomes. Ces mani­fes­ta­tions sont répri­mées avec une vio­lence sans pré­cé­dent par l’armée israé­lienne et échappent peu à peu à tout contrôle de l’Autorité pales­ti­nienne (AP) (voir enca­dré) et de l’OLP. Sur fond de déses­poir mais aus­si de concur­rence impla­cable entre, d’une part, les par­tis membres de l’OLP, et, d’autre part, les mou­ve­ments isla­mistes (essen­tiel­le­ment le Hamas isla­mo-natio­na­liste), des cam­pagnes d’attentats-suicides ciblées contre la popu­la­tion civile israé­lienne se mul­ti­plient. Ces cam­pagne d’attentats réac­ti­vant le spectre de la dis­pa­ri­tion dans la socié­té juive israé­lienne, cette der­nière don­ne­ra carte blanche à un nou­veau gou­ver­ne­ment emme­né par Ariel Sha­ron (Likoud) pour réoc­cu­per tem­po­rai­re­ment les enclaves auto­nomes pales­ti­niennes de Cis­jor­da­nie et y détruire l’essentiel des infra­struc­tures civiles et pré-éta­tiques mises sur pied par l’AP/OLP.

À ce stade, il faut bien dis­tin­guer l’OLP et l’AP. L’OLP fut créée en juin 1964 (CQFD avant la guerre de juin 1967) sous l’égide de l’Égypte nas­sé­rienne et son Conseil natio­nal (CNP, sorte de Par­le­ment en exil) a tenu sa pre­mière ses­sion à Jéru­sa­lem-Est, ter­ri­toire annexé à la Jor­da­nie en 1950, annexion non recon­nue par l’ONU, à l’exception du seul Royaume-Uni. L’OLP a pris son indé­pen­dance par rap­port aux États arabes en 1969, après la défaite de la Guerre des Six jours, et est deve­nue une sorte de Pales­tine « déter­ri­to­ria­li­sée ». Orga­ni­sa­tion faî­tière, l’OLP fédé­rait les prin­ci­paux mou­ve­ments poli­tiques arabes pales­ti­niens de l’époque : le Fatah (Mou­ve­ment de la Libé­ra­tion natio­nale pales­ti­nienne), le FPLP (Front popu­laire de Libé­ra­tion de la Pales­tine), le FDLP (Front démo­cra­tique de Libé­ra­tion de la Pales­tine), etc. Seul absent au sein de l’OLP jusqu’en 1988, le Par­ti com­mu­niste pales­ti­nien qui, ali­gné sur l’URSS de l’époque, avait recon­nu le plan de par­ti­tion de la Pales­tine pro­po­sé par l’ONU en novembre 1947. Par contre, l’OLP n’avait pu empê­cher l’intégration de petites orga­ni­sa­tions finan­cées par les régimes baa­sistes d’Irak et de Syrie. Contrai­re­ment à l’OLP qui est consi­dé­rée par l’ONU, Assem­blée géné­rale et Conseil de Sécu­ri­té à l’unisson, comme le repré­sen­tant unique et légi­time du peuple pales­ti­nien, l’Autorité pales­ti­nienne (AP) est la struc­ture qui, dans les enclaves éva­cuées par l’armée israé­lienne entre 1994 et 2005, exerce dans les ter­ri­toires occu­pés (Cis­jor­da­nie, Jéru­sa­lem-Est et bande de Gaza) des com­pé­tences admi­nis­tra­tives et poli­cières jusqu’alors exer­cées par le Gou­ver­ne­ment mili­taire israé­lien et son Admi­nis­tra­tion civile. Der­nier détail, sur le plan inter­na­tio­nal et dans toutes les négo­cia­tions diplo­ma­tiques avec Israël ou finan­cières avec les bailleurs de fonds (ONU, UE et États du Golfe), c’est l’OLP qui, en tant qu’État de Pales­tine, est seule habi­li­tée, contrai­re­ment à une Auto­ri­té pales­ti­nienne aux com­pé­tences rési­duaires et sans exis­tence juri­dique internationale.

