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Dépasser l’«Appel du 19 juin », réformer radicalement la Wallonie et Bruxelles

Blog - Belgosphère - Belgique (België) Bruxelles (Région) / Brussel (Gewest) Bruxelles (Ville) Bruxelles-Capitale (Région de) / Brussels Hoofdstedelijk Gewest CDH COCOF COCOM / GGC Communautaire Communauté flamande (Vlaamse Gemeenschap) Communauté française Communauté germanophone (Deutschsprachige Gemeinschaft) Communautés (Gemeenschappen / Gemeinschaften) Confédéralisme (Belgique) Fédéralisme (Belgique) Flandre (Vlaanderen) FWB (Fédération Wallonie-Bruxelles) MR N-VA PS Réforme de l'État Région wallonne (Waals Gewest) Régionalisme (Belgique) Régions (Gewesten / Regionen) Régions linguistiques (Taalgebieden / Sprachgebiete) VGC Wallonie par Delagrange

juillet 2017

Un des rares bien­faits du vau­de­ville auquel nous assis­tons depuis le 19 juin est que les opi­nions fran­co­phones semblent enfin décou­vrir le laby­rinthe ins­ti­tu­tion­nel wal­lo­no-bruxel­lois. Tôt ou tard, les par­tis fran­co­phones devront rou­vrir le débat rela­tif aux réformes néces­saires au renou­vel­le­ment de la démo­cra­tie en Wal­lo­nie et à Bruxelles. L’enjeu est la sur­vie, le redres­se­ment et l’autodétermination de la Wal­lo­nie et de Bruxelles. Une opi­nion de Pierre Delagrange.

Belgosphère

La crise poli­tique qui, depuis le 19 juin (voir le billet « Le CDH serait-il sui­ci­daire ? »), met sens des­sus des­sous le champ poli­tique de la Bel­gique fran­co­phone est pour l’instant vécue sur le court terme. Quels plans B ? Quelles majo­ri­tés sans le Par­ti socia­liste ? Com­ment, en un temps record, adop­ter et mettre en appli­ca­tion des décrets de « mora­li­sa­tion » de la vie poli­tique ? Enfin, com­ment, dans ce cli­mat confus et délé­tère, mener à terme les com­plexes trans­ferts de com­pé­tences du fédé­ral vers les enti­tés fédé­rées âpre­ment négo­ciés lors de la réforme de l’État de 2011 ?

Ceci n’est pas une démocratie

Le coup de force du CDH de Benoît Lut­gen a invo­lon­tai­re­ment le mérite de rap­pe­ler, voire tout sim­ple­ment de révé­ler aux fran­co­phones éba­his de Wal­lo­nie et de Bruxelles que ce ne sont pas moins de cinq (5!) enti­tées fédé­rées qui sont simul­ta­né­ment tou­chées par la crise poli­tique ouverte le 19 juin au sein de leurs gou­ver­ne­ments : la Wal­lo­nie, la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles1, Bruxelles-Capi­tale, la COCOF et la COCOM.

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Jusqu’à pré­sent, les majo­ri­tés gou­ver­ne­men­tales de ces cinq niveaux de pou­voir avaient tou­jours été symé­triques et le mil­le­feuille ins­ti­tu­tion­nel fran­co­phone pas­sait presque inaper­çu, sauf aux yeux de cer­tains acteurs socio­po­li­tiques. Or, il n’est pas impos­sible que la sor­tie de crise fran­co­phone repose sur l’établissement de coa­li­tions dif­fé­rentes en Wal­lo­nie, à Bruxelles-Capi­tale et à la tête de la Com­mu­nau­té fran­çaise, cette der­nière étant pour­tant cen­sée mener des poli­tiques com­munes dans les deux Régions pré­ci­tées. Si tel est le cas, cette issue risque de débou­cher sur une para­ly­sie ou une neu­tra­li­sa­tion mutuelle entre ces trois niveaux de pou­voir. Cette situa­tion inédite a été clai­re­ment résu­mée le 21 juin der­nier par Mathias El Berhou­mi, pro­fes­seur de droit consti­tu­tion­nel aux FUSL.

Tôt ou tard, les par­tis fran­co­phones devront rou­vrir le débat autour des réformes ins­ti­tu­tion­nelles néces­saires au renou­vel­le­ment de la démo­cra­tie en Wal­lo­nie et à Bruxelles-Capi­tale, cette der­nière pâtis­sant en outre de son inter­dé­pen­dance sou­vent ban­cale avec les niveaux fédé­ral, fla­mand, fran­co­phone et wal­lon. Un pre­mier enjeu est la sur­vie, le redres­se­ment et l’autodétermination de la Wal­lo­nie et de Bruxelles. Un second enjeu est la réforme d’institutions cen­sé­ment démo­cra­tiques et repré­sen­ta­tives, mais que leur com­plexi­té, leur illi­si­bi­li­té et leur inin­tel­li­gi­bi­li­té pour le citoyen rendent tout sim­ple­ment antidémocratiques.

Un débat relancé dès 2015, mais remisé au placard

De nom­breux com­men­ta­teurs sou­lignent lour­de­ment que la crise poli­tique ouverte le 19 juin par l’éclatement des coa­li­tions PS-CDH est inter­ve­nue au plus mau­vais moment. Nous sommes à moins de deux ans des pro­chaines élec­tions fédé­rales et régio­nales ; les indé­pen­dan­tistes fla­mands de la N‑VA entendent remettre sur la table, au len­de­main de ces scru­tins, leur agen­da « confé­dé­ra­liste» ; les enti­tés fran­co­phones sont encore au milieu du gué concer­nant les trans­ferts de com­pé­tences et ce pro­ces­sus risque d’être bâclé ou inache­vé en 2019.

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Pour­tant, il y a près de deux ans, plu­sieurs acteurs socio­po­li­tiques fran­co­phones avaient lan­cé des cris d’alarme et appe­lé le monde poli­tique wal­lo­no-bruxel­lois2 à réflé­chir à une réforme ins­ti­tu­tion­nelle intra­fran­co­phone. Ces appels sont res­tés lettre morte et nous voi­là plon­gés dans une crise poli­tique qua­si inex­tri­cable dont l’issue risque de repo­ser sur une solu­tion inin­tel­li­gible et bancale.

Dans Le Soir du 9 novembre 2015, Thier­ry Bod­son, secré­taire géné­ral de l’in­ter­ré­gio­nale wal­lonne de la FGTB, reven­di­quait la dis­so­lu­tion de la Com­mu­nau­té fran­çaise de Bel­gique via une nou­velle réforme de la Consti­tu­tion belge, la régio­na­li­sa­tion de toutes les com­pé­tences com­mu­nau­taires et, si néces­saire, la mise sur pied de « cou­poles souples biré­gio­nales » entre la Wal­lo­nie et Bruxelles-Capi­tale dans des matières comme l’Enseignement supé­rieur, la Recherche, la Culture et le Sport.

Invo­quant André Renard et les réformes des struc­tures plai­dées dès les années 1950, Thier­ry Bod­son avan­çait par ailleurs un argu­ment impa­rable et éprou­vé lors de chaque négo­cia­tion ins­ti­tu­tion­nelle : ce n’est pas la dis­cus­sion publique de réformes ins­ti­tu­tion­nelles par les Wal­lons et les Bruxel­lois qui fait le jeu de la N‑VA, mais au contraire la peur panique qui téta­nise les for­ma­tions poli­tiques fran­co­phones, les empêche d’élaborer un cahier de reven­di­ca­tions tout aus­si claires que celles de la N‑VA et les amène, contraints et for­cés, à une table de négo­cia­tions où, sans vision stra­té­gique ou poli­tique de long terme, ils ne peuvent dis­cu­ter que sur la base des cahiers de reven­di­ca­tions des seuls par­tis fla­mands3

Aupa­ra­vant, le 21 octobre 2015, trois dépu­tés PS du Par­le­ment wal­lon publiaient dans les colonnes de La Libre Bel­gique une tri­bune inti­tu­lée « La Wal­lo­nie est une évi­dence ! » Dans ce texte, Pierre-Yves Der­magne4, Nico­las Mar­tin et Chris­tophe Col­li­gnon5 plai­daient eux aus­si en faveur d’une sim­pli­fi­ca­tion radi­cale du laby­rinthe ins­ti­tu­tion­nel belge fran­co­phone et tout par­ti­cu­liè­re­ment une reprise en mains de l’Enseignement par la Wal­lo­nie : dis­so­lu­tion de la CFWB et récu­pé­ra­tion de ses com­pé­tences par la Région wal­lonne et la Région de Bruxelles-Capi­tale.

Sans l’évoquer expli­ci­te­ment, cette tri­bune fai­sait de toute évi­dence écho à une carte blanche publiée un mois aupa­ra­vant par deux dépu­tés MR du Par­le­ment wal­lon. Parue le 18 sep­tembre 2015 (à deux jours des Fêtes de Wal­lo­nie) dans les colonnes du Soir, une tri­bune, inti­tu­lée « Quatre Régions fortes, un pays uni : osons l’avenir » et cosi­gnée par Pierre-Yves Jeho­let et Jean-Luc Crucke6, plai­dait déjà en faveur d’une dis­so­lu­tion de la CFWB, affir­mait la pri­mau­té du fait régio­nal et prô­nait la restruc­tu­ra­tion du « cadre fédé­ra­tif » belge autour de quatre Régions7 : Région wal­lonne, Région fla­mande, Région de Bruxelles-Capi­tale et une Com­mu­nau­té ger­ma­no­phone éle­vée au rang de Région à part entière.

