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Imprudence !

Blog - Anathème - Etat de droit marché public par Anathème

octobre 2015

Charles Michel a par­fai­te­ment raison.

Comme cha­cun le sait, un homme poli­tique est au ser­vice de la nation et du bien com­mun. Il est un lea­der, celui qui, à l’avant-garde, invite la masse à le suivre sur les routes de l’avenir. Il est un conquérant.

Dès lors, peu importe qu’il res­pecte la loi ou l’éthique. Les règles, c’est pour les bœufs, pour les abru­tis, pour les faibles, pour les petits joueurs. Lui est bien au-des­sus, loin, stratosphérique.

Anathème

C’est le libé­ra­lisme qui, le mieux, a su expri­mer ce fait. Les élites ne doivent pas être entra­vées car elles ouvrent la voie pour les faibles et les demeu­rés ; elles doivent, même, être récom­pen­sées pour leur har­diesse. Les libé­raux se sont fait tout seuls, ils ont pris des risques, se sont éloi­gnés des sen­tiers bat­tus, acceptent que nous les sui­vions, mais doivent être jus­te­ment récom­pen­sés pour leur prise de risque. Regar­dez Charles Michel et Alexan­der De Croo, leur des­ti­née ne parle-t-elle pas d’elle-même ?

L’imprudence est alors une ver­tu ; pour­vu qu’elle paie, bien enten­du, car l’Histoire ne nous juge que sur nos résul­tats. Osez pré­tendre qu’il vous inté­resse de savoir si le Géné­ral De Gaulle avait payé son ticket de fer­ry pour l’Angleterre, ou si Pas­teur avait res­pec­té l’ensemble des règles de pru­dence et de déon­to­lo­gie avant de tes­ter son vac­cin, ou si George W. Bush avait réel­le­ment des infor­ma­tions indi­quant la pré­sence d’armes de des­truc­tion mas­sive en Irak. Ce qui compte, c’est le résul­tat. Bref, c’est la légende qui jus­ti­fie le fran­chis­se­ment du Rubi­con par Jules César.

Du reste, quand on est une per­son­na­li­té aus­si impor­tante qu’un pre­mier ministre belge ; ou même qu’une ministre de la mobi­li­té belge ; quand on est quelqu’un que les plus puis­sants consi­dèrent avec défé­rence, que les plus riches approchent avec cir­cons­pec­tion, que les plus célèbres admirent secrè­te­ment, alors, res­pec­ter les règles ima­gi­nées pour domes­ti­quer le vul­gum pecus n’a aucun sens. Qui son­ge­rait à leur en faire le reproche, d’ailleurs ?

Bri­der son génie ? Réfré­ner ses ardeurs ? Deve­nir rai­son­nable ? Pour­quoi ? Pour rater le train de l’histoire ? Non mer­ci ! Pour, lea­der cul-de-jatte, ne plus pou­voir ouvrir le che­min à son peuple ? Pour, maré­chal désar­mé, renon­cer à mener les fan­tas­sins de la crois­sance au champ de bataille de la compétitivité ?

Quel déri­soire petit juge ose­rait pré­tendre appli­quer le droit au mes­sa­ger de la des­ti­née ? Quel peuple inculte pour­rait pré­tendre com­prendre la fin jus­ti­fiant les moyens ? La valeur des puis­sants ne s’exprime qu’affranchie de toute contrainte et les tenir pour comp­tables de leurs infrac­tions revien­drait à leur repro­cher leur génie. Nous ne le devons pas. Nous ne le pou­vons pas.

Jac­que­line Galant a fait ce que tout membre de la race des sei­gneurs doit faire. Elle s’est moquée de la règle comme d’une guigne. Elle a tra­cé sa route, mépri­sant les fri­leux, les conser­va­teurs, les médiocres. De là où elle est, elle voit des contrées qui ne s’offrent au regard que des plus intré­pides, elle nous en parle ; elle nous raconte ces val­lées où coulent le lait et le miel, où les trains roulent sans accom­pa­gna­teur, où la ponc­tua­li­té s’accroît à mesure que fondent les bud­gets, où les hommes sont heu­reux du doux ron­ron­ne­ment des avions au-des­sus de leur toit, où les embou­teillages sont un loi­sir. Fadaises ? N’est-ce point ce qui fut tou­jours dit par les petits esprits ? N’est-ce point ce qu’on rétor­qua à Gali­lée, Ein­stein, Englert et Ducarme ?

Comme il serait ridi­cule que nous pre­nions pré­texte de normes abs­conses pour entra­ver l’action de Jac­que­line Galant ! Comme cela nous han­di­ca­pe­rait tous ! Non, nous ne pou­vons lui repro­cher de n’avoir pas tenu compte de l’avis de son admi­nis­tra­tion. Pas davan­tage n’avons-nous le droit de lui tenir rigueur de ses men­songes à la presse. Comme si elle avait du temps à perdre à expli­quer qu’elle est au-des­sus des règles du commun !

Charles Michel a rai­son : elle a été impru­dente. Mais ce qu’il omet de dire, c’est qu’elle a eu rai­son. C’est sa fonc­tion, son devoir de l’être.

« Mer­ci, Madame Galant, nous vous sommes éter­nel­le­ment recon­nais­sants », voi­là ce que devrait dire le peuple belge s’il reve­nait à l’humilité qui fait sa digni­té ! En cour­bant l’échine, de préférence.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.