Qua­trième rup­ture, sur fond d’épuisement d’un sou­lè­ve­ment pales­ti­nien davan­tage mili­taire que popu­laire, le Pre­mier ministre Ariel Sha­ron claque la porte du Likoud et fonde Kadi­ma (« En Avant »), un par­ti « médian » com­po­sé de trans­fuges de l’Avoda et du Likoud. Kadi­ma a pour unique man­tra l’abandon du prin­cipe de négo­cia­tions avec l’OLP (sans pour autant la réins­crire sur la liste des orga­ni­sa­tions ter­ro­ristes, com­mu­nau­té inter­na­tio­nale oblige) et la prio­ri­té don­née à une poli­tique uni­la­té­rale. Cette der­nière pren­dra forme sous le plan dit de « désen­ga­ge­ment » (en hébreu, « décon­nexion ») de la bande de Gaza et l’imposition à ce ter­ri­toire auto­nome d’un blo­cus sour­cilleux et tou­jours d’actualité au moment. L’été 2005, la bande de Gaza est éva­cuée uni­la­té­ra­le­ment par l’armée israé­lienne et les implan­ta­tions de peu­ple­ment y sont déman­te­lées, même si l’armée israé­lienne y conserve le contrôle exclu­sif des fron­tières, de l’espace mari­time et de l’espace aérien. Ce qui explique que, selon le droit inter­na­tio­nal et les réso­lu­tions du Conseil de Sécu­ri­té de l’ONU, ce ter­ri­toire auto­nome pales­ti­nien encla­vé entre Israël et l’Égypte reste un ter­ri­toire occupé.

Cin­quième rup­ture, le 11 novembre 2004, le décès de Yas­ser Ara­fat, diri­geant his­to­rique pales­ti­nien et pré­sident à la fois de l’OLP, de sa prin­ci­pale com­po­sante le Fatah et enfin de l’AP. Ruse de l’histoire, la dis­pa­ri­tion du diri­geant pales­ti­nien est sui­vie de celle d’Ariel Sha­ron, plon­gé dans le coma le 4 jan­vier 2006 et décé­dé le 11 jan­vier 2014. Côté pales­ti­nien, une élec­tion pré­si­den­tielle (boy­cot­tée par le Hamas) est orga­ni­sée en jan­vier 2005 et porte au pou­voir Mah­moud Abbas, ancien bras droit de Yas­ser Ara­fat et cosi­gna­taire des accords d’Oslo aux côtés de Shi­mon Per­es. Côté israé­lien, Ehoud Olmert, trans­fuge du Likoud, se hisse à la tête de Kadi­ma et met sur pied une coa­li­tion brin­que­ba­lante ayant pour ambi­tion de rompre quelque peu avec l’unilatéralisme de départ en ten­tant de reprendre langue avec l’OLP. Pour­sui­vi (et ensuite condam­né) pour cor­rup­tion active, Ehoud Olmert est rem­pla­cé par Tzi­po­ra « Tzi­pi » Liv­ni, autre trans­fuge du Likoud. Cet inter­mède « cen­triste » prend fin au prin­temps 2009, avec le retour au pou­voir d’un Likoud ragaillar­di par Binya­min Neta­nya­hou et sou­te­nu par les par­tis ultra-ortho­doxes, le par­ti rus­so­phone laïc d’extrême droite Yis­raël Bei­tei­nou (« Israël Notre Foyer ») d’Avigdor « Evet » Lie­ber­man, ain­si qu’un nou­veau venu, HaBayit HaYe­hu­di (« Le Foyer juif »), né sur les cendres du Maf­dal reli­gieux-natio­nal. C’est cette coa­li­tion qui est à la tête d’Israël depuis mars 2009.