Le jour même de la publi­ca­tion dans ses colonnes de la tri­bune du trio socia­liste, La Libre Bel­gique consa­crait tout un dos­sier à ce débat qui, depuis 35 ans, est source de déchi­re­ments plus ou moins refou­lés au sein des for­ma­tions poli­tiques belges fran­co­phones, à l’exception toute sta­li­nienne du PTB. Inté­res­sant même si, contrainte de pagi­na­tion oblige, les options ins­ti­tu­tion­nelles res­taient abor­dées de façon lapi­daire ou super­fi­cielle, le dos­sier était néan­moins bar­ré d’un titre aux accents mar­tiaux : « Les régio­na­listes dur­cissent le ton ». En der­nière page, cette ligne édi­to­riale était in extre­mis tem­pé­rée par « Le pari régio­nal », un… édi­to­rial du rédac­teur en chef Fran­cis Van de Woes­tyne8.

Le plai­doyer régio­na­liste, publié simul­ta­né­ment sur le site de la RTBF, fit éga­le­ment l’objet d’une atten­tion par­ti­cu­lière. Sur les ondes de La Pre­mière, dans les édi­tions ves­pé­rales du 20 octobre et mati­nales du 21 octobre 2015 des JP, l’accroche qui reve­nait tel un man­tra était : Le retour de la ten­ta­tion régio­na­liste. Dans le glos­saire de la langue fran­çaise, la rédac­tion du JP aurait pu trou­ver un terme plus neutre. Option ? Modèle ? Alter­na­tive ? Non. Ten­ta­tion. Point barre. Il n’est pas néces­saire d’être fin exé­gète pour y devi­ner le lap­sus ou l’acte man­qué d’une radio­té­lé­vi­sion de ser­vice public ample­ment finan­cée par la CFWB. La Bel­gique fran­co­phone a beau être lar­ge­ment déchris­tia­ni­sée, notre usage du fran­çais fait encore écho, comme une évi­dence incons­ciente, à un sub­strat cultu­rel où la ten­ta­tion n’est pas pré­ci­sé­ment consi­dé­rée comme une ver­tu car­di­nale. Ici aus­si, cette accroche néga­tive fut tem­pé­rée in extre­mis par Wal­lo­nie et Bruxelles : oser… oser le débat, un billet de Phi­lippe Wal­ko­wiak9.

Pour sa part, L’Avenir ne consa­cra qu’un petit article à la tri­bune du trio socia­liste wal­lon, titré « Régio­na­li­sa­tion sui­cide » et avec pour tout conte­nu la réac­tion outrée et néga­tive de Joëlle Mil­quet, alors ministre (CDH) de l’Enseignement de la CFWB. « Pour la ministre cen­triste, il s’agit là tout sim­ple­ment d’un “sui­cide de l’unité fran­co­phone et un cadeau dan­ge­reux à la N‑VA”». Ce tapis rouge dérou­lé devant l’une des plus farouches oppo­santes à toute réforme ins­ti­tu­tion­nelle (les négo­cia­teurs de l’Orange bleue en savent quelque chose) fut, lui aus­si, tem­pé­ré si pas rem­bal­lé aus­si sec par un édi­to­rial aux accents volon­ta­ristes du rédac­teur en chef Phi­lippe Mar­tin, « Sim­pli­fier les tuyaux »10.

Le 22 octobre 2015, Le Soir concé­dait une demi page aux tiraille­ments sus­ci­tés à l’intérieur des par­tis fran­co­phones par les vel­léi­tés régio­na­listes de plu­sieurs de leurs élus wal­lons. Il en res­sor­tait que, in fine, ce n’était pas le moment d’en dis­cu­ter et qu’il ne fal­lait pas don­ner des atouts à la N‑VA, mais d’abord « digé­rer » les trans­ferts de com­pé­tences issus de la sixième réforme de l’État de décembre 2010. Cepen­dant, hasard du calen­drier, au détour d’une inter­view accor­dée à l’occasion de sa décla­ra­tion de Poli­tique régio­nale, le ministre-pré­sident (PS) de Bruxelles-Capi­tale Rudi Ver­voort était invi­té par Le Soir à réagir à la tri­bune régio­na­li­sa­trice de ses cama­rades wal­lons. Ce fut pour lui l’occasion, à rebours de son pré­dé­ces­seur Charles Pic­qué, d’afficher une convic­tion davan­tage régio­na­liste que com­mu­nau­ta­riste en insis­tant sur les dif­fé­rences struc­tu­relles crois­santes entre la Wal­lo­nie et Bruxelles-Capi­tale, tout en posant quelques bémols : la néces­saire et inévi­table coopé­ra­tion avec la Flandre et la prio­ri­té don­née à une réforme ne pas­sant pas par une nou­velle révi­sion de la Consti­tu­tion, consi­dé­rée ici aus­si comme une négo­cia­tion à hauts risques avec la N‑VA11.

On ne ter­mi­ne­ra pas ce pas­sage en revue de la presse wal­lo­no-bruxel­loise sans évo­quer Le Vif, l’unique heb­do­ma­daire socio­po­li­tique de Bel­gique fran­co­phone, qui aura atten­du le 29 octobre 2015 pour qu’apparaisse sur son site inter­net une inter­view du direc­teur-géné­ral de l’institut Jules Des­trée, Phi­lippe Des­tatte. Ce der­nier, ame­né à se pro­non­cer sur l’apparente mon­tée en puis­sance des régio­na­listes wal­lons au sein du PS et dans une moindre mesure au sein du MR, ne cachait pas son sou­la­ge­ment de voir resur­gir, tant en Wal­lo­nie qu’au sein de la classe poli­tique fran­co­phone de Bruxelles-Capi­tale, l’idée d’une régio­na­li­sa­tion des com­pé­tences de la CFWB, tout en rap­pe­lant les obs­tacles poli­tiques, éco­no­miques et cultu­rels qui han­di­capent encore lour­de­ment la Wal­lo­nie sur le che­min de l’autonomie12. Fina­le­ment, dans son édi­tion impri­mée du 30 octobre 2015, Le Vif consa­crait enfin un dos­sier à charge et à décharge au débat Régions/CFWB, mais sous le titre anxio­gène « Le scé­na­rio de la divi­sion »

À Bruxelles et en Wallonie, la catastrophe a déjà eu lieu

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Repre­nons un peu de recul. Au-delà des pré­sup­po­sés idéo­lo­giques qui les dis­tin­guaient en matière de rôle des pou­voirs publics et de poli­tique éco­no­mique et sociale, les tri­bunes libé­rale de sep­tembre 2015 et socia­liste d’octobre 2015 eurent le mérite de poser trois constats com­muns et dou­lou­reux qu’il serait irres­pon­sable de tenir sous le bois­seau ad vitam aeter­nam. Que disaient ces tribunes ?

Pri­mo, l’échafaudage ins­ti­tu­tion­nel belge « fran­co­phone », avec ses cinq (voire… six13) pou­voirs exé­cu­tifs et légis­la­tifs, est illi­sible pour les Wal­lons et les Bruxel­lois « fran­co­phones » (cf. infra), qu’ils soient élec­teurs, acteurs de ter­rain, par­te­naires sociaux, fonc­tion­naires, voire man­da­taires poli­tiques14, ce qui induit un réel défi­cit démocratique.

Secun­do, à bout de souffle, l’«usine à gaz » fran­co­phone est tel­le­ment rigide par rap­port aux réa­li­tés spé­ci­fiques (sociales, éco­no­miques, démo­gra­phiques et cultu­relles) de Bruxelles-Capi­tale et de la Wal­lo­nie qu’il a fal­lu éla­bo­rer « sur le tas » des accords intra­fran­co­phones et wal­lo­no-ger­ma­no­phones (gra­ti­fiés de la char­mante déno­mi­na­tion de poli­tiques croi­sées) orga­ni­sant des trans­ferts bud­gé­taires, le tout sous l’épée de Damo­clès de recours inten­tés par le gou­ver­ne­ment fla­mand devant la Cour constitutionnelle.

Ter­tio, mal­gré la labo­rieuse mise sur pied de « bas­sins d’enseignement for­ma­tion-emploi » entre la Région wal­lonne, la COCOF (Bruxelles-Capi­tale) et la CFWB, cette der­nière est inca­pable d’offrir une for­ma­tion à la hau­teur des défis propres à cha­cune de ces deux Régions, une inca­pa­ci­té qui ne doit pas qu’au pro­blème struc­tu­rel de finan­ce­ment de la CFWB.

La Wallonie seule face au défi de sa désindustrialisation

La Wal­lo­nie, en dépit du déve­lop­pe­ment d’un axe éco­no­mique post­in­dus­triel allant du Bra­bant wal­lon au Luxem­bourg en pas­sant par la pro­vince de Namur et avec un détour par le Hai­naut occi­den­tal (ou « Wal­lo­nie picarde »), peine encore à se rele­ver de la dés­in­dus­tria­li­sa­tion et de ses ravages sociaux qui frappent tou­jours le vieux sillon indus­triel Haine-Sambre-Meuse-Vesdre (HSMV)15. En 2013, si la Wal­lo­nie affi­chait un taux chô­mage moyen de 11% (contre 5% en Flandre) et un taux de chô­mage des jeunes de 35% (contre 17% en Flandre), le sillon HSMV (1.576.000 habi­tants) était quant à lui mar­qué par un taux de chô­mage moyen de 22% et un taux de chô­mage des jeunes de 42%.

Les maux dont souffre le sillon HSMV s’expriment éga­le­ment dans les urnes. Lors du scru­tin fédé­ral du 25 mai 2014, tous les regards ont été concen­trés sur le choc des titans entre la N‑VA indé­pen­dan­tiste fla­mande et le PS wal­lo­no-bruxel­lois. L’un des ensei­gne­ments du scru­tin a été la forte pro­gres­sion du PTB d’extrême gauche, lequel a engran­gé 8,33% des suf­frages expri­més dans le sillon HSMV (contre 5,46% pour l’ensemble de la Wal­lo­nie).

