Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.
Faire triompher la démocratie
Les résultats du premier tour des régionales françaises ont été un choc terrible. Le Front national, premier parti du Pays des Lumières, voilà qui écorne l’image de la France comme « berceau des droits de l’homme » ! C’était bien la peine d’avoir pris la Bastille…
Heureusement, se ressaisissant, les électeurs se sont précipités pour voter pour des candidats démocrates et républicains, défendant, certes, la fermeture des frontières, l’abolition du mariage entre personnes de même sexe, la restriction de l’accès à la sécurité sociale ou le fichage généralisé de la population, mais en tout bien tout honneur, en irréprochables démocrates.
Certains, bien entendu, osèrent dire qu’il fallait laisser le FN accéder au pouvoir, afin qu’il soit clair aux yeux de tous qu’il était aussi médiocre que le reste du paysage politique, que, lui non plus, n’avait pas de projet de société autre que la crispation, que, lui aussi, était privé de toute intelligence de la situation actuelle, qu’il était aussi corrompu que n’importe qui, bref, afin de convaincre une fois pour toutes l’électeur qu’en effet « il n’y a pas d’alternative » et que seule la résignation est raisonnable.
C’eût cependant été jouer avec le feu. Imaginez les cohortes d’affidés sans emploi, la perte massive de sinécures et de voies de garage. Mettre au chômage tant d’amis quand les temps sont si durs pour les chômeurs, voilà qui aurait été irresponsable ! Les partis démocratiques sont humains, eux, ils se refusent à de telles extrémités, ils ne pourraient envisager de vouer à la misère tant de fidèles amis. Et que penser de la perspective de devoir développer une politique d’opposition face au FN, alors que, depuis des décennies, le jeu de la majorité et de l’opposition se joue à deux ?
Pousser l’électeur à la résignation, voilà un louable objectif, mais il y a des moyens moins radicaux qu’un bouleversement des pratiques politiques. Il vaut mieux appeler le peuple à faire barrage au second tour : la seule alternative à la résignation est la compromission aux côtés de l’extrême-droite. Mission accomplie ! Voilà le FN Gros-Jean comme devant, tandis que les vrais républicains restent aux commandes des régions. Une fois de plus, les électeurs ont pris leurs responsabilités et ont prouvé qu’un pistolet dans la nuque n’est pas la meilleure façon de les amener à voter massivement pour des candidats qui les répugnent.
Il ne faut pas pour autant s’endormir sur ses lauriers. Il faut, une bonne fois pour toutes, se débarrasser du péril noir. Et ce défi se pose en France et en Belgique, soyons-en sûrs !
Nous entendons bien ceux qui invitent les politiciens à retrouver les racines de leur engagement et à redéfinir un projet socialiste, centriste ou libéral délivré du tropisme frontiste. La belle affaire : il faudrait relire Marx et Mills ? Il faudrait se comparer aux grands anciens, à de Gaulle ou Jaurès ? Il faudrait développer des politiques engagées qui, inévitablement, seraient insatisfaisantes pour certains… peut-être même pour les dirigeants ? Il faudrait en outre développer des politiques fondées sur des positionnements idéologiques et non sur la volonté de satisfaire tour-à-tour un public puis un autre ?
Soyons honnêtes, la piste du sursaut politique n’est pas raisonnable. Elle mettrait en péril notre système politique, cette démocratie que nous nous sommes promis de ne pas remettre en cause sous la pression des éléments radicalisés de notre société.
La seule solution raisonnable est bien plus simple : il suffit de continuer ce qui a été entrepris depuis plus de 20 ans mais qui n’a pas encore pu être entièrement mené à bien. Avouons-le, il serait regrettable de jeter aux orties une évolution idéologique qui a tant coûté en renoncements. Sans compter que des dizaines de politiques perdraient alors toute efficacité, elles qui n’ont jamais eu d’autre objectif que d’assurer le confinement de l’extrême-droite dans l’opposition. Les « plus de bleu dans les rues » (et maintenant « plus de kaki »), les chasses aux chômeurs, le maintien des candidats réfugiés dans des conditions indignes, les discours vexatoires vis-à-vis des musulmans, tout ça pour rien ?
Il faut donc que les véritables démocrates continuent à reprendre des pans entiers du programme de l’extrême-droite et à mettre en œuvre des mesures caricaturales et inutiles. Il leur faut même redoubler d’ardeur ! Soyons confiants, le fond n’est certainement pas loin. Bientôt, à n’en pas douter, ils auront entièrement siphonné le réservoir des fascistes. Alors, à court d’arguments et d’idées propres, ceux-ci n’auront d’autre choix que de jeter le gant.
Seuls resteront en lice de sincères démocrates, ce qui suffit, à l’évidence, à garantir la vitalité d’une saine démocratie.