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Blog - e-Mois - Covid-19 pandémie vaccination par Marius Gilbert

octobre 2021

En sep­tembre 2021, le col­lec­tif appe­lé « Factor‑V » publie une lettre ouverte inti­tu­lée : « Et main­te­nant ? » adres­sée aux gou­ver­ne­ments et déci­deurs poli­tiques et pro­po­sant une évo­lu­tion de la stra­té­gie de lutte contre la pan­dé­mie de Covid-19 dans notre pays. La lettre est par­ta­gée abon­dam­ment sur les réseaux sociaux et compte à ce jour (4 octobre 2021) près de […]

e-Mois

En sep­tembre 2021, le col­lec­tif appe­lé « Factor‑V » publie une lettre ouverte inti­tu­lée : « Et main­te­nant ? » adres­sée aux gou­ver­ne­ments et déci­deurs poli­tiques et pro­po­sant une évo­lu­tion de la stra­té­gie de lutte contre la pan­dé­mie de Covid-19 dans notre pays. La lettre est par­ta­gée abon­dam­ment sur les réseaux sociaux et compte à ce jour (4 octobre 2021) près de 23.000 signa­tures. Le texte se décom­pose en trois sec­tions : une série de sept consi­dé­ra­tions pré­sen­tées comme des affir­ma­tions scien­ti­fiques, sur la base des­quelles les auteurs tirent quatre conclu­sions qui servent elles-mêmes de base à dix recom­man­da­tions sur la ges­tion de la pan­dé­mie. Pour étayer les sept affir­ma­tions scien­ti­fiques, les auteurs indiquent : « les sources scien­ti­fiques sont dis­po­nibles dans la lit­té­ra­ture et peuvent être obte­nues sur simple demande ». Nous deman­dons donc ces sources pour les exa­mi­ner (dis­po­nible ici ou en fichier joint). Très vite, nous sommes mal à notre aise entre le ton très défi­ni­tif de cer­taines affir­ma­tions qui cadrent mal avec les sources qui sont four­nies et notre propre per­cep­tion de l’état des connais­sances en la matière. Il nous a donc sem­blé néces­saire de reve­nir sur cha­cune de ces affir­ma­tions dans le détail.

On note­ra que les sources four­nies par les auteurs de Factor‑V furent com­plé­tées quelques heures plus tard par une publi­ca­tion des sources du col­lec­tif Covi­dra­tion­nel. Cette liste de source n’étant pas struc­tu­rée selon les points de la lettre de Factor‑V, ne conte­nant pas d’appels de réfé­rence, et mêlant articles scien­ti­fiques, articles de presses, com­mu­ni­qués de presse et publi­ca­tions du col­lec­tif Covi­dra­tion­nel lui-même, il était très dif­fi­cile d’en inté­grer l’analyse. La dis­cus­sion ci-des­sous se concentre donc sur le texte ori­gi­nal et les sources four­nies par les auteurs à notre demande.

Factor‑V a) “Si les vac­cins contre le SRAS-CoV‑2 étaient ini­tia­le­ment effi­caces, leur effi­ca­ci­té dimi­nue sen­si­ble­ment avec le temps et à cause des nou­veaux variants.”

C’est une géné­ra­li­sa­tion qui appelle à être nuan­cée. Les vac­cins contre le SARS-CoV‑2 res­tent très effi­caces (Pura­nik et al. 2021, pre­print). Il est vrai qu’à la suite de l’émergence et de la pro­pa­ga­tion du variant Del­ta, une dimi­nu­tion de l’efficacité vac­ci­nale a été obser­vée. Cer­tains pays comme Israël ont aus­si effec­ti­ve­ment publié des résul­tats qui sug­gèrent une réduc­tion de l’efficacité vac­ci­nale contre l’infection avec le temps. Mais cette dimi­nu­tion ne s’observe pas par­tout de la même manière, même dans des pays qui n’ont qu’un mois de déca­lage avec le déploie­ment vac­ci­nal d’Israël, comme le Royaume-Uni (Lopez Ber­nal et al. 2021). Un cer­tain nombre de biais, comme des dif­fé­rences d’exposition ou l’intensité du dépis­tage, peuvent influen­cer les obser­va­tions d’efficacité vac­ci­nale basées sur des études obser­va­tion­nelles (voir par exemple Scott et al. 2021). En outre, cette affir­ma­tion passe sous silence le fait que l’efficacité vac­ci­nale contre les infec­tions sévères et les hos­pi­ta­li­sa­tions se main­tient net­te­ment mieux que celle contre l’infection, vrai­sem­bla­ble­ment en lien avec la réponse immu­ni­taire secon­daire, avec par exemple de récentes publi­ca­tions mon­trant des réponse immu­ni­taires fortes par les lym­pho­cytes T contre les variants Alpha et Del­ta, tant chez les per­sonnes vac­ci­nées que chez celles ayant fait une infec­tion natu­relle (Jor­dan et al. 2021, Tarke et al. 2021).