Un autre ensei­gne­ment des élec­tions de mai 2014 pour la Wal­lo­nie est que l’extrême droite y a réa­li­sé des scores supé­rieurs au PTB. Ces chiffres inquié­tants sont pas­sés inaper­çus en rai­son de son écla­te­ment en huit cha­pelles concur­rentes et déchi­rées entre bel­gi­ca­nisme et wal­lin­gan­tisme. En HSMV, ces huit listes ont recueilli le nombre non négli­geable de 12,43% des suf­frages (10,11% pour l’ensemble de la Wal­lo­nie)… L’extrême droite enre­gistre même ses meilleurs résul­tats dans des bas­tions his­to­ri­que­ment socia­listes comme Qua­re­gnon (16,57%), La Lou­vière (13,26%), Grâce-Hol­logne (12,68%), Flé­malle (12,66%), Ver­viers (13,01%), Dison (16,88%) et, sur­tout, Char­le­roi (19,15%) et Châ­te­let (19,49%).

Or, démo­gra­phi­que­ment et his­to­ri­que­ment, ce sillon consti­tue la colonne ver­té­brale de la démo­cra­tie wal­lonne et, nolens volens, le vivier élec­to­ral du PS. Dans la Bel­gique uni­taire, le salut de la Wal­lo­nie n’est jamais vrai­ment venu de Bruxelles. Désor­mais, s’accrocher à une union sacrée fran­co­phone incar­née par la CFWB ne peut être qu’une chi­mère (cf. infra) dans une éco­no­mie glo­ba­li­sée, dans le cadre consti­tu­tion­nel d’un État belge à mi-che­min entre fédé­ra­tion et confé­dé­ra­tion, et, enfin, dans une Bel­gique qui voit de plus en plus Bruxelles-Capi­tale se dis­tin­guer struc­tu­rel­le­ment et cultu­rel­le­ment de la Flandre et de la Wal­lo­nie, pour le meilleur et pour le pire.

Bruxelles seule face aux défis de la déqualification et de la migration

Bruxelles-Capi­tale, pour sa part, concentre tous les atouts et tous les défis d’une capi­tale dont le rayon­ne­ment métro­po­li­tain s’étend à une large par­tie du Bra­bant fla­mand et à l’ensemble du Bra­bant wal­lon. En matière d’enseignement et de for­ma­tion, la Région-Capi­tale (Hoofd­ste­de­lijk Gewest, comme la nomme offi­ciel­le­ment la Flandre poli­tique16) souffre d’une poli­tique publique d’investissement qua­li­ta­ti­ve­ment et quan­ti­ta­ti­ve­ment en deçà des défis démo­gra­phiques et éco­no­miques qui se posent à elle. Ceux qui, au sein des for­ma­tions poli­tiques fran­co­phones, prônent un achar­ne­ment thé­ra­peu­tique envers la CFWB, sont comme le pen­du qui s’accroche à sa corde. Leur argu­ment « impa­rable » est : « Il y a autant de points com­muns entre les grands col­lèges bruxel­lois, lié­geois et namu­rois qu’il y a de points com­muns entre les écoles à dis­cri­mi­na­tion posi­tive d’Anderlecht et de Char­le­roi…».

Sauf qu’à la dif­fé­rence de la Wal­lo­nie, Bruxelles-Capi­tale est une métro­pole qui doit rele­ver des défis urbains de pre­mier ordre et concentre sur un ter­ri­toire étroit des pro­blèmes socio-éco­no­miques aigus, en par­ti­cu­lier dans les quar­tiers que les sta­tis­ti­ciens nomment le Crois­sant pauvre17, ces quar­tiers d’ancienne petite indus­trie situés dans la val­lée de la Senne et du Canal, aban­don­nés par les classes moyennes ayant migré dans les années 1970 et 1980 vers les péri­phé­ries fla­mande et wal­lonne, et habi­tés par des classes popu­laires « autoch­tones » et « alloch­tones ». En 2012, si la Région-Capi­tale connais­sait un taux de chô­mage moyen de 19% (contre 11% en Wal­lo­nie) et un taux de chô­mage des jeunes de 41%, le Crois­sant (272.000 habi­tants) était quant à lui frap­pé par un taux de chô­mage moyen de 34% et un taux de chô­mage des jeunes de 47%.

[Bruxelles-Capi­tale] pâtit d’infrastructures sco­laires déla­brées et ploie sous une crois­sance démo­gra­phique expo­nen­tielle aux­quelles les éta­blis­se­ments sco­laires (tous pou­voirs orga­ni­sa­teurs et rôles lin­guis­tiques confon­dus) sont de moins en capables de remé­dier dans l’imbroglio ins­ti­tu­tion­nel bruxel­lois actuel. En 2015, une étude de l’Organisation inter­na­tio­nale pour les migra­tions (OIM) indi­quait que 60% des habi­tants de Bruxelles sont des forei­gn born, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas nés en Bel­gique. Ce fai­sant, Bruxelles-Capi­tale est en deuxième posi­tion sur un clas­se­ment de vingt métro­poles mul­ti­cul­tu­relles et havres de migrants, juste après… Dubaï.

Bruxelles, victime du fantasme « francophone »

Ces chiffres ne font que confir­mer une réa­li­té spé­ci­fi­que­ment bruxel­loise et devraient cal­mer les ardeurs roman­tiques com­mu­nau­taires fran­çaises de cer­tains hommes et femmes poli­tiques qui, contre vents et marées, conti­nuent à consi­dé­rer Bruxelles comme une région à écra­sante majo­ri­té fran­co­phone en amal­ga­mant diglos­sie et bilin­guisme, langue usuelle et lin­gua fran­ca.

Imper­méable aux spé­ci­fi­ci­tés bruxel­loises, ce fan­tasme fran­co­phone se fra­casse sur les études lin­guis­tiques et démo­gra­phiques régu­liè­re­ment publiées par le Brus­sels Stu­dies Ins­ti­tute. À Bruxelles-Capi­tale, ter­ri­toire mul­ti­lingue et diglos­sique par excel­lence, les langues « pri­vées » se répar­tis­saient comme suit en 2013 : uni­lin­guisme fran­çais : 38%; diglos­sie français-«allolangue » : 23%; bilin­guisme fran­çais-néer­lan­dais : 17%; uni­lin­guisme « alloch­tone » : 17%; uni­lin­guisme néer­lan­dais : 5%.

Or, un défi majeur, vital même, que la CFWB s’est mon­trée inca­pable de rele­ver est celui de la maî­trise de l’anglais et sur­tout du néer­lan­dais par les jeunes Bruxel­lois qui ont accom­pli leur par­cours sco­laire dans les éta­blis­se­ments fran­co­phones. Menés sur le ter­rain stric­te­ment sécu­ri­taire, les débats consé­cu­tifs aux atten­tats sur la « déso­cia­li­sa­tion » à l’œuvre dans cer­tains quar­tiers pau­pé­ri­sés bruxel­lois n’en abor­daient pas moins (mais en creux) l’échec patent des ins­ti­tu­tions fran­co­phones en matière d’intégration cultu­relle, sociale et professionnelle.

En février 2013, chiffres effrayants à l’ap­pui, les par­te­naires sociaux bruxel­lois publiaient dans Le Soir une carte blanche alar­mante et un appel cour­rou­cé18 à l’adresse d’une CFWB som­mée d’adapter ses poli­tiques aux spé­ci­fi­ci­tés de la Région-Capi­tale. Cette carte blanche n’était pas sans rap­pe­ler une tri­bune adres­sée, le 19 avril 2010, par le poli­to­logue fla­mand Dave Sinar­det à feu l’ont­mi­j­ner (démi­neur) Jean-Luc Dehaene. Dave Sinar­det pro­po­sait la créa­tion d’un Ensei­gne­ment bruxel­lois régio­nal afin, d’une part, de palier l’incapacité (ou l’absence de volon­té) des écoles fran­co­phones de res­pec­ter le pres­crit consti­tu­tion­nel (1963) d’enseigner le néer­lan­dais et d’en éva­luer la maî­trise et, d’autre part, d’amortir la fran­ci­sa­tion19 galo­pante et « déqua­li­fiante » de Bruxelles-Capi­tale20.

Sans même par­ler de la ques­tion du (re)financement d’un ensei­gne­ment fran­co­phone régio­na­li­sé, une régio­na­li­sa­tion maxi­male devra affron­ter à des obs­tacles de taille.

Quid de la régio­na­li­sa­tion de l’enseignement supé­rieur ? Pre­mière ques­tion : le régime auquel seraient sou­mis les quelque 60% d’é­tu­diants wal­lons de l’enseignement supé­rieur qui étu­dient à Bruxelles. Seraient-ils inter­dits d’accès aux uni­ver­si­tés bruxel­loises et, si tel n’était pas le cas, y ins­tau­re­rait-on des miner­vaux de mon­tants dif­fé­rents selon qu’ils seraient domi­ci­liés en Wal­lo­nie ou à Bruxelles-Capi­tale ? Deuxième ques­tion : l’existence d’universités trans­ré­gio­nales. Scin­de­rait-on les deux plus grosses ins­ti­tu­tions uni­ver­si­taires, l’ULB et son pôle caro­lo­ré­gien, d’une part, l’UCL et son pôle bruxel­lois, d’autre part ?

Quid de la régio­na­li­sa­tion de l’enseignement obli­ga­toire ? Pre­mière ques­tion : com­ment la Région de Bruxelles-Capi­tale pour­rait-elle coor­don­ner des réseaux d’enseignement au sein des­quels le plus gros pou­voir orga­ni­sa­teur res­te­rait la Ville de Bruxelles, laquelle gagne­rait encore davan­tage de poids face à la Région ? Deuxième ques­tion : com­ment serait menée la ges­tion des per­son­nels et de leurs car­rières ? Même si ce ne serait évi­dem­ment pas le but recher­ché, la régio­na­li­sa­tion intro­dui­rait inévi­ta­ble­ment la pos­si­bi­li­té de pro­mou­voir des car­rières dif­fé­ren­ciées. En d’autres mots, com­ment évi­ter une concur­rence entre la Wal­lo­nie et Bruxelles selon que, fai­sant che­min à part, telle Région rému­né­re­rait mieux que l’autre le per­son­nel ensei­gnant ou exi­ge­rait des titres requis différents ?

