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Démocratie grecque
Autant l’avouer d’emblée, encore qu’il ne me semble pas que ce soit un motif de honte : je n’ai a priori rien contre la démocratie, même à l’étranger. Ainsi, non seulement je tiens beaucoup à mon propre droit de vote, mais je me flatte également d’être solidaire des démocrates du monde entier avec lesquels je partage de bonne grâce mon système politique.
Ces considérations s’étendent bien entendu aux Grecs que je ne songerais pas, en temps ordinaire, à priver de leurs droits politiques. C’est donc avec une fort démocratique indifférence que je saute les nouvelles consacrées aux élections grecques dans les journaux que je lis ou que je zappe lorsque, entre un reportage sur la canicule et l’interview d’une mère fière du CEB de son fils, le journal télévisé diffuse incongrûment des images d’une joute politique hellénique.
Mais, autant je suis prêt à reconnaître que les Grecs peuvent bien faire ce qu’ils veulent chez eux, autant je pense que, lorsque des principes supérieurs sont en jeu, lorsqu’il en va d’un des piliers de nos systèmes sociaux, lorsqu’il est question de mon argent, il en va autrement.
La foi due aux actes, le devoir du débiteur de payer sa dette, fût-ce de son sang, l’institution sacrée de l’intérêt annuel, le rite multiséculaire de la saisie, voire de la réduction en esclavage, sont des valeurs supérieures auquel nul ne peut échapper, pas même au nom du moins mauvais des systèmes politiques.
Or, il se fait que j’avais investi auprès de certaines banques mes modestes économies, durement acquises lorsque ma position me permettait encore de faire quelques affaires lucratives. Lesquelles banques, à leur tour, eurent la bonté de prêter mes deniers aux Grecs. Un moment, je cru que tout était perdu et que ces établissements financiers allaient boire le bouillon, et moi avec eux. Il n’en fut rien et les États européen rachetèrent obligeamment les dettes grecques litigieuses, ce qui permit à mes banques de s’en aller prêter mon argent à d’autres États dans le besoin.
Mais je suis aussi ressortissant d’un pays, lequel est maintenant titulaire de créances. Je ne peux donc me considérer comme entièrement tiré d’affaire. Il n’est dès lors pas question que j’admette que mes représentants acquiescent à un défaut grec. Ce qui est à mon État est à moi et je refuse que le moindre centime m’échappe, fût-ce dans trente ans, lorsque viendra le moment de régler l’ardoise.
Il est du reste parfaitement démocratique que mon gouvernement se plie à ma volonté de membre du peuple souverain et réclame jusqu’au dernier euro. Ce qui arrivera alors aux Grecs m’indiffère : je ne suis pas des leurs et leur démocratie n’est pas la mienne. Si la leur ne me dérangeait pas jusqu’à présent, il est bien clair que je considérerais comme parfaitement antidémocratique que celle-ci s’oppose aux menées de la mienne. Comme l’ont abondamment répété maints hommes politiques impliqués dans le dossier grec : le référendum hellénique est un déni de démocratie en ce qu’il entend nous priver de régenter tout ce qui peut influer sur nos vies. Il relève de ce que devient une démocratie étrangère lorsqu’elle prend des décisions qui ne nous conviennent pas : il est populiste.
Bref, il est des situations dans lesquelles tout se résume à nouveau à un rapport de force. On ne nous laisse pas le choix et il faudra que nous, démocrates, contraignions les populistes Grecs à apurer la totalité de leur dette. Finalement, la question est simple. Elle se résume à savoir si les Grecs tiendront autant à leur démocratie que nous à notre argent.
Qu’ils sachent que nous y tenons beaucoup : nous avons bâti un univers sur lui.