Réfé­rences additionnelles :
* Jor­dan et al. (2021). T cell immune res­ponses to SARS-CoV‑2 and variants of concern (Alpha and Del­ta) in infec­ted and vac­ci­na­ted indi­vi­duals. Cel­lu­lar & Mole­cu­lar Immu­no­lo­gy, Sep­tem­ber 16 : 1 – 3
* Lopez Ber­nal et al. (2021). Effec­ti­ve­ness of Covid-19 vac­cines against the B.1.617.2 (Del­ta) variant. New England Jour­nal of Medi­cine 385 : 585 – 594
* Pura­nik et al. (2021, pre­print). Com­pa­ri­son of two high­ly-effec­tive mRNA vac­cines for COVID-19 during per­iods of Alpha and Del­ta variant pre­va­lence. MedRxiv, doi : 10.1101/2021.08.06.21261707v3
* Scott et al. (2021). Covid-19 vac­ci­na­tion : evi­dence of waning immu­ni­ty is overs­ta­ted. BMJ 374 : n2320
* Tarke et al. (2021). Impact of SARS-CoV‑2 variants on the total CD4+ and CD8+ T cell reac­ti­vi­ty in infec­ted or vac­ci­na­ted indi­vi­duals. Cell Reports Medi­cine 2 : 100355
* The Uni­ted States Food and Drug Admi­nis­tra­tion (FDA). Vac­cines and rela­ted bio­lo­gi­cal pro­ducts advi­so­ry com­mit­tee, Sep­tem­ber 17, 2021, mee­ting presentation

Factor‑V b) “Les per­sonnes vac­ci­nées peuvent donc encore être conta­mi­nées dans une mesure impor­tante (voir les don­nées récentes d’Israël, des USA et du Royaume-Uni) et peuvent éga­le­ment être conta­gieuses pour d’autres per­sonnes.”

Cette affir­ma­tion n’a rien de neuf. La vac­ci­na­tion n’a jamais repré­sen­té une pro­tec­tion totale, et aucune pro­phy­laxie ou trai­te­ment médi­cal n’est jamais effi­cace à 100%. L’efficacité vac­ci­nale contre l’infection a été éta­blie par de nom­breux tra­vaux depuis les essais cli­niques ini­tiaux, avec une effi­ca­ci­té de 80% contre l’infection avec le variant Alpha au Royaume-Uni (Prit­chard et al. 2021). Les tra­vaux les plus récents sur le variant Del­ta (Pou­wels et al. 2021, pre­print ; voir aus­si Krause et al. 2021) indiquent que même avec une effi­ca­ci­té réduite, l’efficacité de la vac­ci­na­tion en deux doses se main­tient à un niveau com­pa­rable à celle confé­rée par une infec­tion natu­relle (Pou­wels et al. 2021).

Réfé­rences additionnelles :
* Krause et al. (2021). Consi­de­ra­tions in boos­ting COVID-19 vac­cine immune res­ponses. The Lan­cet, in press
* Pou­wels et al. (2021, pre­print). Impact of Del­ta on viral bur­den and vac­cine effec­ti­ve­ness against new SARS-CoV‑2 infec­tions in the UK. MedRxiv, doi : 10.1101/2021.08.18.21262237
* Prit­chard et al. (2021). Impact of vac­ci­na­tion on new SARS-CoV‑2 infec­tions in the Uni­ted King­dom. Nature Medi­cine 27 : 1370 – 1378

Factor‑V c) “L’im­mu­ni­té acquise par l’in­fec­tion natu­relle est plus durable et plus résis­tante aux variants que l’im­mu­ni­té induite par les vac­cins.”

