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Émeutes : soutien aux policiers !

Blog - Anathème - Anderlecht émeutes justice sociale police par Anathème

avril 2020

L’affaire fait beau­coup de bruit : Ander­lecht a une nou­velle fois été le théâtre d’émeutes menées par des jeunes. Elles fai­saient suite à la mort d’un jeune homme, vic­time d’un acci­dent avec un véhi­cule de police alors qu’il ten­tait de fuir un contrôle. Il était soup­çon­né de ne pas res­pec­ter le confi­ne­ment. Heu­reu­se­ment, de nom­breux poli­tiques ont pris […]

Anathème

L’affaire fait beau­coup de bruit : Ander­lecht a une nou­velle fois été le théâtre d’émeutes menées par des jeunes. Elles fai­saient suite à la mort d’un jeune homme, vic­time d’un acci­dent avec un véhi­cule de police alors qu’il ten­tait de fuir un contrôle. Il était soup­çon­né de ne pas res­pec­ter le confinement.

Heu­reu­se­ment, de nom­breux poli­tiques ont pris leurs res­pon­sa­bi­li­tés : ils ont fer­me­ment condam­né les émeutes et ont appe­lé au retour de l’ordre. Tout est bien qui finit bien.

Car nous en res­te­rons là, bien enten­du, comme chaque fois que des quar­tiers défa­vo­ri­sés s’enflamment. C’est une des ver­tus insignes de notre sys­tème social et politique.

Cha­cun sait que cer­tains quar­tiers concentrent la pau­vre­té, le dés­œu­vre­ment, les loge­ments insa­lubres et sur­peu­plés, le décro­chage sco­laire, le chô­mage, les dif­fi­cul­tés d’insertion sociale et bien d’autres tares. Nous sommes tous conscients du fait que, voir le jour dans ces lieux augure d’un des­tin dif­fi­cile, d’autant plus quand la cou­leur de peau assure une tra­ça­bi­li­té par­faite en tout lieu et en toute cir­cons­tance. Vos chances d’évasion sont faibles quand vous n’obtenez ni tra­vail ni loge­ment à l’extérieur du quar­tier pour­ri qui vous a vu naitre.

Faut-il pour autant cher­cher à résoudre ces pro­blèmes ? Clai­re­ment non ! Cela impli­que­rait de payer des sommes consi­dé­rables pour cor­ri­ger des injus­tices dont, en fin de compte, per­sonne n’est vrai­ment res­pon­sable. En outre, ça néces­si­te­rait de déve­lop­per une exper­tise, d’agir à long terme et de mener des actions aux résul­tats lar­ge­ment incer­tains. Il est évi­dem­ment inutile de s’aventurer dans de telles poli­tiques publiques laby­rin­thiques quand il existe des solu­tions simples et bien plus effi­caces : celles que mettent en œuvre, tous les jours, la plu­part des politiques. 

Repre­nons : les jeunes qui se révoltent expriment bien enten­du une soli­da­ri­té vis-à-vis du jeune homme décé­dé, parce qu’ils savent d’expérience ce que sont, pour eux, les contrôles poli­ciers. Il n’est pas ici ques­tion de l’aimable remon­trance du poli­cier bon­homme pas­sant à proxi­mi­té de familles de la classe moyenne occu­pées à pique­ni­quer au parc Duden (Bruxelles) ni du regard com­plai­sam­ment détour­né par les pan­dores lon­geant en com­bi la place Sté­pha­nie trans­for­mée en skate park pour jeunes de bonnes familles. Eux savent que la police et la jus­tice n’ont pas été créées pour défendre leur droit, mais pour défendre la socié­té contre eux. Mais ils explosent aus­si parce que leur ave­nir est bou­ché, parce qu’ils sont des étran­gers dans leur propre pays, parce qu’ils se sentent quo­ti­dien­ne­ment humi­liés, parce que la moindre ascen­sion sociale leur coute une énorme éner­gie, pour tou­jours n’arriver qu’à la che­ville des jeunes qui sont nés avec une cuillère en argent dans la bouche et la clé d’une BMW en poche. Fort bien.

Cepen­dant, ce qu’ils mettent à sac, c’est leur propre quar­tier. La voi­ture de leur voi­sin, la pou­belle de leur tante, la vitrine de leur cou­sin. Et quelques véhi­cules de police. Rien de bien grave, au fond. Ils ne menacent pas l’ordre social et ten­draient même à le renforcer.

Allons-nous mettre notre sys­tème social sens des­sus des­sous ? Pour si peu ? Non, bien sûr. Il suf­fit de lais­ser l’émeute se pro­duire, de la répri­mer, puis de condam­ner fer­me­ment les troubles sur les réseaux sociaux et à la télé­vi­sion, tout en pro­cla­mant son sou­tien incon­di­tion­nel aux forces de police. Cette action ferme contente tout le monde. Le public évite de se deman­der pour­quoi de jeunes hommes cassent des voi­tures : les émeu­tiers ne sont que des racailles qui troublent un ordre légi­time qu’il importe de défendre à tout prix. Les poli­tiques, eux, n’ont pas à prendre des mesures com­plexes et cou­teuses : il leur suf­fit de faire don­ner la troupe. Et même les poli­ciers, envoyés en pre­mière ligne pour conte­nir les explo­sions de colère des plus faibles, plu­tôt que de se consi­dé­rer comme les dupes d’un sys­tème qui ne tient que parce qu’ils s’exposent phy­si­que­ment, bombent le torse, fiers d’être féli­ci­tés pour être les rem­parts de la civi­li­sa­tion contre la barbarie.

Oui, les émeutes sont un désordre. Oui, elles ont un cer­tain cout, notam­ment en mobi­li­sa­tion poli­cière. Oui, elles revien­dront cycli­que­ment. Mais qu’est tout cela au regard du désordre et des couts qu’engendrerait l’instauration de la jus­tice sociale ? Rien ! Deux fois rien ! Ce n’est, recon­nais­sons-le, pas cher payer pour confor­ter les hié­rar­chies sociales.

Voi­là pour­quoi, hier encore, lors d’un petit bar­be­cue orga­ni­sé avec quelques voi­sins de ma ban­lieue cos­sue, véhé­ment, je sou­te­nais notre police face aux hordes de jeunes délin­quants qui mani­festent leur irres­pect abso­lu de la pro­prié­té et de la tran­quilli­té de nos conci­toyens. Et qui ne res­pectent pas le confi­ne­ment, sur une moby­lette, sans pull autour du cou, ni verre de Spritz.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.