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Élections grecques, l’espoir en chemin ?
Les Grecs ont dit qu’ils ne voulaient plus de l’austérité. Mais, la coalition Syriza-ANEL est-elle en mesure de renégocier la dette grecque et maintenir le pays dans la zone euro ? L’enjeu est de taille de taille : Alexis Tsipras laissera-t-il sa marque dans l’Histoire comme le Premier ministre grec qui a sorti la Grèce de l’austérité ou comme celui qui a fait sortir la Grèce de la zone euro ?
La Grèce a un nouveau gouvernement. Il s’agit d’une coalition composée de Syriza (parti de la gauche radicale) et des Grecs Indépendants (ANEL). Les élections du 25 janvier 2015 auront été les plus décisives depuis des décennies, non seulement pour la Grèce mais aussi pour l’Europe. La Grèce est le premier pays à élire un gouvernement sur un mandat clairement anti-austéritaire. Un effet domino n’est pas à exclure : Podemos a déjà promis de faire aussi bien que Syriza lors des prochaines élections générales qui se tiendront cette année en Espagne.
Syriza qui était jusqu’à présent marginalisée dans le système particratique est parvenue à s’attirer les voix de 36,34% des électeurs grecs. Cela lui a permis de décroché 149 sièges, à deux sièges de ce qui lui était nécessaire pour obtenir la majorité absolue et constituer à elle seule un gouvernement. La Nouvelle Démocratie, le parti de centre-droit qui était au pouvoir depuis 2012 et qui était associé à l’austérité, est arrivée en deuxième position avec 27,81% des voix. Cet écart rend bien compte du raz-de-marée électoral de Syriza et de sa capacité à fédérer des électeurs venant d’horizons divers.
Cependant, les élections n’ont pas été favorables qu’à la gauche radicale. L’extrême droite ultra-nationaliste d’Aube Dorée fut consacrée troisième force politique avec 6,28% des votes (17 sièges). En léger recul depuis les élections de 2012, ce résultat indique qu’Aube Dorée peut désormais s’appuyer sur une base électorale significative alors que certains de ses membres dirigeants sont actuellement en prison et que le parti a à peine mené campagne.
La Rivière, le parti centriste porteur d’un agenda social-libéral, talonne Aube Dorée (6,05%) et peut envoyer le même nombre de députés qu’elle au Parlement. Son score rend compte d’un faible soutien pour les idées centristes parmi la population.
Le résultat des élections n’a pas surpris grand-monde étant donné le contexte de grogne sociale et de chômage endémique dans lequel elles ont pris place. La campagne et la coalition qui s’est formée confirment la prégnance du clivage entre les pro et anti-bail-out. [NdT : Un bail-out est une situation où un intervenant extérieur (État, institution internationale, Banque centrale…) agit pour rétablir la solvabilité d’un emprunteur, en particulier d’un Etat, d’une banque en difficulté. Dans le cas présent, le bail-out est le sauvetage financier de la Grèce par l’UE (États membres, Commission et Banque centrale européenne) secondée par le Fonds monétaire international.]
Retour sur la campagne électorale
Les débats préélectoraux avaient mis en opposition les thèmes de la continuité et du changement, de la stabilité et de l’instabilité, de l’euro et du Grexit [NdT : sortie de la Grèce de la zone euro], de l’austérité et de la croissance, et de la peur et de l’espoir. Cela illustre à quel point les émotions ont guidé la campagne. Les partis ont joué sur l’insécurité ressentie par la population.
Syriza s’est clairement rangée du côté de l’espoir. Le slogan du parti, « l’espoir est en chemin », était accompagné d’une rhétorique mettant en avant les idées d’un nouveau départ, de la justice et de l’égalité, de la fin d’un désastre humanitaire que l’austérité a créé, d’une nouvelle Europe et de la dignité retrouvée pour le peuple grec. La Nouvelle Démocratie a essayé de mobiliser en jouant sur la peur. Sa campagne qui s’est caractérisée par un certain alarmisme s’est inscrite en réaction à Syriza. Il s’agissait de diaboliser le parti en expliquant à quel point les conséquences de sa potentielle victoire seraient catastrophiques : dégradation de la note de rating de la Grèce sur les marchés financiers, faillite du pays, sortie de l’euro un désastre économique qui aurait effacé les politiques économiques saines que le gouvernement mené jusqu’alors par la Nouvelle Démocratie a mis en oeuvre depuis 2012.