Cette affir­ma­tion est très loin d’être éta­blie. L’étude de Pou­wels et al. (2021) citée plus haut, par exemple, indique un niveau com­pa­rable de pro­tec­tion offert par l’immunité natu­relle à celui de la vac­ci­na­tion contre le variant Del­ta. En outre, la plu­part des études se concentrent sur les indi­vi­dus à infec­tion symp­to­ma­tique, et la pro­tec­tion acquise par les per­sonnes asymp­to­ma­tiques est assez mal carac­té­ri­sée tout en repré­sen­tant une grande pro­por­tion des cas. Il est donc dif­fi­cile de géné­ra­li­ser cette conclu­sion à l’ensemble des per­sonnes infec­tées, ou ayant été posi­tives à l’issue d’un test PCR. Enfin et sur­tout, toute com­pa­rai­son entre l’immunité acquise natu­rel­le­ment et par la vac­ci­na­tion ne peut pas­ser sous silence le risque qu’implique l’infection naturelle. 

Pour dire les choses autre­ment, il est loin d’être clair que l’immunité natu­relle soit meilleure que celle acquise par les vac­cins, mais sur­tout, les deux ne pré­sentent pas le même risque, ni à l’échelle indi­vi­duelle ni à l’échelle col­lec­tive. On peut encore men­tion­ner que la com­bi­nai­son de l’immunité post-infec­tion avec l’immunité post-vac­ci­nale est asso­ciée à une plus forte réponse des lym­pho­cytes B et T, tant quan­ti­ta­ti­ve­ment que qua­li­ta­ti­ve­ment (par leur capa­ci­té à déve­lop­per des anti­corps contre les variants) que l’infection natu­relle seule. Ces résul­tats sont en faveur de la vac­ci­na­tion par une dose des per­sonnes séro­po­si­tives (Crot­ty 2021), en par­ti­cu­lier pour les per­sonnes âgées chez qui la pro­tec­tion offerte par l’infection natu­relle semble moins forte et durable (Han­sen et al. 2021).

Réfé­rences additionnelles :
* Crot­ty (2021). Hybrid immu­ni­ty. Science 372 : 1392 – 1393
* Han­sen et al. (2021). Assess­ment of pro­tec­tion against rein­fec­tion with SARS-CoV‑2 among 4 mil­lion PCR-tes­ted indi­vi­duals in Den­mark in 2020 : a popu­la­tion-level obser­va­tio­nal stu­dy. The Lan­cet 397:1204 – 1212
* Pou­wels et al. (2021, pre­print). Impact of Del­ta on viral bur­den and vac­cine effec­ti­ve­ness against new SARS-CoV‑2 infec­tions in the UK. MedRxiv, doi : 10.1101/2021.08.18.21262237

Factor‑V d) “Les vac­cins actuels entraînent des effets indé­si­rables rares, mais graves, dont l’am­pleur est sous-esti­mée et insuf­fi­sam­ment signa­lée. La décla­ra­tion des effets indé­si­rables par les méde­cins géné­ra­listes et hos­pi­ta­liers et par les vac­ci­nés serait actuel­le­ment lar­ge­ment insuf­fi­sante.”

Il n’y a tout sim­ple­ment aucune base scien­ti­fique pour affir­mer que l’ampleur des effets indé­si­rables graves serait « sous-esti­mée » et « insuf­fi­sam­ment signa­lée ». Les réfé­rences four­nies pour appuyer cette affir­ma­tion ne contiennent que des des­crip­tions de cas de myo­car­dites et péri­car­dites qui ont effec­ti­ve­ment été obser­vées, avec peu d’indications quant à leur fré­quence. Ces cas ont été rares, avec un bon pro­nos­tic et sans séquelles, y com­pris chez les enfants (voir par exemple Bar­da et al. 2021). Loin d’être un signe de « sous-esti­ma­tion », le fait même que ces cas peu fré­quents de myo­car­dites et de péri­car­dites aient été détec­tés démontre que la phar­ma­co­vi­gi­lance fonc­tionne bien et a été capable de détec­ter un signal anor­mal qui néces­si­tait des enquêtes plus approfondies. 

Les sources qui appuient l’affirmation « La décla­ra­tion des effets indé­si­rables par les méde­cins géné­ra­listes et hos­pi­ta­liers et par les vac­ci­nés serait actuel­le­ment lar­ge­ment insuf­fi­sante » ne concernent pas la phar­ma­co­vi­gi­lance des vac­cins contre le SARS-CoV‑2. Il s’agit de tra­vaux plus anciens qui étu­dient la phar­ma­co­vi­gi­lance vis-à-vis d’autres molé­cules. Etant don­né l’importance qu’a prise la pan­dé­mie, l’attention qu’elle reçoit de la part des méde­cins géné­ra­listes et hos­pi­ta­liers, il est très dif­fi­cile de géné­ra­li­ser ces conclu­sions basées sur des tra­vaux anté­rieurs à la pan­dé­mie à la phar­ma­co­vi­gi­lance actuelle contre les vaccins. 

