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Iran : journalistes et militants muselés en vue de l’élection présidentielle

Blog - e-Mois par Pierre Vanrie

mai 2013

A l’approche des élec­tions pré­si­den­tielles du 14 juin pro­chain, la répres­sion se fait de plus en plus sen­tir. Le site d’opposition Kaleme (www.kaleme.com), proche des lea­ders de l’opposition main­te­nus en rési­dence sur­veillée (Mir Hos­sein Mous­sa­vi et Mah­di Karou­bi) fait ain­si état de la pré­sence de plus en plus visible de poli­ciers dans les rues de […]

e-Mois

A l’approche des élec­tions pré­si­den­tielles du 14 juin pro­chain, la répres­sion se fait de plus en plus sen­tir. Le site d’opposition Kaleme (www.kaleme.com), proche des lea­ders de l’opposition main­te­nus en rési­dence sur­veillée (Mir Hos­sein Mous­sa­vi et Mah­di Karou­bi) fait ain­si état de la pré­sence de plus en plus visible de poli­ciers dans les rues de la capitale.

Par ailleurs, et ce n’est pas le moindre des para­doxes, les périodes pré­élec­to­rales sont sou­vent en Iran des moments où l’on constate un rela­tif relâ­che­ment de l’appareil répres­sif et de la cen­sure à l’égard des médias. C’est ain­si que le pay­sage de la presse écrite ira­nienne se dis­tingue depuis plu­sieurs mois par la dif­fu­sion de quelques titres (tels le quo­ti­dien Bahar) qui ont adop­té une pru­dente liber­té de ton sur les sujets socié­taux et qui sur le plan poli­tique affichent des opi­nions proches des cou­rants réfor­ma­teurs. Nul doute que la frac­ture à l’œuvre dans le camp conser­va­teur avec sché­ma­ti­que­ment un affron­te­ment entre gou­ver­ne­ment sor­tant et Ahma­di­ne­jad d’une part et la ten­dance regrou­pée autour du Guide suprême, l’Ayatollah Kha­me­nei, d’autre part, s’étale déjà dans les médias, lais­sant la pos­si­bi­li­té d’expression d’opinions diver­gentes. Est-ce dû aux frac­tures d’un pou­voir, qui s’il a tou­jours été auto­ri­taire n’a jamais été mono­li­thique, que la presse ira­nienne d’Iran réus­sit encore par­fois à sur­prendre ? Est-ce une volon­té déli­bé­rée des auto­ri­tés à la veille d’un scru­tin tou­jours sen­sible de lâcher un peu de lest ? Ou bien est-ce dû à la pres­sion d’une par­tie de la socié­té, et notam­ment de la jeu­nesse, dont ce relâ­che­ment est une manière de cana­li­ser l’énergie ? Sans doute un peu de tout cela à la fois, même si l’ouverture du débat pré-élec­to­ral il y a quatre ans aura sans doute contri­bué à l’expression d’une contes­ta­tion qui secoua le régime et fut alors dure­ment réprimée.

Retour en prison

Tou­jours est-il que cette période est donc para­doxa­le­ment aus­si syno­nyme d’une répres­sion impor­tante ciblant pré­ci­sé­ment les jour­na­listes et les mili­tants poli­tiques 1 . C’est ain­si que ceux qui béné­fi­ciaient d’une per­mis­sion plus ou moins longue sont désor­mais « rap­pe­lés » en pri­son. Baha­reh Hedayat, mili­tante poli­tique issue du milieu étu­diant condam­née à neuf de pri­son, et Shi­va Nazar Aha­ri, mili­tante des droits de l’homme et jour­na­liste condam­née à quatre ans de pri­son, ont toutes deux dû retour­ner à la pri­son d’Evine ce 20 mai, leurs per­mis­sions n’ayant pas été prolongées.

C’est éga­le­ment le cas pour les jour­na­listes Mas­soud Bas­ta­ni et Bah­man Ahma­di Amouee 2 dont les per­mis­sions n’ont pas non plus été pro­lon­gées. Ces deux jour­na­listes retournent en pri­son alors que leurs épouses res­pec­tives, Mah­sa Amra­ba­di et Jila Bani Yaghoub y purgent déjà cha­cune une peine de pri­son. Ces der­nières sont en effet incar­cé­rées dans la sec­tion des femmes de la pri­son d’Evine à Téhé­ran, tan­dis que leurs maris le sont à Karaj. L’Iran se dis­tingue ain­si en empri­son­nant des couples de jour­na­listes. Jila Bani Yaghoub et Bah­man A. Amouee avaient été arrê­tés très vite après le début des pro­tes­ta­tions qui avaient sui­vi le scru­tin pré­si­den­tiel de juin 2009 mar­qué par de sérieuses irrégularités.

Le régime semble ain­si déci­dé à contrô­ler au mieux l’information concer­nant une élec­tion qui il y a quatre ans l’avait fait vaciller. Et cela passe donc par la « mise à l’écart » de ceux, mili­tants poli­tiques, blo­gueurs et jour­na­listes qui, il y a quatre ans, s’étaient mon­trés très actifs en infor­mant sur l’ampleur de la contes­ta­tion. Sur le plan poli­tique, l’élimination par le Conseil des gar­diens des can­di­da­tures à l’élection pré­si­den­tielle de Hache­mi Raf­sand­ja­ni – qui mal­gré toutes ses ambi­guï­tés, incar­nait pour une par­tie du camp réfor­ma­teur l’espoir d’un chan­ge­ment – de même que celle de Esfan­diar Rahim Mashaie – dau­phin d’Ahmadinejad contes­té dans le camp conser­va­teur – illustre éga­le­ment la volon­té du régime de faire de cette élec­tion, qui dans ces condi­tions perd de son attrait, une for­ma­li­té sans remous et sans dangers.

  1. Lire à ce pro­pos l’article de Jean-Paul Mar­thoz du 12 mai « L’Iran pré­pare les élec­tions en empri­son­nant des jour­na­listes » : http://blog.lesoir.be/lalibertesinonrien/2013/05/12/liran-prepare-les-elections-en-emprisonnant-des-journalistes/
  2. Lire « Bah­man Ahma­di Amouee : un pri­son­nier d’opinion ira­nien emblé­ma­tique » : http://www.revuenouvelle.be/spip.php?article2679

Pierre Vanrie


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