Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.
Il aurait suffi de le demander gentiment
Le militant est déraisonnable, c’est un fait. Il est dès lors impossible de discuter avec lui et cela nous désole. Pourtant, nous ne sommes pas de mauvaise volonté, nous n’avons rien contre les femmes, les Noirs, les cyclistes, les pauvres, les Juifs ou les homos. Mais, que voulez-vous, alors que nous cherchons à échanger démocratiquement, sereinement, […]
Le militant est déraisonnable, c’est un fait. Il est dès lors impossible de discuter avec lui et cela nous désole. Pourtant, nous ne sommes pas de mauvaise volonté, nous n’avons rien contre les femmes, les Noirs, les cyclistes, les pauvres, les Juifs ou les homos. Mais, que voulez-vous, alors que nous cherchons à échanger démocratiquement, sereinement, rationnellement, les choses tournent systématiquement au vinaigre. Accusations, reproches, lamentations, le militant est dans le conflit et le ton monte progressivement jusqu’à l’inévitable échec.
Un récent exemple de ce fait peut être trouvé dans les exactions des militants décolonialistes. Ces personnes n’ont rien trouvé de mieux que de critiquer notre ancien monarque, Léopold II, au prétexte qu’il aurait colonisé le Congo et l’aurait mis en coupe réglée. Outre qu’il n’a jamais mis les pieds dans ces régions et ne peut donc avoir coupé la main de personne1, il faut reconnaitre qu’il a mis fin aux pratiques moyenâgeuses de traite — par les musulmans, il faut oser le dire — pour lui substituer une exploitation bien plus moderne (et rentable). Il faut en outre reconnaitre qu’il a envoyé sur place des missionnaires pour répandre une parole d’amour et de pardon et que, sans lui, nous ne parlerions pas aujourd’hui du Congo, puisqu’il en fit tracer les frontières par ses explorateurs. Le bilan de la colonisation apparait donc bien plus nuancé que ce qu’en disent certains.
Mais soit, il n’est de pire sourd que celui qui ne veut entendre et il est de notoriété commune que les grands hommes ne sont jamais assez remerciés pour leurs œuvres. Nous pouvons nous y résigner. Grands seigneurs, nous aurions pu admettre que certains boudent les cérémonies honorant les diverses statues du souverain qui parsèment notre espace public, qu’ils refusent de loger dans une avenue portant le nom d’un colonisateur, voire expriment poliment, dans des médias de niche, leurs critiques de la colonisation et de ses agents. De notre côté, nous aurions calmement continué à défendre nos propres convictions, à inviter à recontextualiser la colonisation — tout le monde le faisait, donc ce n’était pas si grave —, à inviter à reconnaitre que c’était parfois pire ailleurs, à rappeler que si le Seigneur nous a donné deux mains, être privé de l’une d’elles n’est pas la fin du monde, et aussi mentionner que les colons dotèrent ce pays de beaux dispensaires, d’infrastructures portuaires et de vaillants gendarmes katangais. Car enfin, il faut reconnaitre que nos ancêtre permirent à la civilisation d’arriver jusqu’en ces contrées primitives, comme le faisait remarquer Louis Michel.
Mais voilà, plutôt que de respecter la pluralité, plutôt que d’admettre la liberté de conscience en démocratie, voilà que les partisans d’une décolonisation de l’espace public s’en sont sauvagement pris à des statues qui ne leur avaient rien fait, les barbouillant de peinture, les affublant d’accessoires grotesques et réclamant leur retrait. Sans respect aucun pour ce patrimoine de grande valeur, pour ces œuvres majeures de la statuaire belge, au mépris donc de notre amour du beau et du passé, ils réclamèrent qu’on leur fasse subir, pour des raisons symboliques contestables, un sort que nous ne réservons à nos joyaux nationaux que si le bonheur d’un promoteur immobilier en dépend.
Et quoi ? Devrions-nous céder face à la violence ? Capituler devant les ultimatums ? Nous sommes en démocratie, que diable ! Plutôt mourir que de renoncer à nos plus hauts idéaux face à quiconque d’autre que des fascistes ! Nous refusons de mettre le doigt dans l’engrenage qui nous amènera, tôt ou tard, à être contraints à les supplier de nous pardonner, après leur avoir abandonné tous nos biens en dédommagement et avoir reconnu que le fait d’être blanc était un crime. Car nous l’avons bien vu, tous les militants, un jour ou l’autre, en viennent à commettre des atrocités : les femmes se sont mises à dénoncer leurs agresseurs, les homosexuels ont défilé outrageusement maquillés, les écologistes ont escaladé des centrales nucléaires… Comment voulez-vous discuter avec eux ?
Pourtant, nous étions prêts à des concessions énormes, si on nous l’avait demandé gentiment. Nous envisagions justement d’apposer à côté des statues de colonialistes, mais pas trop près des endroits où nous posons nos gerbes de fleur, un panonceau rappelant les crimes de la colonisation, mais attirant quand même l’attention sur ses points positifs et sur notre innocence totale ; ou de reconnaitre, avec nuance et en privé, que certaines souffrances pourraient bien s’être prolongées jusqu’à aujourd’hui ; voire même d’admettre du bout des lèvres, à midi sur la RTBF, que peut-être certains descendants des colonisés d’hier sont aujourd’hui victimes de discriminations directement liées aux conceptions des êtres humains et des peuples qui rendirent la colonisation possible — tout en rappelant que nous n’en sommes pas surs, et qu’il faudrait faire davantage de recherches, mais qu’hélas, nous n’avons pas envie de payer des historiens pour ça. Nous étions absolument prêts à faire un lourd et sincère travail de mémoire et d’examen de conscience, mais pas sous la menace de la violence antistatuaire.
Mais puisqu’il n’y a pas moyen de discuter, puisqu’on ne nous le demande même pas gentiment, avec les égards qui nous sont dus, nous apposerons une plaque commémorative à l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance du Congo, mais en y glissant des fautes d’orthographe, et nous demanderons au roi d’exprimer des regrets, mais nous croiserons nos doigts dans le dos. Puisqu’on nous force la main, nous cèderons, mais nous n’en penserons pas moins. Bien fait !
- Comme le fit habilement remarquer le Prince Laurent.