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Ceci n’est pas une crise
Depuis des mois, il n’est question que de crise. Les États s’enfoncent dans la dette, les économies dans la récession, l’Europe dans le ridicule et l’austérité, les chômeurs dans la misère et les travailleurs dans le chômage… Des milliards s’évaporent, on annonce un saut d’index, la déflation, une hausse de la TVA, la réduction des services de l’État, le train à destination de Namur avec un retard probable de 25 minutes,…
Pendant ce temps, la haine monte, et le terrorisme, le racisme, le sentiment d’insécurité. Les jeunes critiquent les vieux, lesquels ont peur des jeunes. Les gens d’âge moyen se prennent à regretter d’avoir fait des gosses, qui se demandent pourquoi ils ont des parents.
Bref, notre société est déboussolée, chacun court dans la rue, hurlant, se tordant les mains, comme s’il venait d’apprendre que la fin du monde était proche. Ou que la reine Fabiola était morte.
Heureusement, quand les mousses paniquent, quand les passagers se rongent les sangs, le vieux loup de mer tient fermement la barre. Une tempête ? Un cyclone ? La fin des temps ? Voyons, un simple coup de tabac. Si le vent continue de nous pousser de la sorte nous serons d’ailleurs plus vite à destination !
Voilà que, dans cette Belgique tétanisée, se lèvent des guides éclairés. Le ciré jaune leur va à ravir. Leur barbe drue impose le respect. Leur chevelure argentée nous rappelle qu’ils en ont vu d’autre. Leur cuir boucané indique que les éléments n’ont pas prise sur eux. Au travers des embruns et des trombes ils voient, eux, que l’histoire continue au-delà des quelques soubresauts que nous ressentons actuellement. D’une voix de stentor, l’œil vif, la tête haute, ils tonnent.
« Ceci n’est pas une crise ! »
Ils connaissent visiblement Magritte.
Enfin, quelqu’un ose se lever et dire la vérité ! En fait, tout va bien, pas de panique. Ceci n’est pas une crise parce que ce qui arrive fait partie du fonctionnement normal du système. Ce ne sont que quelques changements et le changement, n’est-ce pas, c’est la vie. Et puis, tout a toujours changé, alors pourquoi s’inquiéter ?
Car chacun le sait, rien de pire pour les marchés et l’économie que la sinistrose. Bientôt, assurés que tout ceci n’est en rien une crise, ni le chant du signe d’une forme de compromis entre les puissants et leurs serfs, ni l’annonce d’un monde d’exclusion et d’intolérance, bientôt, donc, nous pourrons sereinement faire nos courses le dimanche. Et jusqu’à 22 heures. Dans un monde enfin apaisé.
Alors, consommateurs heureux, heureux parce que consommateur, le sourire aux lèvres, nous nous rappellerons notre naïveté, quand nous craignions la crise, quand nous pensions notre monde au bord de l’implosion, quand nous nous remettions en question, quand nous songions qu’un monde nouveau sortirait du grand chambardement.
Heureusement, des hommes sages, et blancs, et riches, et bien insérés — des exemples en tout point donc — nous ont rappelé à la réalité : nulle crise, tout au plus quelques évolutions, une transition, en fait. Comme lorsqu’on passe de vie à trépas, pas de quoi fouetter un chat, tant qu’on veille au vivre ensemble. Pour ceux qui restent.