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Classe moyenne

Blog - Anathème - capitalisme pauvreté sociologie par Anathème

décembre 2016

L’homme est ain­si fait qu’il rêve de tou­jours plus. Plus loin, plus haut, plus cher, plus grand, plus luxueux. C’est sur ce désir d’ascension que se fonde d’ailleurs le contrat libé­ral, lequel, contrai­re­ment au contrat social, ne pro­met pas une place à cha­cun, mais la chance d’une place meilleure que celle du voi­sin. On le sait, […]

Anathème

L’homme est ain­si fait qu’il rêve de tou­jours plus. Plus loin, plus haut, plus cher, plus grand, plus luxueux. C’est sur ce désir d’ascension que se fonde d’ailleurs le contrat libé­ral, lequel, contrai­re­ment au contrat social, ne pro­met pas une place à cha­cun, mais la chance d’une place meilleure que celle du voisin.

On le sait, l’insatiable soif des riches les pousse à deve­nir hyper-riches. Celle des classes moyennes les incite à s’extraire des masses labo­rieuses, tan­dis que même les plus modestes rêvent, qui d’un loge­ment décent, qui d’une veste d’hiver, qui encore d’une entre­côte sai­gnante. Notre socié­té libé­rale actuelle a cela de ver­tueux et d’égalitaire qu’elle per­met à cha­cun de rêver.

Quel songe plus exhal­tant, pour un pauvre, que celui d’un jour faire par­tie de la classe moyenne ? Quel plus beau pro­jet, pour une poli­tique éco­no­mique, que de lui en faci­li­ter la réalisation ?

C’est pré­ci­sé­ment ce à quoi œuvre l’actuel gou­ver­ne­ment belge de droite aus­té­ri­taire, mais aus­si celui, fran­çais, de droite hon­teuse ou celui, espa­gnol, de droite post-fas­ciste, par­mi tant d’autres. Pour y par­ve­nir, rien de plus effi­cace que des recettes simples et éprou­vées, voyez plutôt.

Pour com­men­cer, il faut bien enten­du recou­rir à des cri­tères objec­ti­vables pour défi­nir la classe moyenne, iden­ti­fier le Graal. Si nous nous rap­por­tons à la réfé­rence qui fonde 85% des notes cir­cu­lant dans les cabi­nets minis­té­riels (les 15 autres pour­cents étant des notes anté­rieures ne citant pas leurs sources), Wiki­pé­dia, nous pou­vons défi­nir la classe moyenne comme « les 50% des ménages dont le reve­nu brut dis­po­nible n’ap­par­tient ni aux 30% les plus modestes, ni aux 20% les plus aisés ». L’objectif est donc le sui­vant : faire entrer les 30% les plus pauvres dans le monde mer­veilleux des 50% qui sont plus riches qu’eux, sans pour autant faire par­tie des 20% les plus riches.

Naï­ve­ment, on pour­rait son­ger à pour­suivre l’enrichissement des plus dému­nis. Il faut cepen­dant écar­ter cette piste faus­se­ment logique qui pré­sente par trop d’inconvénients, dont celui d’obliger à don­ner de l’argent aux pauvres. Qu’il s’agisse de salaires ou d’allocations, rien n’est plus désa­gréable – et nui­sible pour eux – que d’engraisser les rebuts de notre socié­té. Oisi­ve­té, mau­vais gout, consom­ma­tion dérai­son­nable, appât du gain, la liste des effets néfastes est infi­nie. Du reste, le cout de telles poli­tiques serait consi­dé­rable ; sans comp­ter que nos diri­geants se feraient trai­ter de mar­xistes par leurs col­lègues euro­péens, ce qui est, cha­cun en convien­dra, pro­pre­ment insupportable.
Bien plus effi­caces sont les poli­tiques déjà mises en œuvre depuis quelque temps. Elles consistent, par tous les moyens pos­sibles, à appau­vrir les classes moyennes. Pré­ca­ri­té de l’emploi, rabo­tage de la sécu­ri­té sociale, baisse de la charge fis­cale abou­tis­sant à une aug­men­ta­tion des impôts, réduc­tion des pres­ta­tions éta­tiques, sou­tien des mul­ti­na­tio­nales au détri­ment des PME et indé­pen­dants, encou­ra­ge­ment de la spé­cu­la­tion, tout est aujourd’hui mis en œuvre pour faire bais­ser le niveau de vie des 50% du milieu.

Comme il est, pour les rai­sons que nous venons d’évoquer, impos­sible de trans­fé­rer ces richesses aux plus pauvres, il est logique de les ver­ser aux plus riches. Ils sau­ront quoi en faire, à n’en pas douter.

« La belle affaire, me direz-vous, l’appauvrissement des classes moyennes n’aide pas à s’élever les classes infé­rieures ! » Certes non, mais l’État ne peut tout faire à la place des indi­vi­dus. C’est pour­tant un pas dans la bonne direc­tion : il n’est en effet pas dif­fi­cile de com­prendre que, le seuil d’entrée s’abaissant, il sera d’autant plus facile à un pauvre d’accéder au niveau social qu’il convoite. Une Peu­geot 405 plu­tôt qu’une Mer­cedes, un appar­te­ment chauf­fé plu­tôt qu’une vil­la quatre façades, de la viande une fois par semaine plu­tôt que tous les jours, des vête­ments neufs plu­tôt que des habits de marque, des vacances dans les Ardennes plu­tôt qu’à la Côte d’Azur, la classe moyenne se démo­cra­tise, devient acces­sible. Un vélo neuf semble une pro­messe quand une voi­ture d’occasion était hier une cui­sante décep­tion. Une soupe avec des bou­lettes pro­cure une satis­fac­tion que n’apportait pas autre­fois un res­to pour toute la famille. La classe moyenne est là, à por­tée de main !

Il faut recon­naitre aux socia­listes le mérite d’avoir lar­ge­ment contri­bué à la mise en place de ce mou­ve­ment, mais il faut saluer la déter­mi­na­tion de la droite à accé­lé­rer le mou­ve­ment en ne s’embarrassant ni de pré­cau­tions ni d’hésitations. La jus­tice sociale est à ce prix.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.