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Exemplaires migrants

Blog - Anathème - immigration justice sociale par Anathème

août 2015

Il n’est que de regar­der les infor­ma­tions pour s’en per­sua­der : des dizaines de mil­liers de per­sonnes du monde entier se pressent à nos fron­tières. Fran­chis­sant mon­tagnes et mers, s’embarquant dans de frêles esquifs ou se glis­sant dans des remorques de camions, payant des pas­seurs et bra­vant les cer­bères de Fron­tex, sous le soleil et la pluie, dans la neige et sous un soleil de plomb, ils prennent tous les risques dans l’espoir de pro­fi­ter de notre géné­reux sys­tème social et de cou­ler, ici, des jours aus­si heu­reux que nos cohortes de chô­meurs, de sans-abris et de tra­vailleurs pauvres.

Anathème

Comme nous le rap­pellent régu­liè­re­ment les tenants de la droite décom­plexée – et comme le pensent tout bas ceux de la droite com­plexée tour­nai­sienne – ces hordes d’envahisseurs ne songent qu’à man­ger les allo­ca­tions des vrais Belges, de la même manière que les allo­ca­taires sociaux ont pour seul but de pro­fi­ter du tra­vail des petites gens, les­quels, à leur tour, ne vivent que pour cou­ler des jours heu­reux en sang­sues des plus riches d’entre nous… Ces der­niers, quant à eux, vic­times d’une pyra­mide para­si­taire, s’échinent pour le bien de tous.

Comme nous le consta­tons chaque jour, cette chaîne des pro­fi­teurs est inte­nable et il est grand temps d’y remettre de l’ordre, de l’éthique, de la morale, de la dis­ci­pline ; bref, il est temps de cou­per court au déclin. Les valeurs d’effort, de tra­vail et de mise en dan­ger de soi doivent être remises à l’honneur.

À cette fin, plu­sieurs solu­tions sont envi­sa­geables. La guerre, civile au besoin, est l’outil le plus évident de revi­ta­li­sa­tion d’une nation. Elle com­porte cepen­dant de nom­breux désa­gré­ment, dont celui de com­por­ter des risques juri­diques pour les lea­ders de la par­tie per­dante1.

Les catas­trophes natu­relles sont éga­le­ment d’utiles ins­tru­ments, mais leur déclen­che­ment est entre les mains du Tout-Puis­sant et non d’une élite éclai­rée dési­reuse de net­toyer les écu­ries d’Augias d’un bon tsu­na­mi ou d’une érup­tion vol­ca­nique de der­rière les fagots.

La répres­sion – poli­tique ou de droit com­mun – pré­sente d’évidents avan­tages, mais sa remar­quable mon­tée en puis­sance des der­nières années a mon­tré son insuf­fi­sance. Sans comp­ter que de poin­tilleux droits-de‑l’hommistes ne rêvent que de faire condam­ner les gou­ver­ne­ments qui ten­te­raient d’user géné­reu­se­ment de la pri­son pour rame­ner les indi­vi­dus mal inté­grés dans le droit chemin.

Sans doute faut-il donc voir plus large et, sans renon­cer aux pistes pré­cé­dentes, les com­plé­ter d’un choc méri­to­cra­tique géné­ra­li­sé. Puisqu’il est acquis que seuls les meilleurs méritent le meilleur et que les autres n’ont qu’à cre­ver, puisque notre devise n’est plus « L’union fait la force », mais « Réus­sis ou meurs en essayant »2, il semble plus que jamais per­ti­nent de faire dépendre toute res­source d’une épreuve et de cali­brer toute épreuve en fonc­tion des moyens dis­po­nibles. Plus une res­source est rare et deman­dée, plus elle doit être dif­fi­cile à obtenir.

