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Charité bien ordonnée…

Blog - Anathème - Asile Réfugiés Syrie par Anathème

décembre 2015

Nom­breux sont ceux que l’on entend à juste titre s’indigner de l’accueil réser­vé aux réfu­giés qui affluent ces der­nières semaines à Bruxelles. Des cen­taines de per­sonnes se sont mobi­li­sées pour accueillir, loger, nour­rir, diver­tir et écou­ter ces per­sonnes qui arrivent après un éprou­vant voyage.

Anathème

Ceux que cela scan­da­lise ont à rai­son fait remar­quer que les misé­reux devaient être hié­rar­chi­sés, non seule­ment entre les méri­tants et les autres, mais éga­le­ment entre les nôtres et ceux des autres. C’est ain­si qu’ils réclament que l’on s’occupe d’abord d’un phé­no­mène récent chez nous et qui mobi­lise net­te­ment moins : le sans-abrisme. Il va sans dire que seuls nos SDF méri­tants doivent être aidés, ce qui exclut ceux qui ont choi­si la rue, qui sont alcoo­liques, qui n’ont pas pris la peine de suivre des for­ma­tions qua­li­fiantes, qui ne soignent pas des pro­blèmes de san­té dimi­nuant leur valeur sur le mar­ché du tra­vail ou qui aban­donnent toute digni­té en ne se lavant plus ou en por­tant des vête­ments éli­més et des chaus­settes dépareillées.

Certes, il faut conser­ver le sens des prio­ri­tés, mais il y a d’autres rai­sons de s’offusquer de ce qui, en se fai­sant pas­ser pour de la géné­ro­si­té, n’est rien d’autre qu’un coin enfon­cé dans le vivre-ensemble et la démo­cra­tie elle-même.

En pre­mier lieu, alors que nos gou­ver­ne­ments démo­cra­tiques ont mis en place une poli­tique de pour­ris­se­ment, offrant 300 places inadap­tées à plus de mille per­sonnes, refu­sant de trai­ter rapi­de­ment les dos­siers d’asile, se gar­dant de faire inter­ve­nir la pro­tec­tion civile, l’armée ou les ser­vices sociaux régio­naux et com­mu­naux, redi­ri­geant les sans-abris vers le cam­pe­ment des réfu­giés « où vous rece­vrez cer­tai­ne­ment à man­ger et une tente » ; alors que notre bien­veillant secré­taire d’État aux fron­tières et murs d’enceinte a déci­dé d’investir dans des cam­pagnes de publi­ci­té sur Face­book pour dis­sua­der les can­di­dats à l’asile de choi­sir notre pays ; alors que les amis de nos ministres pro­clament que ces soi-disant réfu­giés sont des migrants éco­no­miques, des pro­fi­teurs, des dji­ha­distes, des musul­mans, des bons-à-rien, des trouillards déser­teurs ; alors, donc, que nous menons une poli­tique de droite, cohé­rente et démo­cra­ti­que­ment déter­mi­née, une poi­gnée d’extrémistes de gauche cherchent à saper la légi­ti­mi­té démo­cra­tique et, loin de s’intéresser à ces étran­gers, œuvrent à l’instauration d’un cali­fat com­mu­niste. Il importe donc de les dénon­cer pour ce qu’ils sont : des enne­mis de notre belle démocratie.

En second lieu, il importe de rendre enfin jus­tice à des acteurs de l’ombre qui, eux aus­si, souffrent, mais en silence : nos ministres. Ils ont conquis leur maro­quin de haute lutte, par­fois en étant le fils d’un homme poli­tique, par­fois en sou­te­nant oppor­tu­né­ment un plus puis­sant qu’eux, par­fois encore en assis­tant lon­gue­ment à d’ennuyeux évé­ne­ments à base de dis­cours, de ban­nières agi­tées en tous sens et de jeunes gens en uni­forme chan­tant des airs mar­tiaux. Pour­quoi l’ont-ils fait ? Sans doute parce qu’ils ne savaient rien faire d’autre, mais aus­si pour accé­der au pou­voir, celui de déci­der ce qui sera fait et, sur­tout, ce qui ne le sera pas, celui de voir répé­ter la moindre de ses inep­ties par les médias, celui d’avoir une voi­ture avec chauf­feur et des cabi­net­tards ser­viles. Or, lorsqu’ils prennent des ini­tia­tives, lorsqu’ils agissent alors que nos émi­nences sou­hai­taient pro­fi­ter du spec­tacle de la misère et de la dépen­dance, lorsqu’au lieu de qué­man­der plus, ils dédaignent les miettes concé­dées par nos ministres, lorsqu’ils pro­clament que cha­cun est le bien­ve­nu, lorsqu’ils opposent l’éthique de l’action à la com­pro­mis­sion égoïste, ces citoyens gâchent tout. « Ce n’est pas du jeu », comme on dit ! Voi­là que nos diri­geants ne sont plus seuls dans la presse. Voi­là qu’ils s’ennuient, seuls sur la ban­quette arrière de leur ber­line. Voi­là que la dépres­sion les guette alors même qu’ils se pen­saient arri­vés. Voi­là qu’ils se sentent inutiles. Qu’ils le soient n’est certes pas un pro­blème, ils ne veulent pas bien faire, ils veulent être aimés par des masses croyant ne pou­voir se pas­ser d’eux. Mais qu’ils souffrent, cela est intolérable !

Ce n’est quand même pas trop deman­der que de res­pec­ter le carac­tère démo­cra­tique de notre État et la digni­té de nos diri­geants, bon Dieu ! Et il n’en coû­te­rait pas grand chose : regar­der Les Déco­deurs RTBF et Pour ou Contre, jeter ses vête­ments plu­tôt que de les don­ner, pos­ter sur Face­book des mes­sages appe­lant à nous occu­per en prio­ri­té de nos SDF, relire les œuvres com­plètes d’Alain Des­texhe, s’abonner au Peuple, lais­ser cre­ver quelques cen­taines d’étrangers. Une paille !

Soyons clairs : ne mérite pas d’être appe­lé citoyen qui n’est prêt à consen­tir à un si faible sacri­fice pour de si haut béné­fices. La Pla­te­forme citoyenne qui coor­don­nait l’action au parc Maxi­mi­lien a heu­reu­se­ment ces­sé ses acti­vi­tés, mais un pro­gramme uni­ver­si­taire de for­ma­tion à l’aide aux réfu­giés vient d’être créé à l’U­CL, une péti­tion cir­cule pour exi­ger un loge­ment digne pour chaque réfu­gié, des citoyens res­tent mobilisés !

Il est de notre devoir de tirer la son­nette d’a­larme : cha­cun doit être conscient de ce que l’ère de la com­plai­sance pour les enne­mis de notre socié­té touche à sa fin.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.