Frémissements chez les Bruxellois néerlandophones

Côté fla­mand, et par-delà les pro­vo­ca­tions et rodo­mon­tades de la N‑VA, déten­trice des pos­tés clés au sein du gou­ver­ne­ment fla­mand et sur­tout du gou­ver­ne­ment fédé­ral, les lignes com­mu­nau­taires semblent éga­le­ment se dépla­cer. Ain­si, les ins­ti­tu­tions bruxel­loises fla­mandes sont en plein ques­tion­ne­ment, confron­tées qu’elles sont à un rela­tif dés­in­té­rêt et dés­in­ves­tis­se­ment du gou­ver­ne­ment fla­mand (qui contraste avec sa ligne poli­tique offi­cielle et avec l’impression qu’en a l’opinion fran­co­phone) et une sub­mer­sion des écoles néer­lan­do­phones par l’afflux de Bruxel­lois fran­co­phones et « alloch­tones ». Ain­si, la VGC (Vlaamse Gemeen­schaps­com­mis­sie), l’équivalent fla­mand de la COCOF à Bruxelles, envi­sage de se renom­mer NGC (Neder­land­sta­lige Gemeen­schaps­com­mis­sie).

En se défi­nis­sant comme néer­lan­do­phones et non plus fla­mandes, les ins­ti­tu­tions bruxel­lo-fla­mandes se mon­tre­raient davan­tage inclu­sives pour les « allo­phones » et les fran­co­phones, tan­dis qu’elles affir­me­raient une iden­ti­té bruxel­loise pri­mant sur l’identité fla­mande. Comme c’était pré­vi­sible, les dépu­tés de l’opposition N‑VA du Par­le­ment bruxel­lois et de la VGC s’opposent à un tel chan­ge­ment de déno­mi­na­tion. Mais la preuve est faite que, même à mots cou­verts et avec une pru­dence de Sioux, la ques­tion de la régio­na­li­sa­tion, pour­rait enfin deve­nir un sujet bes­preek­baar pour une par­tie du spectre poli­tique bruxello-flamand.

Bruxelles, royaume du surréalisme administratif

Un autre sujet de conten­tieux entre par­tis fran­co­phones et néer­lan­do­phones est l’organisation des pou­voirs locaux à Bruxelles-Capi­tale, seule Région « épar­gnée » par les fusions et les redé­cou­pages de com­munes de 1977. Les par­tis fran­co­phones ont peur d’ouvrir l’appétit de par­tis fla­mands deman­deurs de fusions com­mu­nales qui don­ne­raient davan­tage de visi­bi­li­té et de poids à la mino­ri­té néer­lan­do­phone bruxel­loise. Quant aux dix-neuf (19!) bourg­mestres (tous fran­co­phones) de Bruxelles, qui siègent pour la plu­part au Par­le­ment bruxel­lois, ils ne veulent pas se déles­ter de com­pé­tences directes et indi­rectes qui leur offrent un contre-pou­voir sou­vent para­ly­sant face au gou­ver­ne­ment bruxellois.

Or, la non-fusion des com­munes n’a pas qu’un impact finan­cier. Les limites com­mu­nales (en par­ti­cu­lier celles de la Ville de Bruxelles), inchan­gées depuis 1921, sont deve­nues ana­chro­niques au regard des évo­lu­tions démo­gra­phiques et socioé­co­no­miques. Or, c’est sur la base de cet ana­chro­nisme qu’ont été des­si­nées les six zones inter­po­lices (ZIP) de Bruxelles-Capi­tale21, ce qui a éga­le­ment un impact sur l’efficacité des ser­vices de police et de pro­tec­tion du citoyen.

Une réor­ga­ni­sa­tion intra­bruxel­loise est néces­saire. Elle devrait pas­ser par des fusions et/ou des redé­cou­pages de com­munes. Glo­ba­le­ment, elle pour­rait s’inspirer du décou­page des ZIP, en les débar­ras­sant de leur déli­mi­ta­tion ana­chro­nique dans deux cas pré­cis : la ZIP de Bruxelles-Ixelles et celle de Bruxelles-Ouest. Le ter­ri­toire de la Ville de Bruxelles est tor­tueux et les trois com­munes qui y ont été rat­ta­chées en 1921 sont de fac­to décon­nec­tées du Penta­gone : Lae­ken forme un conti­nuum socioé­co­no­mique avec Jette (Bruxelles-Ouest) et Neder-Over-Heem­beek avec Schaer­beek, tan­dis que, bien qu’enclavée dans un nœud fer­ro­viaire, Haren forme un conti­nuum avec Schaer­beek et Evere. Enfin, une réor­ga­ni­sa­tion des com­munes devrait éga­le­ment pas­ser par des trans­ferts de com­pé­tences vers la Région-Capi­tale, pour en finir avec un sys­tème de baron­nies concur­rentes et vou­lant à tout prix échap­per à la tutelle du pou­voir régio­nal, comme les scan­dales qui secouent la Ville de Bruxelles l’ont cruel­le­ment démontré.

En finir avec une « Fédération » belgicaniste

Confron­tée au réel de la Bel­gique fédé­ra­lo-confé­dé­rale et aux dyna­miques propres à Bruxelles-Capi­tale et à la Wal­lo­nie, la CFWB a échoué à se confor­mer à sa « rai­son sociale » et à rele­ver le défi le plus vital d’entre tous : l’enseignement. S’accrocher à la chi­mère d’une CFWB exsangue et dépour­vue de pro­jet autre que défen­sif, c’est se com­por­ter, consciem­ment ou incons­ciem­ment, en bel­gi­ca­nistes non assu­més, repliés sur une « fédé­ra­tion » wal­lo­no-bruxel­loise qui, objec­ti­ve­ment, ne sera jamais qu’une « mini Bel­gique » défi­nie en creux et en oppo­si­tion à « la Flandre », un reli­quat de la Bel­gique « fran­co­phone » de jadis et un ana­chro­nisme sui­ci­daire et irres­pon­sable, dénon­cé, à juste titre et tou­jours dans Le Vif, par Phi­lippe Des­tatte22.

Les bal­lons d’essai « régio­na­listes » de l’automne 2015 furent une bouf­fée d’oxygène dans un espace poli­tique fran­co­phone sclé­ro­sé et para­ly­sé par la peur panique de la pro­chaine réforme ins­ti­tu­tion­nelles. Hélas, il ne leur a pas été don­né suite. Or, plu­tôt que de refu­ser ce débat refou­lé depuis plus de trois décen­nies, les par­tis fran­co­phones devraient plu­tôt anti­ci­per le pro­chain round ins­ti­tu­tion­nel, et ce en deux temps.

Dans un pre­mier temps, sans devoir s’engager dans une négo­cia­tion ins­ti­tu­tion­nelle com­plexe et ardue avec les par­tis fla­mands, les par­tis fran­co­phones pour­raient faire un usage opti­mal de l’article 138 de la Consti­tu­tion. Ins­crit dans la Consti­tu­tion depuis… 1993, cet article per­met à la CFWB, d’une part, à la Wal­lo­nie et à la COCOF, d’autre part, de déci­der de com­mun accord du trans­fert de cer­taines com­pé­tences de la CFWB vers la Wal­lo­nie (à l’exception des deux can­tons admi­nis­tra­tifs for­mant le ter­ri­toire de la Com­mu­nau­té ger­ma­no­phone) et vers la COCOF. Dans pareil cas de figure, la CFWB ne serait plus qu’une cou­pole de négo­cia­tion et de coor­di­na­tion entre la Wal­lo­nie et les ins­ti­tu­tions fran­co­phones de Bruxelles-Capi­tale. C’est le scé­na­rio pré­co­ni­sé par les cosi­gna­taires socia­listes wal­lons de la tri­bune parue dans La Libre Bel­gique.

La régionalisation, ultime dénominateur commun et pragmatique

Appa­rem­ment confor­table sur papier, ce scé­na­rio aurait néan­moins pour talon d’Achille de creu­ser le fos­sé entre Bruxel­lois fran­co­phones et néer­lan­do­phones, de com­plexi­fier davan­tage la lisi­bi­li­té du laby­rinthe ins­ti­tu­tion­nel bruxel­lois et d’ouvrir une brèche vers tout ce dont les par­tis fran­co­phones jurent, à juste titre, vou­loir évi­ter à tout prix : l’instauration de fac­to voire la recon­nais­sance de jure de deux sous-natio­na­li­tés à Bruxelles-Capi­tale.

Dans un second temps, s’ils se veulent consé­quents et proac­tifs, les par­tis fran­co­phones devraient sor­tir la tête du sable et s’atteler à l’élaboration d’un pro­jet de réforme radi­cale de la Consti­tu­tion belge fon­dé sur la recon­nais­sance de quatre enti­tés poli­tiques auto­nomes, fussent-elles dénom­mées Régions (Gewes­ten) ou États fédé­rés (Deel­sta­ten). C’est dans cette direc­tion que s’engage le scé­na­rio pré­co­ni­sé par les cosi­gna­taires libé­raux wal­lons de la tri­bune publiée dans Le Soir. À l’instar de la tri­bune socia­liste, il a le mérite de prendre acte du dépla­ce­ment du centre de gra­vi­té du fédé­ra­lisme belge des Com­mu­nau­tés vers les Régions (cou­leuvre ava­lée par la majo­ri­té des par­tis fla­mands à pro­pos de Bruxelles-Capi­tale). Mais, en outre, ce scé­na­rio se fonde sur l’intan­gi­bi­li­té de la fron­tière lin­guis­tique et donc des quatre régions lin­guis­tiques (cou­leuvre ava­lée par la majo­ri­té des par­tis belges fran­co­phones), cette intan­gi­bi­li­té étant la condi­tion néces­saire de via­bi­li­té et de coexis­tence entre quatre enti­tés (fédé­rées ou confé­dé­rées) n’ayant plus de reven­di­ca­tions ter­ri­to­riales les unes envers les autres.