Réfé­rence additionnelle :
* Bar­da et al. (2021). Safe­ty of the BNT162b2 mRNA Covid-19 vac­cine in a nation­wide set­ting. New England Jour­nal of Medi­cine 385 : 1078 – 1090

Factor‑V e) “Les enfants jouent un rôle modeste dans la pro­pa­ga­tion du virus, et ils sont très rare­ment (gra­ve­ment) malades du virus. Au Royaume-Uni, le Joint Com­mit­tee on Vac­ci­na­tion and Immu­ni­sa­tion (JCVI) déclare que sur la base de l’état actuel des connais­sances, la balance entre les risques liés à la mala­die de Covid-19 et aux vac­cins contre la Covid-19 ne jus­ti­fie pas la vac­ci­na­tion de masse des enfants qui ne sont pas à risque.”

Ici encore, les auteurs portent une affir­ma­tion défi­ni­tive à une ques­tion qui reste lar­ge­ment ouverte, com­plexe, et pour laquelle il y a lieu de por­ter une vue nuan­cée. L’avis du JCVI est loin d’être le seul, et d’autres groupes d’experts ont abou­ti à des conclu­sions dif­fé­rentes qui devraient éga­le­ment être men­tion­nées. En outre, pour appuyer cette affir­ma­tion, les auteurs de la lettre citent dif­fé­rents articles sur le rôle des enfants dans la trans­mis­sion, mais aus­si des articles qui n’ont stric­te­ment rien à voir, trai­tant, par exemple, de l’effet des mesures non phar­ma­ceu­tiques sur la san­té men­tale des enfants (Tanir et al. 2020, Alek­san­drov & Okh­ri­men­ko 2020). Quel rap­port avec la vac­ci­na­tion ? La réfé­rence John­son et al. (2018) n’a elle stric­te­ment rien à voir avec la Covid-19 et porte sur le lien entre san­té men­tale des adultes et dépres­sion des ado­les­cents. En réa­li­té, la liste des « sources » ne com­porte aucune étude sur la balance risque/bénéfice des vac­cins vis-à-vis de l’infection chez les enfants.

De nom­breux tra­vaux ont mon­tré que les enfants et ado­les­cents peuvent trans­mettre la mala­die à l’échelle du foyer, même s’il y a effec­ti­ve­ment un consen­sus sur le fait qu’il est pro­bable qu’ils contri­buent moins à la trans­mis­sion que les adultes. Par ailleurs, les tra­vaux non cités par les auteurs de la lettre, dis­po­nibles à ce jour et por­tant sur la tranche d’âge 12 – 17 ans, indiquent un risque d’hospitalisation plus éle­vé pour les indi­vi­dus non vac­ci­nés que chez ceux entiè­re­ment vac­ci­nés, avec un béné­fice de la vac­ci­na­tion aug­men­tant avec l’âge, allant de 2 à 10 fois plus de risque lié à l’infection qu’à la vac­ci­na­tion (Dela­hoy et al. 2021, Boz­kurt et al. 2021). Pour mesu­rer pré­ci­sé­ment cette balance risque/bénéfice, et en pre­nant le risque spé­ci­fique de péricardites/myocardites lié aux vac­cins à ARN mes­sa­ger, il y a lieu de prendre trois élé­ments en consi­dé­ra­tion : la pré­va­lence de la mala­die dans la popu­la­tion géné­rale, le risque lié à l’administration des vac­cins et le risque lié à la mala­die Covid-19. Lorsque la pré­va­lence de cette mala­die a été déter­mi­née dans la popu­la­tion avant l’émergence de la Covid-19, la myo­car­dite était diag­nos­ti­quée chez 10 à 20 indi­vi­dus par 100.000 indi­vi­dus et par an, et ce plus fré­quem­ment chez les indi­vi­dus jeunes et chez les hommes (Boz­kurt et al. 2021). 

