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Étrangler l’État ? Jamais !

Blog - e-Mois par Nicole Résimont

mars 2016

Grande fut la sur­prise de la popu­la­tion lorsqu’elle apprit récem­ment qu’il y avait un trou dans le bud­get et qu’il fau­drait le com­bler. Il n’était bien enten­du pas ques­tion d’accroître les recettes. Vous pen­sez bien, puisqu’on refuse de per­ce­voir les 700 mil­lions d’euros de cadeaux indus que nous avons faits aux mul­ti­na­tio­nales, ce mal­gré une condamnation […]

e-Mois

Grande fut la sur­prise de la popu­la­tion lorsqu’elle apprit récem­ment qu’il y avait un trou dans le bud­get et qu’il fau­drait le com­bler. Il n’était bien enten­du pas ques­tion d’accroître les recettes. Vous pen­sez bien, puisqu’on refuse de per­ce­voir les 700 mil­lions d’euros de cadeaux indus que nous avons faits aux mul­ti­na­tio­nales, ce mal­gré une condam­na­tion euro­péenne, nous n’allions pas faire cra­cher les riches au bas­si­net pour si peu qu’un contrôle budgétaire.

De toute façon, le citoyen a pris le pli de l’austérité. Trente ans qu’il en bouffe, il com­mence à inté­grer l’idée que tout ce qui lui vient de l’État est une pré­bende illé­gi­time. Et, plus il est pauvre, plus ce sou­tien est indé­fen­dable. Ne par­lons en effet pas des aides aux entre­prises ni des aides indi­rectes aux indé­pen­dants dont on consi­dère que la contri­bu­tion aux recettes de la TVA, par exemple, doivent avoir lieu sur une base volon­taire. Par­lons de la fraude sociale, de la sécu…

Éco­no­mi­sons sur la fonc­tion publique, aussi…

Quelle sur­prise ! Depuis 2008 au moins, nous sommes en régime d’austérité ren­for­cée. Dès le début, il était clair que nous en avions pour quelques années. En toute logique, pas­sées les pre­mières éco­no­miques cos­mé­tiques (on rem­pla­ce­ra le tapis l’année pro­chaine, nous renou­vel­le­rons la chau­dière dans quelque temps, repor­tons l’engagement de ces fonc­tion­naires à l’année pro­chaine, rené­go­cions le contrat d’entretien des locaux, etc.), un sys­tème de ratio­na­li­sa­tion des ratio­na­li­sa­tions a été mis en place. Parce que goed bes­tuur n’était pas qu’un slo­gan, plu­tôt que de pro­cé­der à des coupes linéaires pen­dant des années ( – 2% dans tous les ser­vices), il était logique de pla­ni­fier l’effort. Réduire le per­son­nel à l’administration des finances ? Pour faire bais­ser les recettes et lais­ser s’envoler les frau­deurs ? Jamais ! Inter­rompre l’effort d’informatisation de ser­vices visant à en accroître les per­for­mances ? Plu­tôt mou­rir ! Fra­gi­li­ser la sécu­ri­té sociale et exclure les plus faibles alors même que la mau­vaise conjonc­ture les met­tait par­ti­cu­liè­re­ment en dan­ger ? Et puis quoi encore ? Rapi­de­ment, le gou­ver­ne­ment a gou­ver­né ; c’est-à-dire qu’il a pré­vu, puisque gou­ver­ner, c’est prévoir.
Des cercles de réflexion ali­men­tés par des experts ont été mis en place. Il s’agissait de déter­mi­ner des sec­teurs dans les­quels les éco­no­mies devaient prio­ri­tai­re­ment être réa­li­sées, au risque d’interrompre cer­tains ser­vices non prio­ri­taires, et de cibler en pre­mier lieu les mesures dont aucune étude ne pour­rait indi­quer qu’elles per­met­taient d’atteindre les objec­tifs assi­gnés. En outre, des éco­no­mies excé­den­taires devaient être réa­li­sées, pour déga­ger un sur­plus qui serait inves­ti dans des poli­tiques ren­tables à court ou moyen terme. Enga­ger des fonc­tion­naires pour lut­ter contre la fraude fis­cale, réno­ver des bâti­ments pour faire des éco­no­mies d’énergie, finan­cer des outils de diag­nos­tics pour aider au moni­to­ring de l’action étatique.

C’est ain­si qu’après quelques années de poli­tiques d’urgence fon­dées sur des éco­no­mies linéaires, on put sor­tir de cette logique qui, à terme, met­tait en péril l’ensemble des ser­vices ren­dus par l’État à la popu­la­tion, sans aucune garan­tie d’amélioration à long terme du fonc­tion­ne­ment des admi­nis­tra­tions. Dès lors, s’ouvrait la pers­pec­tive d’un État allé­gé dans son poids finan­cier, mais confor­té dans ses capa­ci­tés d’action.

Excu­sez-moi, je m’emballe. Je suis déso­lée, mais vous vivez en Bel­gique. Les éco­no­mies irré­flé­chies sont tou­jours d’actualité. Rien n’indique qu’il y sera mis fin tant nos gou­ver­nants, depuis bien long­temps, on fait la preuve de leur inca­pa­ci­té à se pro­je­ter dans l’avenir. Aus­si conti­nue-t-on à exi­ger des ser­vices qu’ils tournent avec moins de per­son­nels et de moyens. Aus­si les prive-t-on de toute res­source, même de celles qui sont excep­tion­nel­le­ment ren­tables parce qu’elles per­mettent de récu­pé­rer de pré­cieuses sommes. Aus­si les laisse-t-on agir sans le moindre outil pour cali­brer leur action.

Vous com­pre­nez, si, en cas d’embellie, on sau­poudre en toutes direc­tions, il est logique qu’en cas de contrac­tion des bud­gets, on étrangle tous azimuts.

Vous seriez de bien mau­vais esprits si vous osiez pen­ser que cela arrange ceux qui veulent moins d’État, de manière géné­rale, parce qu’il coûte aux riches et rap­porte aux pauvres. Vous seriez des conspi­ra­tion­nistes si vous pen­siez que la déli­ques­cence de l’État belge arran­geait ceux qui ne songent qu’à s’en libérer.

Nicole Résimont


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