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Formateur, un métier d’avenir !

Blog - Anathème par Anathème

janvier 2025

Voilà plus de six mois que nous attendons un gouvernement fédéral… et un bruxellois. Le suspense est évidemment insoutenable. Les promesses se sont succédé à un rythme haletant : « Après notre victoire historique, nous allons rapidement former un gouvernement », « En 100 jours, nous aurons balayé GoodMove », « Nous gouvernerons comme des ingénieurs, et pas comme des poètes », « Évidemment, […]

Anathème

Voilà plus de six mois que nous attendons un gouvernement fédéral… et un bruxellois. Le suspense est évidemment insoutenable. Les promesses se sont succédé à un rythme haletant : « Après notre victoire historique, nous allons rapidement former un gouvernement », « En 100 jours, nous aurons balayé GoodMove », « Nous gouvernerons comme des ingénieurs, et pas comme des poètes », « Évidemment, la campagne des communales ralentit le travail, mais vous allez voir ce que vous allez voir quand nous aurons passé ce cap », « Nous allons donner un coup de collier et, d’ici la fin de l’année… », « Nous sollicitons la NVA pour débloquer la situation » et autres « Cette fois, c’est la bonne ».

Cette musique nous est devenue familière. Plus encore, elle nous rappelle mille autres circonstances : « Le gouvernement va prendre à bras-le-corps le problème de la dette », « Nous allons assurer l’avenir énergétique du pays », « L’hypothèque sur l’avenir de la Sécurité sociale ne sera bientôt qu’un lointain souvenir », « Je démonterai moi-même les échafaudages du Palais de Justice avec mon gros tournevis s’il le faut » … Certes, la nature des promesses diffère, mais puisqu’elles ne sont pas tenues, la différence est imperceptible. Qu’importe qu’on nous promette une solution au problème de l’emploi ou un nouvel Exécutif si ni l’un ni l’autre n’adviennent ?

Certes, la position peut être considérée comme délicate. Nous n’avons pas de gouvernement fédéral, mais nous avons l’Arizona, une « constellation », comme l’avait nommée un des négociateurs en chef quand il cherchait à bloquer toute avancée parlementaire sur les droits des femmes en matière d’avortement… Et puis, nous avons un formateur, des fuites dans les journaux, des spéculations sur l’entente entre les présidents de parti, des défis à la hauteur desquels nous ne serons pas, des trains que nous ne prendrons pas en marche, des « tous autour de la table », des « sans a priori idéologique », des promesses électorales trahies et des sorties assassines des uns à propos des autres. Voilà qui ne nous change pas vraiment de la Vivaldi, qui fut un champ de bataille durant toute une législature.

Certes, les négociateurs ne sont pas les ministres, ils n’exercent pas le pouvoir. Mais les ministres de plein exercice eux-mêmes le font-ils ? Dès lors qu’ils sont aux ordres de leurs présidents de parti, lesquels forment aujourd’hui la constellation précitée, cela change-t-il quoi que ce soit ? Le gouvernement en place n’a pas la majorité devant les chambres ? L’Arizona non plus… et la Vivaldi l’avait-elle réellement lorsque ses ministres refusaient de s’expliquer devant le Parlement ?

On le voit, il y a de quoi douter de la réelle importance d’un gouvernement et se demander s’il ne serait pas plus simple de s’en passer. Serait-ce une révolution ? Certainement pas, tout au plus, un approfondissement d’un processus entamé il y a bien longtemps. Dès le berceau, la Belgique s’est en effet débarrassée de la question du chef de l’État en confiant ce poste à un souverain acheté à l’étranger et privé de tout pouvoir. Certes, cette absence de poids politique fut relative au fil du temps, mais aujourd’hui, nous semblons avoir atteint la fin d’un long processus : plus personne n’imagine notre bon Roi Philippe exerçant un quelconque pouvoir, fût-ce un magistère d’influence.

Il est/semble temps de passer à l’étape suivante : une simple modification de la Constitution, une septième réforme de l’État, la dernière. Il s’agira de modifier le premier alinéa de l’article 96 de la Constitution. « Le Roi nomme et révoque ses ministres » en « Le Roi nomme et révoque ses formateurs » et à faire du poste de ministre en affaires courantes, une charge héréditaire. Enfin débarrassés de l’obligation de réussir quoi que ce soit, soulagés de ne plus devoir tenter d’accomplir des exploits dont ils se savent incapables, les présidents de partis pourront vaquer paisiblement à leurs occupations, d’oukase en conclave, de sine qua non en alea jacta est, de super note en réunion de la dernière chance, de nuit décisive en appels à une discussion constructive. Ce système assurera la tranquillité des citoyens, désormais prémunis de toute tentative infructueuse de mettre en œuvre une réforme imaginée à 3 heures du matin lors d’une nuit de négociations « au finish » sur la base d’une note de 2 pages préparées dans l’urgence par un collaborateur ignorant tout du sujet. Mais il réalisera également le rêve de notre personnel politique : lui garantir une existence médiatique.

Évidemment, tous les cinq ans, nous voterons pour permettre le remplacement des joueurs, épuisés de tant de rebondissements et de retournements de vestes.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.