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Exemplaires migrants
Il n’est que de regarder les informations pour s’en persuader : des dizaines de milliers de personnes du monde entier se pressent à nos frontières. Franchissant montagnes et mers, s’embarquant dans de frêles esquifs ou se glissant dans des remorques de camions, payant des passeurs et bravant les cerbères de Frontex, sous le soleil et la pluie, dans la neige et sous un soleil de plomb, ils prennent tous les risques dans l’espoir de profiter de notre généreux système social et de couler, ici, des jours aussi heureux que nos cohortes de chômeurs, de sans-abris et de travailleurs pauvres.
Comme nous le rappellent régulièrement les tenants de la droite décomplexée – et comme le pensent tout bas ceux de la droite complexée tournaisienne – ces hordes d’envahisseurs ne songent qu’à manger les allocations des vrais Belges, de la même manière que les allocataires sociaux ont pour seul but de profiter du travail des petites gens, lesquels, à leur tour, ne vivent que pour couler des jours heureux en sangsues des plus riches d’entre nous… Ces derniers, quant à eux, victimes d’une pyramide parasitaire, s’échinent pour le bien de tous.
Comme nous le constatons chaque jour, cette chaîne des profiteurs est intenable et il est grand temps d’y remettre de l’ordre, de l’éthique, de la morale, de la discipline ; bref, il est temps de couper court au déclin. Les valeurs d’effort, de travail et de mise en danger de soi doivent être remises à l’honneur.
À cette fin, plusieurs solutions sont envisageables. La guerre, civile au besoin, est l’outil le plus évident de revitalisation d’une nation. Elle comporte cependant de nombreux désagrément, dont celui de comporter des risques juridiques pour les leaders de la partie perdante1.
Les catastrophes naturelles sont également d’utiles instruments, mais leur déclenchement est entre les mains du Tout-Puissant et non d’une élite éclairée désireuse de nettoyer les écuries d’Augias d’un bon tsunami ou d’une éruption volcanique de derrière les fagots.
La répression – politique ou de droit commun – présente d’évidents avantages, mais sa remarquable montée en puissance des dernières années a montré son insuffisance. Sans compter que de pointilleux droits-de‑l’hommistes ne rêvent que de faire condamner les gouvernements qui tenteraient d’user généreusement de la prison pour ramener les individus mal intégrés dans le droit chemin.
Sans doute faut-il donc voir plus large et, sans renoncer aux pistes précédentes, les compléter d’un choc méritocratique généralisé. Puisqu’il est acquis que seuls les meilleurs méritent le meilleur et que les autres n’ont qu’à crever, puisque notre devise n’est plus « L’union fait la force », mais « Réussis ou meurs en essayant »2, il semble plus que jamais pertinent de faire dépendre toute ressource d’une épreuve et de calibrer toute épreuve en fonction des moyens disponibles. Plus une ressource est rare et demandée, plus elle doit être difficile à obtenir.
Certes, à mesure que les moyens de la sécurité sociale fondaient, nous en avons timidement rendu l’accès plus pénible, multipliant chicaneries et causes d’exclusion, procédures tatillonnes et contrôles arbitraires, conditions iniques et dégressivité accélérée. Foutaises ! Demi-mesures que tout ça !
Puisque des étrangers sont prêts à mourir pour nos miettes, il n’y a aucune raison de dérouler le tapis rouge pour nos pauvres. Un Borain, parce qu’il est de chez nous (bien que souvent d’ascendance italienne), mérite-t-il plus qu’un Nigérien d’être le récipiendaire de nos aumônes ? Un Molenbeekois (généralement allochtone, notons-le) est-il naturellement prédestiné au CPAS, davantage qu’un Erythréen ou un Coréen ? Un Limbourgeois aurait-il plus évidemment droit à des allocations qu’un Syrien ? Celui qui tend la main n’a pas plus de couleur que l’argent n’a d’odeur. N’est-ce pas une terrible discrimination que de donner si facilement ce pourquoi d’autres sont prêts à donner leur vie ? L’égalité (devant la loi) étant notre principe le plus sacré, il est urgent de corriger cette injustice.
En outre, quoi de plus pédagogique, pour un miséreux, que de voir les efforts consentis par d’autres crève-la-faim ? Ainsi, pour œuvrer dans un même mouvement au retour à l’ordre que nous appelons de nos vœux et à l’instauration d’un monde plus juste – tout en clouant le bec aux chantres des droits fondamentaux –, il est impératif de veiller à ce que tout centime d’argent public versé dans la sébile d’un nécessiteux soit rigoureusement mérité.
En fonction du niveau d’allocation demandé, du budget disponible et du nombre de demandeurs, les difficultés devront être échelonnées. Bien entendu, toutes ne devront pas entraîner un risque pour la vie du demandeur ou de ses proches, mais la chose n’est évidemment pas exclue. Le monde n’est pas un paradis et les capitaines d’industrie nous ont montré l’intérêt qu’il y avait à rendre le bénéfice proportionnel au risque encouru. Qui ne peut miser sa fortune a toujours, Dieu merci, le loisir de risquer sa peau et il serait inhumain de priver de toute participation ceux qui n’ont rien d’autre à miser. Ne soyons du reste pas catastrophistes : entre la visite domiciliaire humiliante et la traversée de la Manche à la nage, il y a une infinité de nuances dont l’histoire nous enseigne que l’humanité excelle à y laisser s’exprimer une imagination débridée.
À la ruine du capitaliste, au burn out du cadre et à l’accident de travail mortel de l’ouvrier, correspondra enfin un revers de fortune pour l’allocataire social. Et s’il en est qui tombent, qui se découragent ou qui renoncent, ce ne sera qu’une preuve supplémentaire de ce qu’ils ne méritaient pas notre générosité. Et un soulagement pour leurs concurrents dont les chances augmenteront en proportion.
Jusqu’à atteindre un équilibre optimal.
- A ce sujet, voyez le dossier consacré à la justice pénale internationale dans le premier numéro de l’année 2015 de la Revue nouvelle.
- Get rich or die trying, comme le disent nos amis anglo-saxons, toujours en avance d’une guerre.