Quid des germanophones de Wallonie et des néerlandophones de Bruxelles ?

Peu nom­breux et peu écou­té, le per­son­nel poli­tique de la Com­mu­nau­té ger­ma­no­phone est (à l’exception du CSP social-chré­tien) deman­deur d’une telle réforme qui la ferait s’émanciper tota­le­ment de la Région wal­lonne et pas­ser du sta­tut de Gemein­schaft à celui de Region à part entière. Pour­quoi, se deman­de­ront cer­tains esprits comp­tables, éri­ger en Région auto­nome une enti­té qui n’est forte que de 78.000 habi­tants ? À ceux-là, on rap­pel­le­ra le pro­ces­sus uni­la­té­ral et anti­dé­mo­cra­tique par lequel, en 1920, les actuels can­tons d’Eupen et Saint-Vith furent déta­chés de la pro­vince alle­mande (prus­sienne) de Rhé­na­nie (Rhein­land) et annexés à la Bel­gique. Qui plus est, l’argument comp­table est à double tran­chant : de 1961 à 2011, les par­tis fran­co­phones ont fer­raillé, en vain, pour déta­cher de la Flandre les six com­munes à sta­tut lin­guis­tique spé­cial de la péri­phé­rie de Bruxelles, com­munes dont la popu­la­tion totale n’excède pas les 71.000 habi­tants (dont 23.000 néerlandophones). 

Quant aux Bruxel­lois néer­lan­do­phones, ils se ques­tionnent à leur tour (cf. supra) et ce ques­tion­ne­ment est d’autant plus impor­tant qu’aucune réforme ne pour­ra se faire sans leur aval. L’évidence impose de recon­naître qu’une telle réforme ne serait accep­table pour une majo­ri­té de par­tis fla­mands que si ces der­niers obte­naient la garan­tie que le monde poli­tique fran­co­phone a renon­cé à l’option « Wal­lo­nie-Bruxelles » inté­grale, per­çue au-delà de la fron­tière lin­guis­tique comme un pro­gramme qua­si sépa­ra­tiste23, fran­ci­sa­teur et indif­fé­rent aux besoins et aux inté­rêts tant de la Flandre que des Bruxel­lois néerlandophones.

Dans pareil scé­na­rio, le « prix à payer » par le monde poli­tique fran­co­phone serait très cer­tai­ne­ment un ren­for­ce­ment dans la Consti­tu­tion de la pro­tec­tion lin­guis­tique des Bruxel­lois néer­lan­do­phones, en d’autres mots, l’adoption de nou­velles lois spé­ciales et autres mesures contrai­gnantes des­ti­nées garan­tir le bilin­guisme de la Région de Bruxelles-Capi­tale autre­ment que sur papier. On songe ici à une réor­ga­ni­sa­tion radi­cale de l’enseignement, de la for­ma­tion et de la culture.

Si les Belges fran­co­phones tiennent tant à l’autonomie de Bruxelles et à une Bel­gique fédé­rale, s’ils craignent à ce point les coups de bou­toir confé­dé­ra­listes ou sépa­ra­tistes de la droite natio­na­liste fla­mande, ils doivent recon­naître que Bruxelles, en tant que capi­tale fédé­rale, se doit d’être davan­tage ouverte aux Fla­mands (qui consti­tuent la majo­ri­té démo­gra­phique, poli­tique, éco­no­mique et cultu­relle de l’État belge, faut-il le rap­pe­ler), ce qu’elle n’est abso­lu­ment pas et de moins en moins aujourd’hui. C’est éga­le­ment à ce prix que Bruxelles-Capi­tale échap­pe­ra au spectre (agi­té par la N‑VA) de sa coges­tion inté­grale par les deux grandes Com­mu­nau­tés, une coges­tion qui serait non seule­ment un déni de démo­cra­tie pour les citoyens bruxel­lois, mais aus­si et sur­tout un retour en arrière de 25 ans, à l’époque où l’Agglo­mé­ra­tion bruxel­loise, « cogé­rée » par le gou­ver­ne­ment cen­tral, était un cau­che­mar socio-éco­no­mique et urba­nis­tique pour ses habitants.

Des francophones proactifs ? On peut toujours rêver

Dans le Bel­gique du XXIe siècle, le scé­na­rio de la « décom­mu­ni­ta­ri­sa­tion » et de la régio­na­li­sa­tion ne devrait plus rele­ver d’une pul­sion roman­tique ou d’une stra­té­gie défen­sive à courte vue. Une com­mu­nau­té poli­tique ne se défi­nit plus par sa seule com­mu­nau­té de langue, mais éga­le­ment par les ins­ti­tu­tions dont elle se dote. Mal­gré leurs fai­blesses, la Wal­lo­nie et Bruxelles-Capi­tale sont par­ve­nues à struc­tu­rer peu ou prou les socié­tés wal­lonne et bruxel­loise. Ce modèle, s’il se débar­rasse expli­ci­te­ment de ses ori­peaux bel­gi­ca­nistes ou défen­sifs anti­fla­mands, peut four­nir une base bes­preek­baar pour la majo­ri­té poli­tique fla­mande de ce pays.

La régio­na­li­sa­tion, ce mot qui « déchire », ne serait que l’aboutissement logique des réformes admi­nis­tra­tives et consti­tu­tion­nelles enta­mées en 1962 – 1963 sous les pres­sions contra­dic­toires des mou­ve­ments fla­mand, bruxel­lois fran­co­phone et wal­lon : le cli­chage de la fron­tière lin­guis­tique et la déter­mi­na­tion de quatre ter­ri­toires lin­guis­tiques (taal­ge­bie­den, Sprach­ge­biete) pérennes : une Flandre néer­lan­do­phone, une Wal­lo­nie fran­co­phone, une « Bel­gique de l’Est » (Ost­bel­gien) ger­ma­no­phone et une Région-Capi­tale bruxel­loise de bilin­guisme fran­çais-néer­lan­dais. Cette sim­pli­fi­ca­tion du mil­le­feuille belge sur une base régio­nale, qua­si éta­tique et ter­ri­to­riale est sans doute le der­nier déno­mi­na­teur com­mun sur lequel peuvent s’accorder fédé­ra­listes « d’union » et auto­no­mistes, qu’ils soient Fla­mands, Wal­lons ou Bruxellois.

Une Belgique gouvernable, démocratique et représentative

À en croire les chiffres four­nis en novembre 2015 par le SPF Finances, la Banque natio­nale et le Conseil éco­no­mique et social de Wal­lo­nie, la pro­chaine réforme de l’État risque de voir la Wal­lo­nie se pré­sen­ter exsangue à la table des négo­cia­tions, la faute à une nou­velle Loi de finan­ce­ment stra­té­gi­que­ment mal négo­ciée en 2010 – 2011 et au tax-shift ini­tié par le gou­ver­ne­ment fédé­ral. Est-ce une rai­son pour que le per­son­nel poli­tique wal­lon conti­nue de s’enfoncer la tête dans le sable et de repous­ser aux calendes grecques le débat CFWB/Régions ? Non. Sur­tout quand il s’avère que Bruxelles-Capi­tale, pour­tant gou­ver­née par la même coa­li­tion (+ DéFI, l’ex-FDF) qu’en Wal­lo­nie (PS-CDH), a elle-même opté pour un tax-shift cen­sé rapa­trier ou atti­rer en Région bruxel­loise une par­tie des classes moyennes et supé­rieures ins­tal­lées dans le Bra­bant wal­lon et le Bra­bant fla­mand. Si ceci ne suf­fit pas à démon­trer que la « soli­da­ri­té » cen­sée être incar­née par la CFWB n’est qu’un pro­pos incan­ta­toire, que faut-il de plus ?

Au risque de frois­ser les plus fri­leux des hommes poli­tiques fran­co­phones, ces der­niers seraient d’ailleurs bien avi­sés d’envisager la mise en œuvre de l’Article 35 de la Consti­tu­tion24 et, après un débat préa­lable entre par­tis fran­co­phones, de défi­nir, dans le cadre d’une négo­cia­tion avec les par­tis fla­mands, les com­pé­tences expli­cites de l’Exécutif fédé­ral ou confé­dé­ral. À cette occa­sion, on pour­rait, pour ne prendre qu’un exemple, cor­ri­ger cer­taines inco­hé­rences en matière de Jus­tice et rele­vées par le poli­to­logue Dave Sinar­det dans les colonnes de La Libre Bel­gique le 28 novembre 2015, dans la fou­lée des atten­tats pari­siens du 13 novembre 201525.

Que l’issue consti­tu­tion­nelle d’une telle négo­cia­tion (qui se pose­ra, au pire, dès 2019) soit plu­tôt fédé­rale ou plu­tôt confé­dé­rale ne chan­ge­ra rien au pres­crit régio­nal ou ter­ri­to­rial. L’enjeu est de four­nir aux citoyens des quatre démo­cra­ties de la Bel­gique contem­po­raine les leviers ins­ti­tu­tion­nels qui leur per­mettent de s’émanciper socia­le­ment, éco­no­mi­que­ment et cultu­rel­le­ment. Autre­ment dit, de se pro­je­ter poli­ti­que­ment et de s’autodéterminer.

L’épée de Damoclès de 2025 – 2035

Il n’est pas inutile de rap­pe­ler que la réforme de l’État d’octobre 2011 a accru for­te­ment l’autonomie des Régions, en termes finan­ciers et de com­pé­tences. Finan­ciè­re­ment, les Régions vont devoir vivre de moins en moins des trans­ferts fédé­raux et de plus en plus de leur richesse propre, de leur fis­ca­li­té et de leur contri­bu­tion à l’IPP. Pour ména­ger une tran­si­tion, la réforme de 2011 pré­voit une période « blanche » de dix ans (2015 – 2025), sui­vie d’un méca­nisme dégres­sif d’une deuxième décen­nie (2025 – 2035) cen­sé « ne pas appau­vrir struc­tu­rel­le­ment une ou plu­sieurs enti­tés fédé­rées » (la Wal­lo­nie, pour ne pas la nom­mer) et ne pas les asphyxier par une régres­sion radi­cale et subite de leurs moyens.