Certes, à mesure que les moyens de la sécu­ri­té sociale fon­daient, nous en avons timi­de­ment ren­du l’accès plus pénible, mul­ti­pliant chi­ca­ne­ries et causes d’exclusion, pro­cé­dures tatillonnes et contrôles arbi­traires, condi­tions iniques et dégres­si­vi­té accé­lé­rée. Fou­taises ! Demi-mesures que tout ça !

Puisque des étran­gers sont prêts à mou­rir pour nos miettes, il n’y a aucune rai­son de dérou­ler le tapis rouge pour nos pauvres. Un Borain, parce qu’il est de chez nous (bien que sou­vent d’ascendance ita­lienne), mérite-t-il plus qu’un Nigé­rien d’être le réci­pien­daire de nos aumônes ? Un Molen­bee­kois (géné­ra­le­ment alloch­tone, notons-le) est-il natu­rel­le­ment pré­des­ti­né au CPAS, davan­tage qu’un Ery­thréen ou un Coréen ? Un Lim­bour­geois aurait-il plus évi­dem­ment droit à des allo­ca­tions qu’un Syrien ? Celui qui tend la main n’a pas plus de cou­leur que l’argent n’a d’odeur. N’est-ce pas une ter­rible dis­cri­mi­na­tion que de don­ner si faci­le­ment ce pour­quoi d’autres sont prêts à don­ner leur vie ? L’égalité (devant la loi) étant notre prin­cipe le plus sacré, il est urgent de cor­ri­ger cette injustice.

En outre, quoi de plus péda­go­gique, pour un misé­reux, que de voir les efforts consen­tis par d’autres crève-la-faim ? Ain­si, pour œuvrer dans un même mou­ve­ment au retour à l’ordre que nous appe­lons de nos vœux et à l’instauration d’un monde plus juste – tout en clouant le bec aux chantres des droits fon­da­men­taux –, il est impé­ra­tif de veiller à ce que tout cen­time d’argent public ver­sé dans la sébile d’un néces­si­teux soit rigou­reu­se­ment mérité.

En fonc­tion du niveau d’allocation deman­dé, du bud­get dis­po­nible et du nombre de deman­deurs, les dif­fi­cul­tés devront être éche­lon­nées. Bien enten­du, toutes ne devront pas entraî­ner un risque pour la vie du deman­deur ou de ses proches, mais la chose n’est évi­dem­ment pas exclue. Le monde n’est pas un para­dis et les capi­taines d’industrie nous ont mon­tré l’intérêt qu’il y avait à rendre le béné­fice pro­por­tion­nel au risque encou­ru. Qui ne peut miser sa for­tune a tou­jours, Dieu mer­ci, le loi­sir de ris­quer sa peau et il serait inhu­main de pri­ver de toute par­ti­ci­pa­tion ceux qui n’ont rien d’autre à miser. Ne soyons du reste pas catas­tro­phistes : entre la visite domi­ci­liaire humi­liante et la tra­ver­sée de la Manche à la nage, il y a une infi­ni­té de nuances dont l’histoire nous enseigne que l’humanité excelle à y lais­ser s’exprimer une ima­gi­na­tion débridée.

À la ruine du capi­ta­liste, au burn out du cadre et à l’accident de tra­vail mor­tel de l’ouvrier, cor­res­pon­dra enfin un revers de for­tune pour l’allocataire social. Et s’il en est qui tombent, qui se décou­ragent ou qui renoncent, ce ne sera qu’une preuve sup­plé­men­taire de ce qu’ils ne méri­taient pas notre géné­ro­si­té. Et un sou­la­ge­ment pour leurs concur­rents dont les chances aug­men­te­ront en proportion.

Jusqu’à atteindre un équi­libre optimal.

  1. A ce sujet, voyez le dos­sier consa­cré à la jus­tice pénale inter­na­tio­nale dans le pre­mier numé­ro de l’année 2015 de la Revue nouvelle.
  2. Get rich or die trying, comme le disent nos amis anglo-saxons, tou­jours en avance d’une guerre.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.