D’a­près les don­nées col­lec­tés et publiées par les Cen­ters for Disease Control and Pre­ven­tion (CDC) aux États-Unis, 12,6 cas de myocardite/péricardite ont été signa­lés par mil­lion de secondes doses de vac­cin à ARN mes­sa­ger admi­nis­trées à des per­sonnes âgées de 12 à 39 ans. Cela repré­sente un risque de myo­car­dite 3,2 fois plus éle­vé par rap­port au risque esti­mé pour la popu­la­tion géné­rale (Bar­da et al. 2021). Le der­nier élé­ment à signa­ler est qu’il a été esti­mé que les patients atteints de Covid-19 ont 16 fois plus de risque de myo­car­dite par rap­port aux patients qui n’ont pas de Covid-19, ce risque variant en fonc­tion de l’âge. Par exemple, le risque est 32 fois plus éle­vé pour les per­sonnes de moins de 16 ans (Boeh­mer et al. 2021). Fina­le­ment, en ce qui concerne cette mani­fes­ta­tion cli­nique spé­ci­fique, la balance des risques entre le vac­cin Covid-19 et la mala­die Covid-19 semble être en faveur de la vac­ci­na­tion pour les ado­les­cents de plus de 12 ans.

Il est éga­le­ment sur­pre­nant que les consé­quences à court et à long terme de l’in­fec­tion chez l’en­fant et l’a­do­les­cent semblent avoir peu de poids dans cette affir­ma­tion qui n’en­vi­sage la ques­tion que sous le prisme du risque d’hos­pi­ta­li­sa­tion. Pour­tant, plus de 500 enfants (18 ans) sont morts de la Covid-19 depuis le début de la pan­dé­mie aux États-Unis (don­nées rap­por­tées ici ). Le Covid long, qui est connu pour affec­ter les enfants, les ado­les­cents et les jeunes adultes (Blom­berg et al. 2021), n’y est même pas men­tion­né. Enfin, dans un contexte où les adultes sont bien pro­té­gés par des taux de vac­ci­na­tion éle­vés, il est pro­bable que les inter­ven­tions non phar­ma­ceu­tiques col­lec­tives ne soient plus main­te­nues en place pour main­te­nir la cir­cu­la­tion glo­bale du virus à un niveau rela­ti­ve­ment bas. Tant que le taux d’hos­pi­ta­li­sa­tion reste faible, les pays pour­raient en effet lais­ser la trans­mis­sion se déve­lop­per, expo­sant les enfants, les ado­les­cents et les adultes non vac­ci­nés à des niveaux de trans­mis­sion jamais atteints auparavant.

Réfé­rences additionnelles :
* Bar­da et al. (2021). Safe­ty of the BNT162b2 mRNA Covid-19 vac­cine in a nation­wide set­ting. New England Jour­nal of Medi­cine 385 : 1078 – 1090
* Boeh­mer et al. (2021). Asso­cia­tion bet­ween COVID-19 and myo­car­di­tis using hos­pi­tal-based admi­nis­tra­tive data — Uni­ted States, March 2020 — Janua­ry 2021. Cen­ters for Disease Control and Pre­ven­tion (CDC), Mor­bi­di­ty and Mor­ta­li­ty Week­ly Report 70 : 1228 – 1232
* Boz­kurt et al. (2021). Myo­car­di­tis with COVID-19 mRNA vac­cines. Cir­cu­la­tion 144 : 471 – 484
* Blom­berg et al. (2021) Long COVID in a pros­pec­tive cohort of home-iso­la­ted patients. Nature Medi­cine volume 27, pages 1607 – 1613
* Dela­hoy et al. (2021). Hos­pi­ta­li­za­tions asso­cia­ted with COVID-19 among chil­dren and ado­les­cents — COVID-NET, 14 states, March 1, 2020 — August 14, 2021. Cen­ters for Disease Control and Pre­ven­tion (CDC), Mor­bi­di­ty and Mor­ta­li­ty Week­ly Report 70 : 1255 – 1260
* Hause et al. (2021). COVID-19 vac­cine safe­ty in ado­les­cents aged 12 – 17 years — Uni­ted States, Decem­ber 14, 2020 — July 16, 2021. Cen­ters for Disease Control and Pre­ven­tion (CDC), Mor­bi­di­ty and Mor­ta­li­ty Week­ly Report 70 : 1053 – 1058
* Schleiss et al. (2021). Chil­dren are the key to the End­game : A case for rou­tine pedia­tric COVID vac­ci­na­tion. Vac­cine 39 : 5333 – 5336

Factor‑V f) “Les tests PCR très sen­sibles peuvent don­ner lieu à de nom­breux faux posi­tifs (c’est-à-dire des per­sonnes qui ne sont en fait pas conta­gieuses).”