Sous une telle épée de Damo­clès, il reste à espé­rer que la Wal­lo­nie se libé­re­ra de cer­tains ata­vismes et inves­ti­ra désor­mais ses maigres res­sources publiques dans d’autres pro­jets que, pour ne prendre que ces exemples, des inter­com­mu­nales rapaces ou des gares fer­ro­viaires méga­lo­manes menant direc­te­ment au ter­mi­nus des pré­ten­tieux26

  1. C’est ain­si qu’en mai 2011, la Com­mu­nau­té fran­çaise a été rebap­ti­sée sur l’initiative du gou­ver­ne­ment « fran­co­phone » de Rudy Demotte (PS-Eco­lo-CDH), une ini­tia­tive anti­cons­ti­tu­tion­nelle, faut-il le pré­ci­ser. Mais pour­quoi faire simple quand on peut faire com­pli­qué ? Le nom de domaine offi­ciel de la « Fédé­ra­tion » est quant à lui www.cfwb.be, autre­ment dit Com­mu­nau­té fran­çaise Wal­lo­nie-Bruxelles, lequel redi­rige l’internaute vers le por­tail de la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles. Dans les lignes qui suivent, nous uti­li­se­rons le sigle CFWB en lieu et place de Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles et Com­mu­nau­té fran­çaise de Bel­gique.
  2. Assez rébar­ba­tive et cen­sée faire un sort au qua­li­fi­ca­tif fran­co­phone, cette ter­mi­no­lo­gie est celle uti­li­sée dans les docu­ments publics de la CFWB.
  3. « Depuis 1956 et le congrès des Réformes de struc­ture d’André Renard […], notre demande de régio­na­li­sa­tion est […] axée sur un fonc­tion­ne­ment plus effi­cace, plus cohé­rent de la matière socio-éco­no­mique. Je suis un régio­na­liste prag­ma­tique, pas un régio­na­liste roman­tique. C’est vrai­ment pour faire mieux fonc­tion­ner le socio-éco­no­mique que nous pro­po­sons de régio­na­li­ser les matières de la Com­mu­nau­té. […] Les défen­seurs de la Com­mu­nau­té fran­çaise vont nous repro­cher de vou­loir cas­ser la soli­da­ri­té entre Wal­lons et Bruxel­lois. Nous, on a fait une ana­lyse rigou­reuse des choses. Dans la colonne des plus pour la Com­mu­nau­té, il y a la soli­da­ri­té, c’est vrai. Mais dans la colonne des moins, il y a une longue série d’éléments : le manque d’efficacité, de cohé­rence, de connexion avec les matières régio­nales, d’anticipation, le coût… Entre la colonne débit et la colonne cré­dit, c’est assez dés­équi­li­bré. […] Là où il est néces­saire de conser­ver une soli­da­ri­té ou des liens, à savoir pour l’enseignement, la culture ou le sport, il y a moyen de le faire sans aucune struc­ture poli­tique, sans gou­ver­ne­ment. Avec une struc­ture souple, biré­gio­nale. Dès lors, avan­çons ! Jus­ti­fier l’existence de la Com­mu­nau­té fran­çaise par la soli­da­ri­té et les liens à conser­ver, ça n’a pas de sens. Il y a moyen de faire les choses aus­si bien, et même plus effi­ca­ce­ment, autre­ment. » Qui dit trans­fert offi­ciel de toutes les matières de la CFWB, dit réforme de la Consti­tu­tion, laquelle énu­mère les com­pé­tences des Com­mu­nau­tés. « Exact : il faut trans­fé­rer les matières sans ambi­guï­té aux Régions. Il faut un calen­drier fai­sable. Il faut voir le temps que prend chaque trans­fert. Mais il ne faut pas attendre 2040 ! C’est peut-être 2019, peut-être 2022. » N’est-ce pas faire le jeu de la N‑VA ? « Non ! Si on doit conti­nuer à vivre avec ce manque d’efficacité sous pré­texte que ça va faire le jeu de la N‑VA, ça ne va pas. Du reste, la N‑VA va reve­nir avec des reven­di­ca­tions ins­ti­tu­tion­nelles en 2019. Si on n’agit pas, on va se retrou­ver dans l’éternelle situa­tion de n’être deman­deurs de rien. Arrê­tons de faire l’autruche ! »
  4. aujourd’hui ministre wal­lon sor­tant des Pou­voirs locaux
  5. Res­pec­ti­ve­ment élus dans les pro­vinces de Namur, Hai­naut et Liège.
  6. Res­pec­ti­ve­ment élus dans les pro­vinces de Liège et de Hainaut.
  7. « Contrai­re­ment à ceux qui estiment que le débat ins­ti­tu­tion­nel intra­fran­co­phone est quelque peu sté­rile à l’heure où il faut affron­ter une crise éco­no­mique, nous esti­mons que l’on ne peut plus faire l’économie d’une refonte en pro­fon­deur de nos ins­ti­tu­tions fran­co­phones. Wal­lons et Bruxel­lois méritent un pro­jet poli­tique clair au sein du cadre belge. Wal­lons et Bruxel­lois doivent choi­sir leur des­tin et non le subir. Il faut être capable de gérer, dans le cadre d’un pro­jet poli­tique construit, les nou­veaux moyens et les nou­velles com­pé­tences. La réponse à cet impé­ra­tif tra­dui­ra la cré­di­bi­li­té fran­co­phone à pou­voir assu­mer effi­ca­ce­ment son ave­nir. Cette res­pon­sa­bi­li­sa­tion est au cœur de notre réflexion. […] Le dis­po­si­tif [actuel] est incom­pré­hen­sible tant pour le citoyen que pour nos entre­prises ain­si que pour les inves­tis­seurs étran­gers. […] C’est très clai­re­ment un appel au prag­ma­tisme et à la sou­plesse ins­ti­tu­tion­nelle orien­té vers une logique de résul­tat. Les rela­tions de confiance entre les citoyens et les res­pon­sables poli­tiques ont atteint une cote d’alerte. La com­plexi­té des ins­ti­tu­tions fran­co­phones ne peut que contri­buer à accen­tuer ce pro­ces­sus de délé­gi­ti­ma­tion. Élu­der cette ques­tion, c’est mettre en dan­ger les fon­de­ments de notre sys­tème démo­cra­tique. […] Notre Région ain­si que notre pays doivent se doter d’institutions dont l’architecture et le fonc­tion­ne­ment sont clai­re­ment iden­ti­fiables. Les ins­ti­tu­tions fran­co­phones doivent sai­sir l’opportunité de leur réor­ga­ni­sa­tion à la suite des trans­ferts de com­pé­tences pour être capables de gérer, dans le cadre d’un pro­jet poli­tique construit, des com­pé­tences et moyens nou­veaux. […] Le cadre fédé­ra­tif doit inté­grer plei­ne­ment la pri­mau­té du fait régio­nal et mettre en avant l’intérêt réci­proque à tra­vailler ensemble dans un sys­tème qui désor­mais doit s’articuler autour de quatre Régions à part entière : la Région fla­mande, wal­lonne, de Bruxelles-Capi­tale et la Région ger­ma­no­phone. Le fait régio­nal notam­ment de par sa lisi­bi­li­té géo­gra­phique s’impose désor­mais. […] Le fait régio­nal consti­tue le réfé­rent de base du par­tage des com­pé­tences. Cela n’exclut pas que, dans une vision prag­ma­tique, lorsque l’intérêt com­mun le réclame, un cer­tain nombre de matières – un socle com­mun – peuvent être gérées au sein d’une fédé­ra­tion via des accords de coopé­ra­tion ren­for­cée. La Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles ne peut pas seule­ment être une Com­mu­nau­té fran­çaise qui change de nom. C’est pour­quoi la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles ne peut trou­ver désor­mais son fon­de­ment que dans la volon­té régio­nale réci­proque de gérer cer­taines com­pé­tences en commun. »
  8. « Depuis quelque temps, des élus fran­co­phones, libé­raux hier, socia­listes aujourd’hui, vou­draient que le Sud du pays se pré­pare à la pro­chaine muta­tion de l’État qui semble d’ores et déjà ins­crite dans les astres. Ce n’est pas sot. Car à force de n’être “deman­deurs de rien”, les fran­co­phones, mal pré­pa­rés, se sont sou­vent fait “rou­ler dans la farine”. D’autant que les ins­ti­tu­tions fran­co­phones ne sont pas claires. Le che­vau­che­ment Régions/Com­mu­nau­té n’a jamais per­mis aux citoyens de s’identifier à leur Com­mu­nau­té, rebap­ti­sée “Fédé­ra­tion”. Y mettre de l’ordre est une bonne idée. »
  9. « La Wal­lo­nie semble tou­jours avoir eu peur de ses propres audaces en matière de régio­na­li­sa­tion et la pre­mière force poli­tique du sud du pays en porte tou­jours les stig­mates. […] Une nou­velle géné­ra­tion a pris le relais, via une carte blanche mais le PS reste pru­den­tis­sime sur le sujet… il ne faut pas effrayer l’électeur wal­lon, que l’on sait peu régio­na­liste. […] Face à une région bruxel­loise qui a trou­vé ses marques et qui s’affirme, la Wal­lo­nie semble tou­jours quelque peu se cher­cher. […] Les for­ma­tions poli­tiques se retrouvent face à un dilemme : oser le débat interne et affi­cher ses diver­gences ou remettre le sujet sous le bois­seau et se retrou­ver comme à chaque fois les par­tis fran­co­phones face à une échéance ins­ti­tu­tion­nelle : sans pro­jet. L’absence d’échéance élec­to­rale proche devrait per­mettre aux par­tis d’enfin oser le débat, et pour­quoi pas tous autour d’une même table […].»