Sixième rup­ture, et non des moindres, en jan­vier 2006, de nou­velles élec­tions pour le Conseil légis­la­tif pales­ti­nien (CLP, par­le­ment de l’AP auto­nome) sont convo­quées et, der­rière le paravent de listes élec­to­rales bap­ti­sées Taghyîr wa Islâh (« Chan­ge­ment et Réforme »), le Hamas par­ti­cipe au scru­tin et l’emporte sur le Fatah. Pour la pre­mière fois dans son his­toire, l’inamovible Fatah (et donc l’OLP) est en passe de perdre le pou­voir au pro­fit de son adver­saire le plus déter­mi­né, le mou­ve­ment isla­mo-natio­na­liste du Hamas. Dans un pre­mier temps, le Fatah refuse par tous les moyens de recon­naître sa défaite, avant d’accepter la mise sur pied d’un exé­cu­tif d’unité natio­nale à la tête de l’AP. Outre que les pro­messes d’intégrer le Fatah dans l’OLP ne sont pas tenues1, le nou­vel exé­cu­tif de l’OLP est mis sur la touche par les bailleurs de fonds inter­na­tio­naux, ces der­niers refu­sant de trai­ter avec des ministres issus d’un Hamas qui figure tou­jours sur diverses listes d’organisations ter­ro­ristes, entre autres celle éta­blie par l’Union euro­péenne. En juin 2007, le frêle esquif pales­ti­nien vole en éclats. S’accusant mutuel­le­ment de ten­ta­tive de putsch, le Fatah gou­verne par décrets à la tête d’une AP n’exerçant plus ses maigres com­pé­tences qu’en Cis­jor­da­nie et, inver­se­ment, le Hamas expulse le Fatah de la bande de Gaza et une autre AP, estam­pillée Hamas et diri­gée par le Pre­mier ministre élu Ismaïl Haniyeh, exerce un pou­voir exclu­sif sur la seule bande de Gaza dont s’est entre­temps reti­rée l’armée israélienne.

Sep­tième rup­ture, à par­tir de 2010, des révoltes popu­laires ont écla­té dans plu­sieurs États arabes. Sur­nom­mées dans la presse occi­den­tale les « prin­temps arabes » (en réfé­rence euro­péo­cen­trée au « prin­temps des peuples » de 1848), ces révoltes ont pour la plu­part échoué ou ont été vain­cues par la répres­sion. Quelle que fût leur issue, ces mou­ve­ments popu­laires ont dura­ble­ment désta­bi­li­sé un Moyen-Orient dont la sta­bi­li­té dic­ta­to­riale offrait un rela­tif confort poli­tique et moral, tant aux chan­cel­le­ries occi­den­tales qu’aux mou­ve­ments de gauche, pour qui le Moyen-Orient se résu­mait à un conflit israé­lo-pales­ti­nien confi­né dans un espace plus petit que la Bel­gique et char­gé de sym­bo­liques reli­gieuses et eth­niques fai­sant écho aux psy­chés col­lec­tives euro­péennes. En bref, quand ils n’ont pas été aban­don­nés à leur sort, les Pales­ti­niens ont été rame­nés à un sta­tut qui fait d’eux un peuple arabe et moyen-orien­tal « comme les autres », et ce pour le meilleur et appa­rem­ment le pire.

Hui­tième rup­ture, le sou­lè­ve­ment hors normes d’une large par­tie de la socié­té syrienne contre une dic­ta­ture baa­siste exer­çant un pou­voir d’une vio­lence extrême depuis un demi-siècle et répri­mant de façon tout aus­si extrême des mani­fes­ta­tions au départ paci­fiques. En quelques années, la révolte a certes été écra­sée par une coa­li­tion ira­no-syro-russe, mais l’intermède durant lequel l’État baa­siste a été sur le point de s’effondrer a per­mis à une nou­velle forme de vio­lence poli­tique d’émerger, celle d’un isla­misme pra­ti­quant une vio­lence aus­si extrême que l’“État de bar­ba­rie” (©Michel Ser­rat) et flo­ris­sant sur une pro­messe mes­sia­nique. L’élection de Donald Trump à la pré­si­dence des États-Unis d’Amérique et celle d’un Congrès dont la majo­ri­té répu­bli­caine n’a jamais été aus­si conser­va­trice sont venues accom­pa­gner cette hui­tième rup­ture. Il est encore trop tôt pour éva­luer l’onde de choc que pro­vo­que­ra cette nou­velle phase dans l’histoire nord-amé­ri­caine et trans­at­lan­tique. Mais, outre sa bru­tale impré­vi­si­bi­li­té, on note­ra que, concer­nant le Moyen-Orient, l’administration Trump se dis­tingue d’ores et déjà par ce qu’un édi­to­ria­liste israé­lien, sur fond de car­nage dans la bande de Gaza, qua­li­fie de « muta­tion des rela­tions israé­lo-amé­ri­caines d’une alliance poli­tique en une alliance mes­sia­nique »2.

