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Faire triompher la démocratie

Blog - Anathème - démocratie extrême droite France Front national par Anathème

décembre 2015

Les résul­tats du pre­mier tour des régio­nales fran­çaises ont été un choc ter­rible. Le Front natio­nal, pre­mier par­ti du Pays des Lumières, voi­là qui écorne l’image de la France comme « ber­ceau des droits de l’homme » ! C’était bien la peine d’avoir pris la Bastille…

Heu­reu­se­ment, se res­sai­sis­sant, les élec­teurs se sont pré­ci­pi­tés pour voter pour des can­di­dats démo­crates et répu­bli­cains, défen­dant, certes, la fer­me­ture des fron­tières, l’abolition du mariage entre per­sonnes de même sexe, la res­tric­tion de l’accès à la sécu­ri­té sociale ou le fichage géné­ra­li­sé de la popu­la­tion, mais en tout bien tout hon­neur, en irré­pro­chables démocrates.

Anathème

Cer­tains, bien enten­du, osèrent dire qu’il fal­lait lais­ser le FN accé­der au pou­voir, afin qu’il soit clair aux yeux de tous qu’il était aus­si médiocre que le reste du pay­sage poli­tique, que, lui non plus, n’avait pas de pro­jet de socié­té autre que la cris­pa­tion, que, lui aus­si, était pri­vé de toute intel­li­gence de la situa­tion actuelle, qu’il était aus­si cor­rom­pu que n’importe qui, bref, afin de convaincre une fois pour toutes l’électeur qu’en effet « il n’y a pas d’alternative » et que seule la rési­gna­tion est raisonnable.

C’eût cepen­dant été jouer avec le feu. Ima­gi­nez les cohortes d’affidés sans emploi, la perte mas­sive de siné­cures et de voies de garage. Mettre au chô­mage tant d’amis quand les temps sont si durs pour les chô­meurs, voi­là qui aurait été irres­pon­sable ! Les par­tis démo­cra­tiques sont humains, eux, ils se refusent à de telles extré­mi­tés, ils ne pour­raient envi­sa­ger de vouer à la misère tant de fidèles amis. Et que pen­ser de la pers­pec­tive de devoir déve­lop­per une poli­tique d’opposition face au FN, alors que, depuis des décen­nies, le jeu de la majo­ri­té et de l’opposition se joue à deux ?

Pous­ser l’électeur à la rési­gna­tion, voi­là un louable objec­tif, mais il y a des moyens moins radi­caux qu’un bou­le­ver­se­ment des pra­tiques poli­tiques. Il vaut mieux appe­ler le peuple à faire bar­rage au second tour : la seule alter­na­tive à la rési­gna­tion est la com­pro­mis­sion aux côtés de l’extrême-droite. Mis­sion accom­plie ! Voi­là le FN Gros-Jean comme devant, tan­dis que les vrais répu­bli­cains res­tent aux com­mandes des régions. Une fois de plus, les élec­teurs ont pris leurs res­pon­sa­bi­li­tés et ont prou­vé qu’un pis­to­let dans la nuque n’est pas la meilleure façon de les ame­ner à voter mas­si­ve­ment pour des can­di­dats qui les répugnent.

Il ne faut pas pour autant s’endormir sur ses lau­riers. Il faut, une bonne fois pour toutes, se débar­ras­ser du péril noir. Et ce défi se pose en France et en Bel­gique, soyons-en sûrs !

Nous enten­dons bien ceux qui invitent les poli­ti­ciens à retrou­ver les racines de leur enga­ge­ment et à redé­fi­nir un pro­jet socia­liste, cen­triste ou libé­ral déli­vré du tro­pisme fron­tiste. La belle affaire : il fau­drait relire Marx et Mil­ls ? Il fau­drait se com­pa­rer aux grands anciens, à de Gaulle ou Jau­rès ? Il fau­drait déve­lop­per des poli­tiques enga­gées qui, inévi­ta­ble­ment, seraient insa­tis­fai­santes pour cer­tains… peut-être même pour les diri­geants ? Il fau­drait en outre déve­lop­per des poli­tiques fon­dées sur des posi­tion­ne­ments idéo­lo­giques et non sur la volon­té de satis­faire tour-à-tour un public puis un autre ?

Soyons hon­nêtes, la piste du sur­saut poli­tique n’est pas rai­son­nable. Elle met­trait en péril notre sys­tème poli­tique, cette démo­cra­tie que nous nous sommes pro­mis de ne pas remettre en cause sous la pres­sion des élé­ments radi­ca­li­sés de notre société.
La seule solu­tion rai­son­nable est bien plus simple : il suf­fit de conti­nuer ce qui a été entre­pris depuis plus de 20 ans mais qui n’a pas encore pu être entiè­re­ment mené à bien. Avouons-le, il serait regret­table de jeter aux orties une évo­lu­tion idéo­lo­gique qui a tant coû­té en renon­ce­ments. Sans comp­ter que des dizaines de poli­tiques per­draient alors toute effi­ca­ci­té, elles qui n’ont jamais eu d’autre objec­tif que d’assurer le confi­ne­ment de l’extrême-droite dans l’opposition. Les « plus de bleu dans les rues » (et main­te­nant « plus de kaki »), les chasses aux chô­meurs, le main­tien des can­di­dats réfu­giés dans des condi­tions indignes, les dis­cours vexa­toires vis-à-vis des musul­mans, tout ça pour rien ?

Il faut donc que les véri­tables démo­crates conti­nuent à reprendre des pans entiers du pro­gramme de l’extrême-droite et à mettre en œuvre des mesures cari­ca­tu­rales et inutiles. Il leur faut même redou­bler d’ardeur ! Soyons confiants, le fond n’est cer­tai­ne­ment pas loin. Bien­tôt, à n’en pas dou­ter, ils auront entiè­re­ment siphon­né le réser­voir des fas­cistes. Alors, à court d’arguments et d’idées propres, ceux-ci n’auront d’autre choix que de jeter le gant.

Seuls res­te­ront en lice de sin­cères démo­crates, ce qui suf­fit, à l’évidence, à garan­tir la vita­li­té d’une saine démocratie.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.