Au regard des résultats du 25 janvier, il apparaît que l’espoir est une émotion plus forte que la peur.
Le nouveau gouvernement de coalition emmené par Syriza
L’opposition à l’austérité est le facteur qui unit Syriza et ANEL. Mais leur conception des questions sociales au sens large, c’est-à-dire le nationalisme, le rôle de la religion et l’immigration les divise.
Les Grecs Indépendants sont un parti de droite radicale qui met l’accent sur les « questions nationales » : par l’exemple la Macédoine et les relations de Chypre et de la Grèce avec la Turquie, qu’ils ont identifié comme des lignes rouges non négociables. Ce parti pourrait être qualifié d’«autoritaire conservateur ». Ses références sont la patrie, la religion, la famille. Ainsi, les Grecs Indépendants se situent sur ce plan à l’opposé de Syriza qui promeut des idéaux de gauche en affichant une position pro-immigration, en appelant à la séparation de l’Église et de l’État et en soutenant le mariage entre personnes de même sexe. Alexis Tsipras est le premier Premier ministre grec à avoir prêté un serment politique plutôt que religieux pour son nouveau gouvernement.
Au final, ce sont donc plus des considérations stratégiques qu’idéologiques qui ont présidé à la formation de cette coalition. Le transfuge de Rahil Makri, un ancien parlementaire ANEL, dans Syriza montrait déjà que le parti était davantage mû par un clivage pro-/anti-austérité qu’un clivage gauche-droite. Cela pourrait aussi indiquer que Syriza est devenu un parti qui entend râtisser large pour attirer des soutiens au-delà de son public cible. Bien avant les élections, Syriza avait déjà commencé à adoucir ses positions les plus radicales. Quand le parti a émergé sur le scène politique en 2012, il l’a fait sous la bannière de la gauche radicale, ce qui a l’époque le destinait à rejoindre les rangs de l’opposition plutôt qu’à exercer des responsabilités. En contestant ouvertement l’establishment, Syriza avait déclaré qu’elle renégocierait l’austérité à tout prix. Lorsque le parti s’est rapproché du pouvoir, il a modéré ses positions de manière à élargir son électorat potentiel.
Malgré cette évolution, Syriza reste fondamentalement éloigné d’ANEL sur le plan idéologique et cela fait peser des doutes quant à la stabilité de la coalition. En outre, la décision de Syriza de donner les clés du ministère de la Défense au leader d’ANEL, Panos Kammenos, n’est pas sans poser des questions au sujet du futur de la politique étrangère et des fameuses « questions nationales ».
La possibilité d’un Grexit ?
Les yeux des Européens sont surtout tournés vers l’agenda économique de Syriza. Le parti s’est engagé à sortir la Grèce de l’austérité et à réduire la pauvreté. Il a notamment promis de relever les plus basses pensions, de créer des emplois publics, de relever à 12.000 euros le minimum imposable, d’offrir gratuitement de l’électricité à 300.000 ménages, de fournir des soutiens alimentaires aux familles pauvres, des soins de santé gratuits pour tous et des subventions au logement jusqu’à 25.000 familles. Il a aussi promis de réformer la fiscalité immobilière.
Ceci dit, tout cela coûtera de l’argent et tout le monde s’interroge sur où Syriza ira puiser cet argent. Le parti a dit qu’il taxerait les riches et donnerait aux pauvres. Mais, qui sont en réalité les riches et combien seront-ils taxés, comment réduire le phénomène de l’évasion fiscale parmi les riches et qu’adviendra-t-il de la classe moyenne qui a également souffert de la crise ? Le parti est resté évasif sur son programme de réformes structurelles et sur la manière dont il relancerait la croissance.
En définitive, il s’agira pour Tsipras et Syriza de trouver un équilibre entre les demandes externes et la politique intérieure. D’une part, Syriza devra renégocier avec les partenaires européens pour obtenir une restructuration de la dette (allongement de la période de remboursement et réduction des taux d’intérêt). D’autre part, l’arbitre sera la classe moyenne qui jouera un rôle déterminant pour relancer l’économie et garantir la stabilité démocratique.
Traduction : Olivier Derruine
Crédits photos : Vagelis Poulis (flickr/creative commons, 26 janvier 2015), Epoca Libera (flickr/creative commons), 25 janvier 2015.