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Charité bien ordonnée…
Nombreux sont ceux que l’on entend à juste titre s’indigner de l’accueil réservé aux réfugiés qui affluent ces dernières semaines à Bruxelles. Des centaines de personnes se sont mobilisées pour accueillir, loger, nourrir, divertir et écouter ces personnes qui arrivent après un éprouvant voyage.
Ceux que cela scandalise ont à raison fait remarquer que les miséreux devaient être hiérarchisés, non seulement entre les méritants et les autres, mais également entre les nôtres et ceux des autres. C’est ainsi qu’ils réclament que l’on s’occupe d’abord d’un phénomène récent chez nous et qui mobilise nettement moins : le sans-abrisme. Il va sans dire que seuls nos SDF méritants doivent être aidés, ce qui exclut ceux qui ont choisi la rue, qui sont alcooliques, qui n’ont pas pris la peine de suivre des formations qualifiantes, qui ne soignent pas des problèmes de santé diminuant leur valeur sur le marché du travail ou qui abandonnent toute dignité en ne se lavant plus ou en portant des vêtements élimés et des chaussettes dépareillées.
Certes, il faut conserver le sens des priorités, mais il y a d’autres raisons de s’offusquer de ce qui, en se faisant passer pour de la générosité, n’est rien d’autre qu’un coin enfoncé dans le vivre-ensemble et la démocratie elle-même.
En premier lieu, alors que nos gouvernements démocratiques ont mis en place une politique de pourrissement, offrant 300 places inadaptées à plus de mille personnes, refusant de traiter rapidement les dossiers d’asile, se gardant de faire intervenir la protection civile, l’armée ou les services sociaux régionaux et communaux, redirigeant les sans-abris vers le campement des réfugiés « où vous recevrez certainement à manger et une tente » ; alors que notre bienveillant secrétaire d’État aux frontières et murs d’enceinte a décidé d’investir dans des campagnes de publicité sur Facebook pour dissuader les candidats à l’asile de choisir notre pays ; alors que les amis de nos ministres proclament que ces soi-disant réfugiés sont des migrants économiques, des profiteurs, des djihadistes, des musulmans, des bons-à-rien, des trouillards déserteurs ; alors, donc, que nous menons une politique de droite, cohérente et démocratiquement déterminée, une poignée d’extrémistes de gauche cherchent à saper la légitimité démocratique et, loin de s’intéresser à ces étrangers, œuvrent à l’instauration d’un califat communiste. Il importe donc de les dénoncer pour ce qu’ils sont : des ennemis de notre belle démocratie.
En second lieu, il importe de rendre enfin justice à des acteurs de l’ombre qui, eux aussi, souffrent, mais en silence : nos ministres. Ils ont conquis leur maroquin de haute lutte, parfois en étant le fils d’un homme politique, parfois en soutenant opportunément un plus puissant qu’eux, parfois encore en assistant longuement à d’ennuyeux événements à base de discours, de bannières agitées en tous sens et de jeunes gens en uniforme chantant des airs martiaux. Pourquoi l’ont-ils fait ? Sans doute parce qu’ils ne savaient rien faire d’autre, mais aussi pour accéder au pouvoir, celui de décider ce qui sera fait et, surtout, ce qui ne le sera pas, celui de voir répéter la moindre de ses inepties par les médias, celui d’avoir une voiture avec chauffeur et des cabinettards serviles. Or, lorsqu’ils prennent des initiatives, lorsqu’ils agissent alors que nos éminences souhaitaient profiter du spectacle de la misère et de la dépendance, lorsqu’au lieu de quémander plus, ils dédaignent les miettes concédées par nos ministres, lorsqu’ils proclament que chacun est le bienvenu, lorsqu’ils opposent l’éthique de l’action à la compromission égoïste, ces citoyens gâchent tout. « Ce n’est pas du jeu », comme on dit ! Voilà que nos dirigeants ne sont plus seuls dans la presse. Voilà qu’ils s’ennuient, seuls sur la banquette arrière de leur berline. Voilà que la dépression les guette alors même qu’ils se pensaient arrivés. Voilà qu’ils se sentent inutiles. Qu’ils le soient n’est certes pas un problème, ils ne veulent pas bien faire, ils veulent être aimés par des masses croyant ne pouvoir se passer d’eux. Mais qu’ils souffrent, cela est intolérable !
Ce n’est quand même pas trop demander que de respecter le caractère démocratique de notre État et la dignité de nos dirigeants, bon Dieu ! Et il n’en coûterait pas grand chose : regarder Les Décodeurs RTBF et Pour ou Contre, jeter ses vêtements plutôt que de les donner, poster sur Facebook des messages appelant à nous occuper en priorité de nos SDF, relire les œuvres complètes d’Alain Destexhe, s’abonner au Peuple, laisser crever quelques centaines d’étrangers. Une paille !
Soyons clairs : ne mérite pas d’être appelé citoyen qui n’est prêt à consentir à un si faible sacrifice pour de si haut bénéfices. La Plateforme citoyenne qui coordonnait l’action au parc Maximilien a heureusement cessé ses activités, mais un programme universitaire de formation à l’aide aux réfugiés vient d’être créé à l’UCL, une pétition circule pour exiger un logement digne pour chaque réfugié, des citoyens restent mobilisés !
Il est de notre devoir de tirer la sonnette d’alarme : chacun doit être conscient de ce que l’ère de la complaisance pour les ennemis de notre société touche à sa fin.