Neu­vième rup­ture, la recon­nais­sance de l’État de Pales­tine (pro­cla­mé par l’OLP en novembre 1988) par l’Assemblée géné­rale de l’ONU qui, en novembre 2012, lui a accor­dé le sta­tut d’État obser­va­teur non membre, au même titre que l’État du Saint-Siège. La fai­blesse de cet État quelque peu sur­réa­liste ne tient pas seule­ment à son impuis­sance insigne face à l’État d’Israël et son allié nord-amé­ri­cain, mais aus­si et sur­tout au fait que l’OLP n’inclut pas, et donc n’engage pas le Hamas (cf supra), lequel est pour­tant majo­ri­taire dans les ter­ri­toires occu­pés, exerce le pou­voir de l’AP dans la bande de Gaza, mais est exclu du pou­voir en Cis­jor­da­nie, là où le Fatah, absence de majo­ri­té par­le­men­taire oblige, gou­verne par décrets présidentiels. 

L’on pour­rait encore citer d’autres rup­tures sur­ve­nues depuis la publi­ca­tion au prin­temps 1998 de notre dos­sier « 1948 – 1998 – Israël-Pales­tine : nations en quête d’État(s)». Mais il est impos­sible d’être exhaus­tif, à moins d’orienter les lec­teurs et lec­trices vers tout ce que La Revue nou­velle a entre­temps écrit sur le conflit.

Tout au plus, on invi­te­ra à médi­ter ce qui suit.

Pre­miè­re­ment, et contrai­re­ment à ce que laisse à croire une lec­ture a pos­te­rio­ri des évé­ne­ments, l’histoire n’est jamais écrite à l’avance et ne suit jamais un cours linéaire. Il en va de même pour les acteurs juifs israé­liens et arabes pales­ti­niens du conflit, les­quels ont rêvé, pen­sé et agi en fonc­tions de leurs modèles cultu­rels res­pec­tifs, de leurs posi­tions (au sens socio­lo­gique du terme) res­pec­tives, de leurs angoisses exis­ten­tielles res­pec­tives et, aus­si, de leurs angles morts res­pec­tifs. Face à cela, tant les « experts » que les lec­teurs doivent faire preuve d’humilité et de sobriété.

La deuxième, c’est qu’aucune solu­tion exhaus­tive au conflit israé­lo-pales­ti­nien ne sera durable et construc­tive d’un ave­nir meilleur si elle fait insulte au pas­sé, à la mémoire et au pré­sent de ces deux socié­tés et de ces deux peuples enga­gés dans un conflit dou­ble­ment exis­ten­tiel et pour­tant inex­tri­ca­ble­ment mêlés.

  1. Bien qu’ayant par­ti­ci­pé aux élec­tions légis­la­tives de 2006 et obte­nu la majo­ri­té des voix et des sièges au CLP, le Hamas dirige l’Autorité pales­ti­nienne dans la bande de Gaza. Mais, en dépit de ten­ta­tives éphé­mères, le mou­ve­ment isla­mo-natio­na­liste ne fait pas par­tie de l’OLP. En Pales­tine et dans la dia­spo­ra pales­ti­nienne, le Hamas reste donc une orga­ni­sa­tion tota­le­ment indé­pen­dante de l’OLP et n’est donc pas repré­sen­té par l’État de Pales­tine (cf infra).
  2. Hemi Sha­lev, « L’alliance mes­sia­nique domine désor­mais les rela­tions israé­lo-amé­ri­caines » (en hébreu), Haa­retz, 15 mai 2018. Repu­blié en fran­çais dans Cour­rier inter­na­tio­nal du 17 mai 2018 sous le titre « Après le drame de Gaza, l’image ter­nie d’Israël ».

Pascal Fenaux


Auteur

Pascal Fenaux est membre du comité de rédaction de La Revue nouvelle depuis 1992. Sociologue, il a poursuivi des études en langues orientales (arabe et hébreu). Il est spécialiste de la question israélo-palestinienne, ainsi que de la question linguistique et communautaire en Belgique. Journaliste indépendant, il est également «vigie» (veille presse, sélection et traduction) à l’hebdomadaire Courrier international (Paris) depuis 2000. Il y traite et y traduit la presse «régionale» juive (hébréophone et anglophone) et arabe (anglophone), ainsi que la presse «hors-zone» (anglophone, yiddishophone, néerlandophone et afrikaansophone).