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Fête des mères
Dans tous les milieux, il se trouve des esprits chagrins pour affirmer que nos contemporains sont indifférents à tout, qu’ils se soucient de leur prochain comme d’une guigne, qu’ils sont prêts à laisser crever un pauvre malheureux sur son seuil sans réagir, sans créer de pétition en ligne pour protester contre l’injustice du monde, sans même poster une photo de l’agonisant sur Instagram.
Ils n’ont pas tort. Mais on parle trop peu des bonnes nouvelles. Or, certaines exceptions nous rendent espoir.

Ainsi, une récente expérience pilote dans l’enseignement a‑t-elle entrainé un tel flot de réactions que se trouvent démentis les Cassandre. Certes, il ne s’agissait pas de contester le Pacte d’excellence ou la hausse du minerval pour les étudiants étrangers, mais pas pour autant d’une mesure sans importance.
En effet, une école a pris la décision de ne plus préparer de cadeau pour la fête des mères, afin d’éviter de porter atteinte aux enfants qui manqueraient de mère à fêter. On peut supposer que la même décision fut prise pour la fête des pères. Ils sont nombreux, les enfants dépourvus de père ou de mère. Dans bien des familles monoparentales, l’un des parents est totalement absent, souvent le père ; dans d’autres, l’un des parents est décédé. Parfois aussi, les enfants sont placés, loin de géniteurs déchus de leur autorité à la suite de négligences ou de mauvais traitements. Parfois aussi, ils ont simplement deux pères ou deux mères.
La décision a fait scandale. Par malheur, il n’était pas possible d’accuser les musulmans, lesquels n’interdisent pas de fêter les mères et les pères. On imagine les regrets de certains qu’il n’ait pas été question de supprimer la Saint-Nicolas.
Heureusement, cependant, il était possible de s’en prendre aux familles homoparentales, ces familles anormales qui nous imposent leur mode de vie, qui revendiquent, qui se plaignent de l’existence de familles normales, qui bientôt exigeront que nous nous excusions de notre sain mode de vie, de nos cocons harmonieux où règne l’amour, la paix et le bon gout.
Ceux-là même qui ont passé les derniers mois à s’en prendre aux musulmans en se revendiquant de la défense des homosexuels et des femmes ont surement éprouvé un grand soulagement de se voir offrir cette occasion de rappeler qu’ils n’avaient « rien contre les homosexuels, tant qu’ils restaient discrets » et qu’une femme « c’est avant tout une mère que ses enfants aiment à grands coups de colliers de nouilles ». Bref, ils furent nombreux à s’insurger et à protester pour défendre cette belle fête contre les attaques des déviants.
C’est un signe d’espoir, car, ne nous y trompons pas, en volant au secours de la boite à bijoux peinte à la gouache et des diplômes de meilleure maman du monde, c’est un ordre sociétal que défendent les partisans de la fête des mères. C’est au secours d’un ordre naturel qu’ils se portent. C’est aussi un ordre économique qu’ils sauvent. Car chacun sait où mène cet engrenage : à la désaffection généralisée pour la fête des mères et pour celle des pères.
Les parfumeurs ne s’y sont pas trompés, qui ont certainement poussé un soupir de soulagement : un de leur plus lucratifs week-ends a trouvé ses protecteurs. Les boutiquiers peuvent se rassurer : le calendrier des fêtes commerciales, qui mit des années à s’établir sur les ruines du calendrier liturgique chrétien, n’est pas remis en question. Le danger semble écarté d’un grand vide entre les œufs de Pâques et les gaufres sur la digue. L’équilibre temporel est préservé.
Qu’il soit triste pour certains enfants de rentrer à la maison avec un poème qu’ils ne pourront réciter à personne, c’est incontestable, mais il est à espérer que leurs enseignants et parents subsistants sauront les consoler en leur rappelant que leur douleur n’est rien à côté de celle d’un parfumeur inconsolable devant ses invendus.
Grandir, c’est apprendre que l’on ne doit pas penser qu’à soi.