En effet, mais encore une fois, ce n’est pas nou­veau et c’est valable pour le dépis­tage de tout agent infectieux.

Factor‑V g) “Les formes sévères de Covid-19 sont liées à des condi­tions sous-jacentes, prin­ci­pa­le­ment l’o­bé­si­té, le dia­bète, l’hy­per­ten­sion, l’an­xié­té et la dépres­sion.”

Une part signi­fi­ca­tive des formes sévères pour­raient être consi­dé­rées comme d’o­ri­gine géné­tique ou liées à des ano­ma­lies auto-immunes (2021, Zhang et al. 2020, Bas­tard et al. 2020, Deng et al. 2021), c’est-à-dire non liées à des fac­teurs de risque. Dans plu­sieurs cas, ce qui déter­mine le degré de gra­vi­té de la Covid-19 reste incer­tain, même si de plus en plus de preuves pointent vers la piste d’une réponse immu­ni­taire innée exa­cer­bée et anor­male comme prin­ci­pal moteur de la détresse res­pi­ra­toire. La capa­ci­té de l’hôte à mon­ter une puis­sante réponse à l’in­ter­fé­ron I (IFN I) semble être la clé du contrôle de la répli­ca­tion du SARS-CoV‑2 (Gala­ni et al. 2021). Des erreurs géné­tiques innées dans plu­sieurs gènes impli­qués dans l’im­mu­ni­té IFN de type I ont en effet été obser­vées plus fré­quem­ment chez les patients atteints de Covid-19 met­tant la vie en dan­ger (Zhang et al. 2020). De même, des auto-anti­corps contre les IFN de type I ont éga­le­ment été obser­vés plus fré­quem­ment dans cette caté­go­rie de patients (Bas­tard et al. 2020, Bas­tard et al. 2021). La gros­sesse est éga­le­ment un fac­teur de risque impor­tant qu’il convient de men­tion­ner. De plus, il a été démon­tré que l’é­mer­gence du variant Del­ta était asso­ciée à un risque d’hos­pi­ta­li­sa­tion et d’admission aux urgences qui pour­rait être mul­ti­plié par deux (Bager et al. 2021, Two­hig et al. 2021). Il y a donc dans la popu­la­tion de très nom­breuses per­sonnes à risque qui s’ignorent.

Réfé­rences additionnelles :
* Bad­ger et al. (2021). Hos­pi­ta­li­sa­tion asso­cia­ted with SARS-CoV‑2 Del­ta variant in Den­mark. The Lan­cet. Infec­tious Diseases 21 : 1351
* Bas­tard et al. (2020). Auto-anti­bo­dies against type I IFNs in patients with life-threa­te­ning COVID-19. Science 370 : eabd4585
* Bas­tard et al. (2021). Autoan­ti­bo­dies neu­tra­li­zing type I IFNs are present in  4% of unin­fec­ted indi­vi­duals over 70 years old and account for  20% of COVID-19 deaths. Science Immu­no­lo­gy 6 : eabl4340
* Deng et al. (2021). Human gene­tic basis of coro­na­vi­rus disease 2019. Signal Trans­duc­tion and Tar­ge­ted The­ra­py 6 : 1 – 14
* (2021). Untu­ned anti­vi­ral immu­ni­ty in COVID-19 revea­led by tem­po­ral type I/III inter­fe­ron pat­terns and flu com­pa­ri­son. Nature Immu­no­lo­gy 22 : 32 – 40
* Two­hig et al. (2021). Hos­pi­tal admis­sion and emer­gen­cy care atten­dance risk for SARS-CoV‑2 Del­ta (B.1.617.2) com­pa­red with Alpha (B.1.1.7) variants of concern : a cohort stu­dy. The Lan­cet Infec­tious Diseases, in press
* Zhang et al. (2020). Inborn errors of type I IFN immu­ni­ty in patients with life-threa­te­ning COVID-19. Science 370 : abd4570

On le voit, les sept affir­ma­tions scien­ti­fiques sont loin d’être toutes évi­dentes ni éta­blies sur des bases solides, cer­taines réfé­rences étant visi­ble­ment des erreurs. Mais les dif­fé­rentes conclu­sions qui sont tirées de ces sept affir­ma­tions sont éga­le­ment très discutables.

