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Ça finira mal (mais pas de sitôt)

Blog - Anathème par Anathème

septembre 2017

Tout ça fini­ra mal, c’est cer­tain. C’est cer­tain. C’est même une constante his­to­rique : un jour les misé­reux se rendent compte qu’ils sont nom­breux, un jour ils n’ont plus rien à perdre, un jour ils sont le dos au mur. Alors ils sortent, pendent les puis­sants, violent leurs femmes, bru­lent leurs mai­sons, crachent dans leur whis­ky trente […]

Anathème

Tout ça fini­ra mal, c’est cer­tain. C’est cer­tain. C’est même une constante his­to­rique : un jour les misé­reux se rendent compte qu’ils sont nom­breux, un jour ils n’ont plus rien à perdre, un jour ils sont le dos au mur. Alors ils sortent, pendent les puis­sants, violent leurs femmes, bru­lent leurs mai­sons, crachent dans leur whis­ky trente ans d’âge, lacèrent les sièges de leur Mase­ra­ti. Et il faut tout recommencer.

Un jour, bien sûr, mais plus tard, pas de sitôt. L’expérience enseigne en effet que le peuple peut sup­por­ter une misère effroyable et, avant Ger­mi­nal et les grèves insur­rec­tion­nelles, nous en avons encore sous la pédale. Or, il se fait qu’une Mase­ra­ti donne envie d’une Fer­ra­ri, un trente ans, d’un qua­rante-cinq ans d’âge, une femme, de deux, et ain­si de suite. Il est trop tôt pour nous modérer.

Nous ne pou­vons donc que saluer la gran­deur des gou­ver­nants actuels : Macron qui rabote les indem­ni­tés loge­ment et baisse l’impôt sur la for­tune, Trump qui allège les taxes des plus riches et cherche à sup­pri­mer l’Obamacare, Charles Michel qui lutte contre la fraude sociale tout en fer­mant les yeux sur la fraude fis­cale… Même Alda Greo­li montre son enthou­siasme et sa doci­li­té en assi­mi­lant chô­mage et assis­ta­nat. Et par­tout, par­tout, nos amis au pou­voir vont, disant que ça ne peut plus durer, que la pen­sion sur­vient trop tôt, que les salaires sont trop éle­vés, que le chô­mage est une rente, que la sécu­ri­té sociale est un luxe impayable, que mille obs­tacles empêchent le retour de la crois­sance, que l’on est bien trop dur avec les riches et doux avec les pauvres…

Nous savons que tout cela se paie­ra cher et que les dis­cours sur la remise au tra­vail, le retour de la crois­sance et l’assainissement des finances publiques ne valent que pour ceux qui y croient. Certes, nous pour­rions œuvrer à la jus­tice pour garan­tir un ave­nir à nos des­cen­dants, comme nous pour­rions limi­ter les émis­sions de CO2, annu­ler la dette du Tiers-Monde, inves­tir dans l’enseignement et la san­té. Oui, nous pour­rions faire adve­nir une socié­té plus éga­li­taire et stable.

Mais, quand on y réflé­chit, les géné­ra­tions futures ne sont-elles pas d’infâmes assis­tées qui comptent sur nous pour créer les condi­tions de leur sur­vie ? Ne nous sont-elles pas aus­si étran­gères qu’un migrant noyé en Médi­ter­ra­née ? Ne sont-elles pas infi­ni­ment moins pal­pables qu’un volant en cuir, l’eau de notre pis­cine, l’échine cour­bée de nos valets, voire la fumée de nos havanes ?

Il est donc natu­rel que nos gou­ver­nants pri­vi­lé­gient nos pri­vi­lèges et nous aident à rou­ler dans de cou­teuses ber­lines de socié­té, à nous payer de mul­tiples rési­dences, à voler autour du globe au gré de nos envies et à nous payer les corps dociles qui pour­voi­ront à notre bien-être.

Alors, oui, ça fini­ra mal, mais le cal­cul le plus ration­nel est de pen­ser que nous avons encore un peu de marge. Même Charles Michel, ce diri­geant jeune et frin­gant, sera un vieillard che­nu avant que le peuple assom­mé ne songe à rele­ver la tête pour cou­per celle des puis­sants. Alors, qu’importe si tout est fini : nous aurons vécu. La rai­son com­mande donc de ne rien changer.

Nous pou­vons nous trom­per, bien évi­dem­ment, mais ne sommes-nous pas des capi­ta­listes modèles en pre­nant des risques dans l’espoir de doper notre crois­sance, de créer vos emplois, de pro­duire nos richesses ?

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.