Skip to main content
logo
Lancer la vidéo

Immigration : faire son marché

Blog - Anathème - immigration par Anathème

septembre 2015

Comme nous le rap­pellent bon nombre des experts en migra­tion pré­sents sur les réseaux sociaux, il est évident que notre socié­té menace de s’écrouler sous l’afflux de réfu­giés, de basa­nés, de musul­mans, de migrants, d’étrangers, enfin, de pas-comme-nous. Bref, ça suf­fit, il faut abso­lu­ment nous protéger !

Anathème

En même temps, de nom­breux rap­ports pointent qu’il est ren­table d’accueillir de nou­veaux habi­tants, sur­tout dans de vieux pays à la nata­li­té en berne. Voi­là qui est ten­tant car, si nous sou­hai­tons à tout prix pré­ser­ver notre mode de vie, notre culture et nos valeurs, nous devons recon­naître que ceux-ci sont essen­tiel­le­ment carac­té­ri­sés par la cen­tra­li­té de l’argent. Nous pou­vons vivre avec l’image de migrants noyés s’échouant sur nos plages, au voi­si­nage des pires conflits, han­tés par la vague conscience de désta­bi­li­ser les pays émer­gents ou mus par le désir de pour­chas­ser pauvres et chô­meurs au mépris de leurs droits fon­da­men­taux, nous le pou­vons, mais vivre sans crois­sance est au-des­sus de nos forces.

Que faire ? Ouvrir ou ne pas ouvrir les fron­tières ? Heu­reu­se­ment, le dilemme a une issue. Une fois de plus, les forces pro­gres­sistes de la droite nous montrent le che­min : « l’immigration choisie ». 

Choi­sie par nous, s’entend. Il n’est, Dieu mer­ci, pas ques­tion de don­ner à ces hordes de misé­reux le choix de leur des­ti­na­tion et de leur des­tin. Il n’est ques­tion que d’analyser nos besoins – ou, plus spé­ci­fi­que­ment, les exi­gences de la crois­sance – et de déter­mi­ner le pro­fil des per­sonnes qui seront les bien­ve­nues chez nous. Méde­cins ou infir­mières ? Pro­fes­seurs de néer­lan­dais ou ingé­nieurs ? Éboueurs ou juges d’instruction ? Pre­mier ministre ou comp­tables ? Faites votre choix, faites votre marché !

Mais que faire si l’offre est insuf­fi­sante ? Com­ment s’assurer de la qua­li­té des élé­ments recru­tés ? A qui s’adresser dans le cas où un article sélec­tion­né pré­sen­te­rait un défaut ? Com­ment ration­na­li­ser un tant soit peu le sys­tème pour évi­ter de devoir s’adresser à une mul­ti­tude de pays, de ter­ri­toires en révolte ou de zones sous le contrôle de diverses gué­rillas ? Il faut orga­ni­ser le sys­tème, c’est une évidence.

Nous pour­rions, très sim­ple­ment, concen­trer en un lieu les offres et les demandes et créer une bourse aux migrants. Comme cha­cun sait, une bourse est un outil indis­pen­sable pour faire cor­res­pondre de manière opti­male les attentes des ache­teurs et des ven­deurs, comme nous en avons maintes fois fait l’expérience. Quelle aubaine, la solu­tion fait appel à une tech­nique éprou­vée pour laquelle nous dis­po­sons d’un incon­tes­table savoir-faire et de per­son­nel qualifié ! 

Cela étant, il faut immé­dia­te­ment s’ôter de l’esprit que ce pour­rait être une com­pé­tence éta­tique. Moins que d’immigration et d’asile, il s’agirait avant tout d’allocation opti­male des res­sources. Le pri­vé est en la matière le seul sec­teur réel­le­ment à même de mettre en place des sys­tèmes per­for­mants et ren­tables. Ces bourses pri­vées met­traient en rela­tion des recru­teurs et les États ou les socié­tés qui en auraient besoin.

Bien enten­du, et très mal­heu­reu­se­ment, il serait impos­sible de contrô­ler réel­le­ment l’activité des recru­teurs dans les régions où ils s’approvisionnent sans nous rendre cou­pables d’ingérence dans les affaires inté­rieures d’autres États, ce que nous ne pour­rions envi­sa­ger. Quel serait, du reste, le réel dan­ger dès lors que le mar­ché est trans­pa­rent et libre de toute inter­ven­tion éta­tique ? Un Code de bonne conduite, une Déon­to­lo­gie du sec­teur et quelques gentlemen’s agree­ments enca­dre­raient aus­si effi­ca­ce­ment ce mar­ché que ceux de la confec­tion, de l’extraction minière ou de la construction.

Evi­dem­ment, le seul cas dans lequel une inter­ven­tion éta­tique pour­rait être inévi­table et légi­time serait celui où les auto­ri­tés de cer­tains ter­ri­toires refu­se­raient de lais­ser le mar­ché jouer libre­ment. Le prin­cipe de libre-entre­prise est sacré et il est hors de ques­tion que, pour des rai­sons éco­no­miques, huma­ni­taires ou cultu­relles, d’aucuns s’opposent à la libé­ra­li­sa­tion de l’humanité. Cela étant, une fois de plus, nous dis­po­sons d’une appré­ciable expé­rience en matière d’ouverture de mar­chés étran­gers : de la Guerre des Boxers à l’invasion de l’Irak, de l’OMC au TTIP, du FMI à la Banque mon­diale, des excé­dents de la PAC au col­tan afri­cain, nous sommes pas­sés maîtres dans l’art de pro­mou­voir le libre commerce.

Nous dis­po­sons donc de l’ensemble des solu­tions néces­saires. Il serait par­fai­te­ment absurde, face à un pro­blème qui nous empoi­sonne depuis des décen­nies, de ne pas ten­ter de lui appli­quer des recettes qui ont si par­fai­te­ment et si uni­ver­sel­le­ment fonc­tion­né dans d’autres sec­teurs éco­no­miques guère dif­fé­rents de celui qui nous occupe.

Ain­si, d’accord avec notre culture, renouant même avec nos racines romaines et grecques, nous pour­rons mettre en place un mar­ché aux res­sources humaines alloch­tones où s’échangeraient, à des prix variant en fonc­tion des besoins et des appro­vi­sion­ne­ments, ce que l’humanité a de meilleur : elle-même. Pui­sant dans l’ensemble des ter­ri­toires du monde connu, nous ver­rons à nou­veau s’optimiser l’allocation de ses res­sources ; le monde en ferait un bond en avant et nos chers patrons, un bond de joie.

« Il est beau mon Numide ! Ils sont frais mes Ibères ! »

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.