Factor‑V : “Même avec 100% de la popu­la­tion vac­ci­née, l’im­mu­ni­té de groupe ne peut être atteinte avec les vac­cins actuels. La stra­té­gie actuelle de vac­ci­na­tion de masse ne repré­sente donc pas une option effi­cace ni effi­ciente à pour­suivre et se faire vac­ci­ner ne peut être consi­dé­ré comme un acte de soli­da­ri­té. Le déve­lop­pe­ment de vac­cins contre les variants risque de prendre du retard.”

Tant qu’il existe une effi­ca­ci­té vac­ci­nale contre la trans­mis­sion, l’infection et les hos­pi­ta­li­sa­tions et qu’il y a des preuves solides à l’ap­pui dans ce sens en pro­ve­nance d’un grand nombre de pays (Jones et al. 2021, Thomp­son et al. 2021, Shah et al. 2021), la vac­ci­na­tion reste un acte de soli­da­ri­té. Nous conve­nons que la notion selon laquelle les socié­tés pour­raient uni­que­ment se fier à la vac­ci­na­tion pour réduire la cir­cu­la­tion glo­bale du virus avec des taux de contact pré-pan­dé­mie est com­pro­mise par un cer­tain nombre de fac­teurs. Mais à l’opposé, pré­tendre que la vac­ci­na­tion n’ap­porte que des avan­tages indi­vi­duels n’est tout sim­ple­ment pas vrai. En rédui­sant les risques de satu­ra­tion des sys­tèmes de san­té, la vac­ci­na­tion en aug­mente l’ac­cès et réduit la mor­ta­li­té indi­recte de la Covid-19. L’étude de Shah et al. (2021) por­tant sur 92.470 foyers indique que la vac­ci­na­tion est asso­ciée à réduc­tion du nombre de cas et d’hospitalisations au sein de la sphère fami­liale, pro­té­geant ain­si les per­sonnes habi­tant sous le même toit — y com­pris les enfants — et qui pour­raient ne pas bien réagir à la vac­ci­na­tion (par exemple les per­sonnes âgées, immu­no­dé­pri­mées, atteintes de cancer).

Réfé­rences additionnelles :
*Jones et al. (2021). Single-dose BNT162b2 vac­cine pro­tects against asymp­to­ma­tic SARS-CoV‑2 infec­tion. eLife 10 : e68808
* Thomp­son et al. (2021). Inter­im esti­mates of vac­cine effec­ti­ve­ness of BNT162b2 and mRNA-1273 COVID-19 vac­cines in pre­ven­ting SARS-CoV‑2 infec­tion among health care per­son­nel, first respon­ders, and other essen­tial and front­line wor­kers – Eight U.S. Loca­tions, Decem­ber 2020 — March 2021. Cen­ters for Disease Control and Pre­ven­tion (CDC), Mor­bi­di­ty and Mor­ta­li­ty Week­ly Report 70 : 495 – 500
* Shah et al. (2021). Effect of Vac­ci­na­tion on Trans­mis­sion of SARS-CoV‑2. The New England Jour­nal of Medi­cine, doi : 10.1056/NEJMc2106757

Factor‑V : “Covid Safe Ticket n’est pas effi­cace d’un point de vue médical/épidémiologique et psy­cho­lo­gique, car il conduit à un faux sen­ti­ment de sécu­ri­té et peut contri­buer à de nou­velles infec­tions de SRAS-CoV‑2 et au Covid-19.”

On ne peut pas faire une décla­ra­tion aus­si géné­rale. Le béné­fice atten­du du Covid Safe Ticket (CST) dépend pro­ba­ble­ment du sec­teur et du type d’ac­ti­vi­té aux­quels il est appli­qué. Il pour­rait res­ter un ins­tru­ment utile pour des acti­vi­tés qui seraient autre­ment trop ris­quées. Nous sommes d’ac­cord sur le sen­ti­ment de fausse sécu­ri­té et sur le fait que davan­tage de com­mu­ni­ca­tion devrait être faite sur le fait que la vac­ci­na­tion n’offre pas une pro­tec­tion à 100% contre les risques de trans­mis­sion, d’infection ou d’hos­pi­ta­li­sa­tion. De plus, l’ex­pé­rience d’autres pays indique que la mise en œuvre du CST a été asso­ciée à une aug­men­ta­tion de la vac­ci­na­tion chez les adultes à risque et donc à une limi­ta­tion résul­tante des infec­tions et de la trans­mis­sion dans la com­mu­nau­té, même s’il est vrai qu’on ne peut néces­sai­re­ment en déduire qu’une telle aug­men­ta­tion de la vac­ci­na­tion se pro­dui­rait de la même manière chez nous.

