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Démocratie grecque

Blog - Anathème - euro Europe Grèce grexit UE (Union européenne) par Anathème

juillet 2015

Autant l’avouer d’emblée, encore qu’il ne me semble pas que ce soit un motif de honte : je n’ai a prio­ri rien contre la démo­cra­tie, même à l’étranger. Ain­si, non seule­ment je tiens beau­coup à mon propre droit de vote, mais je me flatte éga­le­ment d’être soli­daire des démo­crates du monde entier avec les­quels je par­tage de bonne grâce mon sys­tème politique.

Anathème

Ces consi­dé­ra­tions s’étendent bien enten­du aux Grecs que je ne son­ge­rais pas, en temps ordi­naire, à pri­ver de leurs droits poli­tiques. C’est donc avec une fort démo­cra­tique indif­fé­rence que je saute les nou­velles consa­crées aux élec­tions grecques dans les jour­naux que je lis ou que je zappe lorsque, entre un repor­tage sur la cani­cule et l’interview d’une mère fière du CEB de son fils, le jour­nal télé­vi­sé dif­fuse incon­grû­ment des images d’une joute poli­tique hellénique.

Mais, autant je suis prêt à recon­naître que les Grecs peuvent bien faire ce qu’ils veulent chez eux, autant je pense que, lorsque des prin­cipes supé­rieurs sont en jeu, lorsqu’il en va d’un des piliers de nos sys­tèmes sociaux, lorsqu’il est ques­tion de mon argent, il en va autrement.

La foi due aux actes, le devoir du débi­teur de payer sa dette, fût-ce de son sang, l’institution sacrée de l’intérêt annuel, le rite mul­ti­sé­cu­laire de la sai­sie, voire de la réduc­tion en escla­vage, sont des valeurs supé­rieures auquel nul ne peut échap­per, pas même au nom du moins mau­vais des sys­tèmes politiques.

Or, il se fait que j’avais inves­ti auprès de cer­taines banques mes modestes éco­no­mies, dure­ment acquises lorsque ma posi­tion me per­met­tait encore de faire quelques affaires lucra­tives. Les­quelles banques, à leur tour, eurent la bon­té de prê­ter mes deniers aux Grecs. Un moment, je cru que tout était per­du et que ces éta­blis­se­ments finan­ciers allaient boire le bouillon, et moi avec eux. Il n’en fut rien et les États euro­péen rache­tèrent obli­geam­ment les dettes grecques liti­gieuses, ce qui per­mit à mes banques de s’en aller prê­ter mon argent à d’autres États dans le besoin.

Mais je suis aus­si res­sor­tis­sant d’un pays, lequel est main­te­nant titu­laire de créances. Je ne peux donc me consi­dé­rer comme entiè­re­ment tiré d’affaire. Il n’est dès lors pas ques­tion que j’admette que mes repré­sen­tants acquiescent à un défaut grec. Ce qui est à mon État est à moi et je refuse que le moindre cen­time m’échappe, fût-ce dans trente ans, lorsque vien­dra le moment de régler l’ardoise.

Il est du reste par­fai­te­ment démo­cra­tique que mon gou­ver­ne­ment se plie à ma volon­té de membre du peuple sou­ve­rain et réclame jusqu’au der­nier euro. Ce qui arri­ve­ra alors aux Grecs m’indiffère : je ne suis pas des leurs et leur démo­cra­tie n’est pas la mienne. Si la leur ne me déran­geait pas jusqu’à pré­sent, il est bien clair que je consi­dé­re­rais comme par­fai­te­ment anti­dé­mo­cra­tique que celle-ci s’oppose aux menées de la mienne. Comme l’ont abon­dam­ment répé­té maints hommes poli­tiques impli­qués dans le dos­sier grec : le réfé­ren­dum hel­lé­nique est un déni de démo­cra­tie en ce qu’il entend nous pri­ver de régen­ter tout ce qui peut influer sur nos vies. Il relève de ce que devient une démo­cra­tie étran­gère lorsqu’elle prend des déci­sions qui ne nous conviennent pas : il est populiste.

Bref, il est des situa­tions dans les­quelles tout se résume à nou­veau à un rap­port de force. On ne nous laisse pas le choix et il fau­dra que nous, démo­crates, contrai­gnions les popu­listes Grecs à apu­rer la tota­li­té de leur dette. Fina­le­ment, la ques­tion est simple. Elle se résume à savoir si les Grecs tien­dront autant à leur démo­cra­tie que nous à notre argent.

Qu’ils sachent que nous y tenons beau­coup : nous avons bâti un uni­vers sur lui.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.