  10. « Pré­vi­sible et logique : la trans­for­ma­tion de la Bel­gique se fait par étapes et le fonc­tion­ne­ment ins­ti­tu­tion­nel actuel, avec une Région wal­lonne au sud et une Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles, pour l’ensemble de l’espace fran­co­phone, a suf­fi­sam­ment mon­tré ses limites. […] Mais à qui la faute […]? Si les trois dépu­tés PS sou­lignent à suf­fi­sance la res­pon­sa­bi­li­té de l’État belge dans le sous-finan­ce­ment de l’économie wal­lonne pen­dant les der­nières décen­nies du XXe siècle, il ne faut pas non plus igno­rer l’action des élus wal­lons et fran­co­phones qui, tous par­tis confon­dus, n’ont eu de cesse d’empêcher une énième réforme ins­ti­tu­tion­nelle, de peur d’y perdre sur le plan des trans­ferts finan­ciers nord/sud. […] Faire, aujourd’hui, [ce] constat […] est une sorte de luci­di­té… quelque peu tar­dive. Mais là encore ce sont les fran­co­phones eux-mêmes qui ont vou­lu main­te­nir ce double niveau de pou­voir, contre vents et marées […]. Jusqu’à ce que les ques­tions sur la mau­vaise ges­tion de notre ensei­gne­ment viennent bous­cu­ler les cer­ti­tudes. […] Le plus gros écueil à sur­mon­ter pour aller vers une régio­na­li­sa­tion défi­ni­tive res­te­ra cer­tai­ne­ment la mul­ti­tude des diver­gences au sein des partis. »
  11. « Le fait régio­nal est une réa­li­té à Bruxelles, un son­dage vient encore de mon­trer qu’il croît de manière impor­tante. Bruxelles est deve­nue une métro­pole cos­mo­po­lite, un mel­ting-pot impro­bable et incroyable. Cela fait ger­mer une série de choses, et, sur­tout, cela fait qu’on ne se recon­naît pas néces­sai­re­ment dans ce qui se fait au Nord ou au Sud du pays. Cette don­née modi­fie pro­fon­dé­ment notre rap­port aux ins­ti­tu­tions. […] Il faut tra­vailler avec les autres Régions, avec les Com­mu­nau­tés. Notre marque de fabrique, à Bruxelles, c’est de créer les condi­tions pour que tous ces acteurs tra­vaillent ensemble. Après il y a la tuyau­te­rie ins­ti­tu­tion­nelle… […] Ne ser­vons pas la soupe à la N‑VA. Si on veut réflé­chir à la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles, fai­sons-le dans le cadre ins­ti­tu­tion­nel actuel. Sinon, on ouvre la boîte de Pan­dore. Il faut réin­ven­ter la Fédé­ra­tion, en créant une dyna­mique qui émane des Régions : […] une Fédé­ra­tion, ce sont deux enti­tés qui décident d’un pro­jet com­mun. […] Je ne demande pas la sup­pres­sion de la Fédé­ra­tion, mais un meilleur fonc­tion­ne­ment. Et, à Bruxelles, il faut qu’on puisse aus­si tra­vailler avec la Com­mu­nau­té fla­mande. Pro­por­tion­nel­le­ment à ce qu’elle repré­sente en termes numé­riques à Bruxelles, la Flandre est bien plus pré­sente que la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles. »
  12. « La logique iden­ti­taire est dépas­sée. Ce qui compte aujourd’­hui, c’est d’im­pli­quer les citoyens dans un pro­jet auquel ils adhèrent, pas d’es­sayer de les faire vibrer avec des dra­peaux. […] Le débat actuel dépasse une réflexion sur la tuyau­te­rie ins­ti­tu­tion­nelle, il concerne l’ef­fi­ca­ci­té des poli­tiques publiques. […] Quoi qu’on en dise, on n’ar­rive pas à redres­ser la Région wal­lonne ! On la sta­bi­lise, on arrête son déclin, mais on ne la fait pas décol­ler. Si vous pre­nez le PIB par habi­tant com­pa­ré à la Bel­gique ou à l’Eu­rope depuis le début des années 1990 jusque 2015, c’est un encé­pha­lo­gramme plat. Il y a eu une petite aug­men­ta­tion de la crois­sance pen­dant la crise mais le dif­fé­ren­tiel avec la Flandre s’ac­croît à nou­veau. […] Les com­pé­tences [de l’Enseignement et de la Culture] sont stra­té­giques pour la recon­ver­sion. C’est là qu’il faut inves­tir sérieu­se­ment. Mais, plus lar­ge­ment, nous devons aller vers des orga­nismes d’en­sei­gne­ment qui ont plus de liber­té péda­go­gique, qui mettent en place des pro­jets com­muns avec un dia­logue par-delà les réseaux. Lais­sons la place à la créa­ti­vi­té, on ne peut de toute façon pas faire pire que ce qu’on a fait jus­qu’i­ci ! La régio­na­li­sa­tion, ce n’est pas trans­for­mer sou­dain les petits Belges fran­co­phones en des petits Wal­lons, non, c’est créer des jeunes plus créa­tifs, plus auto­nomes, plus res­pon­sables et plus entre­pre­neurs ! Arrê­tons aus­si de mettre deux fonc­tion­naires der­rière chaque cher­cheur, ce modèle ne fonc­tionne pas. Le poids de la fonc­tion publique et du sec­teur non mar­chand est trop lourd. Alors qu’il manque 150.000 emplois dans les entreprises. »
  13. Pour cer­taines matières, la Wal­lo­nie doit inter­agir avec la… Com­mu­nau­té ger­ma­no­phone.
  14. Ain­si, le Contrat pour l’É­co­no­mie et l’Em­ploi de la Région de Bruxelles-Capi­tale (2005) se fixait-il, entre autres, comme objec­tif de pro­duire un… inven­taire des innom­brables accords de coopé­ra­tion en vigueur en RBC (Région, COCOF, COCOM, VGC).
  15. D’ouest en est, le sillon HSMV englobe les com­munes (post-fusions de 1977) sui­vantes : Ber­nis­sart, Hen­sies, Quié­vrain, Saint-Ghis­lain, Bous­su, Dour, Qua­re­gnon, Col­fon­taine, Fra­me­ries, Mons, La Lou­vière, Manage, Mor­lan­welz, Cha­pelle-lez-Her­lai­mont, Binche, Ander­lues, Fon­taine-L’É­vêque, Cour­celles, Char­le­roi, Far­ciennes, Aiseau-Presles, Châ­te­let, Fleu­rus, Sam­bre­ville, Jemeppe-sur-Sambre, Namur, Andenne, Huy, Amay, Engis, Saint-Georges-sur-Meuse, Grâce-Hol­logne, Flé­malle, Seraing, Saint-Nico­las, Ans, Oupeye, Hers­tal, Liège, Visé, Blé­gny, Beyne-Heu­say, Flé­ron, Sou­magne, Trooz, Olne, Pepins­ter, Ver­viers et Dison.
  16. Selon le lexique poli­ti­co-admi­nis­tra­tif néer­lan­dais, Région de Bruxelles-Capi­tale aurait dû être tra­duit par Gewest Brus­sel-Hoofd­stad, comme c’est d’ailleurs le cas en alle­mand (Region Brüs­sel-Haupts­tadt). Dans la ver­sion néer­lan­daise de la Loi spé­ciale du 12 jan­vier 1989, la nou­velle enti­té fut dénom­mée Brus­sels Hoofd­ste­de­lijk Gewest (lit­té­ra­le­ment, Région capi­tale bruxel­loise). Il s’agissait d’une conces­sion cos­mé­tique fran­co­phone des­ti­née à faire ava­ler au Mou­ve­ment fla­mand (com­mu­nau­ta­riste et par­ti­san d’une coges­tion de Bruxelles par les deux grandes Com­mu­nau­tés) la cou­leuvre que fut la créa­tion d’une Région à laquelle il s’était tou­jours oppo­sé. En d’autres mots, avant d’être une Région et avant d’être bruxel­loise, la nou­velle enti­té était d’abord la capi­tale de la Bel­gique et pou­vait deve­nir éga­le­ment la « capi­tale » de la Com­mu­nau­té-Région fla­mande (Vlaan­de­ren). Sym­bo­li­que­ment, la RBC avait donc moins de droits que de devoirs envers la Bel­gique, la Flandre et la Wal­lo­nie, une sym­bo­lique illus­trée par le fait que le Par­le­ment de la nou­velle enti­té, contrai­re­ment aux deux autres Régions, ne pou­vait pas adop­ter des décrets mais des ordon­nances.
  17. Le Crois­sant pauvre regroupe les quar­tiers les plus pauvres de la Région bruxel­loise autour du centre-ville his­to­rique (Penta­gone). Ces quar­tiers se répar­tissent comme suit : à l’intérieur du Penta­gone, à l’ouest de la jonc­tion fer­ro­viaire Nord-Midi plus les Marolles ; à l’est d’Anderlecht et de Molen­beek-Saint-Jean (entre le che­min de fer et le Canal); au nord, la com­mune de Saint-Josse, l’ouest de Schaer­beek et les zones indus­trielles le long du Canal (Vieux-Lae­ken, à l’est et au nord de Neder-Over-Heem­beek et à l’ouest d’Haren); au sud, le bas de Saint-Gilles et le bas de Forest.