Factor‑V : “Faire une dis­tinc­tion entre les per­sonnes vac­ci­nées et non vac­ci­nées n’a aucun sens d’un point de vue épi­dé­mio­lo­gique. Une telle dis­tinc­tion est éga­le­ment dis­cri­mi­na­toire et mora­le­ment déplo­rable.”

Ici aus­si, il s’a­git d’une décla­ra­tion géné­rale fort asser­tive. Les per­sonnes vac­ci­nées sont mieux pro­té­gées contre le risque d’hos­pi­ta­li­sa­tion et courent éga­le­ment moins de risques d’être infec­tées et donc d’in­fec­ter les autres, même si, comme indi­qué pré­cé­dem­ment, il ne s’a­git pas d’une réduc­tion du risque de 100%. Le carac­tère dis­cri­mi­na­toire ou mora­le­ment déplo­rable d’une telle dis­tinc­tion ne doit pas être confon­du avec ses carac­té­ris­tiques épidémiologiques.

Factor‑V : “Déci­sion de se faire vac­ci­ner doit res­ter un choix per­son­nel fon­dée sur l’é­qui­libre entre les avan­tages et les risques, en tenant éga­le­ment compte de l’im­mu­ni­té acquise.”

A par­tir du moment où la vac­ci­na­tion pro­duit un béné­fice col­lec­tif et où l’ab­sence de vac­ci­na­tion peut repré­sen­ter un risque accru pour l’entourage des per­sonnes non vac­ci­nées, la déci­sion de se faire vac­ci­ner ne peut plus être consi­dé­rée uni­que­ment comme un choix per­son­nel, ce qui est d’ailleurs recon­nu. Pour cer­taines caté­go­ries d’in­di­vi­dus, par exemple le per­son­nel des soins de san­té, l’im­po­si­tion d’une obli­ga­tion vac­ci­nale est ration­nelle et a d’ailleurs déjà été mise en place pour d’autres agents infec­tieux comme l’hé­pa­tite B.

Factor‑V : “Dans la recherche d’une meilleure approche, et en pré­vi­sion des futures vagues atten­dues, nous deman­dons donc à nos gou­ver­ne­ments de recon­naître que la Covid-19 est une ques­tion com­plexe et hété­ro­gène qui ne peut être réso­lue par des mesures simples et uni­ver­selles, mais plu­tôt par le déve­lop­pe­ment de mesures ciblées, pro­por­tion­nelles et équi­tables, en fonc­tion de chaque contexte et de la popu­la­tion cible.”

Cette conclu­sion n’est pas claire. Elle est si géné­rale qu’elle peut s’ap­pli­quer à presque tout : chan­ge­ment cli­ma­tique, crise éco­no­mique, situa­tion des migrants… Nous sup­po­sons que ce que les auteurs veulent dire, c’est que la vac­ci­na­tion ne doit pas consti­tuer le seul élé­ment de notre stra­té­gie de pré­ven­tion et de contrôle. Mais à notre connais­sance, plu­sieurs autres mesures sont tou­jours en place pour com­plé­ter la vac­ci­na­tion. Glo­ba­le­ment, nous conve­nons qu’une plus grande concen­tra­tion sur la pré­ven­tion et des inves­tis­se­ments struc­tu­rels dans la ven­ti­la­tion et la qua­li­té de l’air devraient faire par­tie d’une stra­té­gie à long terme, mais cela n’implique pas que la vac­ci­na­tion ne doit pas res­ter un ins­tru­ment cen­tral de cette stra­té­gie, ni qu’il soit jus­ti­fié de cher­cher à en décré­di­bi­li­ser la démarche soli­daire et le béné­fice collectif.

Nous n’avons pas sou­hai­té nous étendre sur les recom­man­da­tions du col­lec­tif « Factor‑V ». Nous avons fait le choix de mettre en lumière le fait que loin d’être une construc­tion scien­ti­fique solide se basant sur un état des connais­sances qui ferait consen­sus dans la com­mu­nau­té scien­ti­fique, cette lettre consti­tue en réa­li­té un article d’opinion, appuyé par une sélec­tion d’éléments pui­sés de manière oppor­tu­niste dans la lit­té­ra­ture. Elle doit donc être lue comme tel.

Marius Gilbert


Auteur

Chercheur en épidémiologie à l'université libre de Bruxelles. Il y dirige le laboratoire d'épidémiologie spatiale (SpELL) et est Senior Research Associate au FNRS.