  18. « Selon les chiffres de l’Eurobaromètre Langues 2012 de la Com­mis­sion euro­péenne, 7% des jeunes Wal­lons de 15 à 24 ans ont appris le néer­lan­dais et 30% l’anglais suf­fi­sam­ment bien pour pou­voir tenir une conver­sa­tion dans ces langues. Pour les jeunes Fla­mands, les chiffres cor­res­pon­dants sont de 66% pour le fran­çais et de 81% pour l’anglais. […] Les lois lin­guis­tiques de 1962 ont impo­sé à l’ensemble des écoles pri­maires fran­co­phones et néer­lan­do­phones de Bruxelles un ensei­gne­ment de la deuxième langue natio­nale dès la troi­sième pri­maire. Mais la [CFWB] a déci­dé de ne pas inclure la com­pé­tence lin­guis­tique ain­si acquise dans les exi­gences à satis­faire pour le Cer­ti­fi­cat d’études pri­maires. En outre, elle ne finance pas le sur­coût lié à l’organisation de cet ensei­gne­ment. Ce sur­coût incombe donc aux écoles bruxel­loises elles-mêmes, qui doivent rogner sur d’autres dépenses pour pou­voir le cou­vrir. […] Cette atti­tude de la [CFWB] a de quoi éton­ner les Bruxel­lois. Car si la connais­sance du néer­lan­dais et de l’anglais peut être utile à un jeune Wal­lon, elle est essen­tielle pour un jeune Bruxel­lois. Pour accé­der à beau­coup d’emplois, même peu qua­li­fiés, dans la Région bruxel­loise et alen­tour, pou­voir se débrouiller en néer­lan­dais et, de plus en plus sou­vent, en anglais, est aujourd’hui indis­pen­sable. Envi­ron 95% des deman­deurs d’emploi ins­crits chez Acti­ris le sont au rôle fran­co­phone et moins de 8% d’entre eux affirment dis­po­ser d’une bonne connais­sance du néer­lan­dais. Et com­ment s’en éton­ner ? Les diplô­més de l’enseignement pro­fes­sion­nel bruxel­lois, par exemple, ont eu des cours de néer­lan­dais en pri­maires qui ne comp­taient pas pour leur cer­ti­fi­cat, puis… plus rien, comme en Wal­lo­nie, durant tout leur secon­daire. On peut dès lors com­prendre que les employeurs leur pré­fèrent des jeunes issus de l’enseignement néer­lan­do­phone bruxel­lois, du Bra­bant fla­mand et du Bra­bant wal­lon, tous en moyenne bien meilleurs tri­lingues qu’eux. Com­ment peut-on jus­ti­fier une telle igno­rance des besoins spé­ci­fiques des élèves bruxel­lois ? […] Réponse du cabi­net de la ministre com­pé­tente : “Conce­voir des pro­grammes dif­fé­rents d’une région à l’autre, ce serait glis­ser le petit doigt dans une forme de régio­na­li­sa­tion de l’enseignement.” […] Nous avons du mal à croire qu’une telle réponse puisse satis­faire ceux qui pré­tendent repré­sen­ter la popu­la­tion bruxel­loise et prendre à cœur son ave­nir. Nous pen­sons au contraire qu’elle devrait les scan­da­li­ser. Le résul­tat de l’indigence lin­guis­tique de l’enseignement fran­co­phone bruxel­lois, c’est en effet d’abord que les pou­voirs publics bruxel­lois doivent s’efforcer, dans les limites étroites de leurs com­pé­tences, d’y remé­dier. […] La négli­gence de la spé­ci­fi­ci­té lin­guis­tique de Bruxelles et de son mar­ché de l’emploi a sur­tout pour consé­quence dra­ma­tique de sacri­fier des géné­ra­tions entières de jeunes Bruxel­lois : ils seront les der­niers embau­chés à Bruxelles même, avec des consé­quences néfastes en termes de chô­mage, de pau­vre­té et d’insécurité. »
  19. D’un point de vue his­to­rique et socio­lo­gique rigou­reux, il fau­drait plu­tôt par­ler de la « dénéer­lan­di­sa­tion » (ont­ne­der­land­sing) ou de la « défla­man­di­sa­tion » (ontv­laam­sing) de Bruxelles-Capitale.
  20. « L’organisation d’un réseau d’enseignement bilingue dans la Région bruxel­loise est une com­pé­tence non exer­cée du niveau fédé­ral. Pour­quoi ne pas le lais­ser l’exercer ou trans­fé­rer cette com­pé­tence et les moyens néces­saires à la Région bruxel­loise ? Ain­si, vous satis­fe­riez la demande fran­co­phone d’un refi­nan­ce­ment de Bruxelles, non par un énième trans­fert de fonds sau­pou­drés vers des bas­tions com­mu­naux du PS, mais par un intel­li­gent inves­tis­se­ment sur le long terme. Ain­si, vous remé­die­riez à la pénu­rie criante d’écoles à Bruxelles et vous sou­la­ge­riez finan­ciè­re­ment à la fois les Com­mu­nau­tés fran­çaise et fla­mande, les­quelles ne peuvent ou ne veulent mani­fes­te­ment pas inves­tir dans la créa­tion de davan­tage d’écoles à Bruxelles. Ain­si, vous répa­re­riez éga­le­ment une erreur his­to­rique du mou­ve­ment fla­mand qui, en s’accrochant à sa logique com­mu­nau­taire, a lais­sé la res­pon­sa­bi­li­té prin­ci­pale de l’enseignement du néer­lan­dais dans sa “capi­tale fla­mande” à l’enseignement fran­co­phone, lequel a mani­fes­te­ment échoué sur toute la ligne, avec comme consé­quence une fran­ci­sa­tion accrue de la ville sur le ter­rain. Mais sur­tout, ain­si, vous inves­ti­riez dans la réso­lu­tion d’un pro­blème struc­tu­rel à Bruxelles : le manque cruel de connais­sances lin­guis­tiques qui est en par­tie à l’origine d’un taux de chô­mage dra­ma­tique, lequel n’est lui-même pas tout à fait étran­ger aux pro­blèmes de coha­bi­ta­tion urbaine et d’insécurité. »
  21. ZIP 5339 (Ville de Bruxelles et Ixelles); ZIP 5340 « Bruxelles-Ouest » (Molen­beek-Saint-Jean, Koe­kel­berg, Jette, Gan­sho­ren et Ber­chem-Sainte-Agathe); ZIP 5341 « Midi » (Ander­lecht, Saint-Gilles et Forest); ZIP 5342 (Uccle, Water­mael-Boits­fort et Auder­ghem); ZIP 5343 « Mont­go­me­ry » (Etter­beek, Woluwe-Saint-Pierre et Woluwe-Saint-Lam­bert); ZIP 5344 (Schaer­beek, Saint-Josse-ten-Noode et Evere).
  22. « Si on reste dans un cadre fédé­ral belge, nous devons aus­si dis­cu­ter avec les Fla­mands et les ger­ma­no­phones. Cela n’a pas de sens de dire que l’on va se tour­ner prio­ri­tai­re­ment vers les Bruxel­lois. Nous, Wal­lons, vivons aux côtés de l’une des Régions les plus dyna­miques d’Eu­rope, qui est notre pre­mier client, et on s’est lan­cé dans des croi­sades sur la péri­phé­rie de Bruxelles, l’é­lar­gis­se­ment de la Région… Quand on évoque la régio­na­li­sa­tion de com­pé­tences de la Com­mu­nau­té, cer­tains, comme Charles Pic­qué, l’ex-ministre-pré­sident bruxel­lois, réagissent à nou­veau en disant que ce n’est pas l’heure parce qu’il faut res­ter unis face au péril fla­mand. Va-t-on faire mon­ter les chars depuis Marche-en-Famenne ? C’est irresponsable. »
  23. Le fameux « Wal­lo­brux ! » qui fait sys­té­ma­ti­que­ment sor­tir de ses gonds le dépu­té fla­mand Éric Van Rom­puy (CD&V).
  24. « L’autorité fédé­rale n’a de com­pé­tences que dans les matières que lui attri­buent for­mel­le­ment la Consti­tu­tion et les lois por­tées en ver­tu de la Consti­tu­tion même. Les Com­mu­nau­tés ou les Régions, cha­cune pour ce qui la concerne, sont com­pé­tentes pour les autres matières, dans les condi­tions et selon les moda­li­tés fixées par la loi. Cette loi doit être adop­tée à la majo­ri­té pré­vue à l’article 4, der­nier alinéa. »
  25. « La com­mu­nau­ta­ri­sa­tion des mai­sons de jus­tice a pour résul­tat que l’imposition de peines ou de mesures est désor­mais décou­plée de l’exécution et de l’encadrement de celles-ci. L’administration fla­mande a déjà mis en garde quant au fait que ceci pour­rait conduire à une moindre confiance des magis­trats dans la bonne exé­cu­tion des peines. Le nou­veau per­son­nel com­mu­nau­taire risque, pour sa part, d’avoir moins faci­le­ment accès aux banques de don­nées fédé­rales qui étaient uti­li­sées par les fonc­tion­naires du SPF Jus­tice. Com­mu­ni­quer direc­te­ment avec les magis­trats pour­rait deve­nir plus dif­fi­cile aus­si. Bien sûr, on peut faire en sorte que tout ce sys­tème fonc­tionne mal­gré tout, grâce à des accords de coopé­ra­tion. Tout comme on peut très bien faire mar­cher un sys­tème de six zones de police dans une capi­tale. Mais une telle scis­sion porte pour le moins en elle les germes de pro­blèmes futurs, notam­ment en termes de par­tage et de trans­fert d’informations, pré­ci­sé­ment l’une des prin­ci­pales pré­oc­cu­pa­tions res­sor­ties du débat sur la sécu­ri­té qui a eu lieu ces der­niers jours. »
  26. Michel Audiard, 1963.

Delagrange


Auteur

Pierre Delagrange est historien, politologue et traducteur néerlandais-français et afrikaans-français. Spécialiste de l'Histoire politique et sociale des {Pays-Bas/Belgiques} (Benelux actuel), il travaille particulièrement sur la {Question belge} et les dynamiques identitaires et politiques flamandes, wallonnes et bruxelloises.